[Live Review] The Woodentops, Marble Sounds et Marti Nelli au Supersonic Records : « saleté de couvre-feu ! »

Le Festival Outsiders nous a offert mardi soir de belles retrouvailles avec nos très chers Woodentops, malheureusement un peu gâchées à la fin par la nécessité de respecter le « couvre-feu ». Partie remise ?

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The Woodentops Supersonic Records – Photo Pascal Cossé

Octobre, c’est désormais aussi le mois où l’équipe des passionnés de musiques originales de Sun Burns Out nous offre un joli petit événement, le festival – bien nommé – « Outsiders », qui permet de voir sur scène, dans le cadre accueillant du Supersonic Records, des gens un peu marginaux, mais aussi issus de générations passées, de quoi activer une certaine nostalgie… surtout quand on parle de vrais talents qui n’ont pas eu accès à la reconnaissance qu’ils méritaient ! L’année dernière, c’était par exemple Luke Haines qui était invité, et cette année, la belle tête d’affiche des trois jours, c’est Rolo McGinty et ses Woodentops. Soit un groupe qui a littéralement enchanté nos nuits frénétiques de 1986 et 1987, qui était en route pour connaître un triomphe planétaire (bon, on exagère un peu), mais qui est passé à côté du succès populaire. Le groupe reste pourtant actif, avec la parution, l’année dernière, d’un album (leur quatrième seulement en quarante ans !), le très réussi Fruits of the Deep. Le Supersonic Records est d’ailleurs sold-out, ce qui fait plaisir, même si les neuf dixièmes des gens qui sont là étaient visiblement déjà des fans du groupe en 1986 !

 

The Marble Sound Supersonic Records - Photo : Pascal Cossé
The Marble Sound Supersonic Records – Photo : Pascal Cossé

19h30 : Mais la soirée commence dans un registre très différent avec les Belges de Marble Sounds – à peu près inconnus en France alors qu’ils rencontrent un succès réel en Belgique, aux Pays-Bas, et en Allemagne. On nous avait promis quelque chose de fin dans le registre de Belle & Sebastian, la réalité est tout autre ; le groupe de Pieter Van Dessel joue une pop bien plus « middle of the road », tout confort, mélodique, inspirée, et capable quand même de monter en intensité. C’est chaleureux, c’est plein d’une jolie émotion, et ça commence par nous séduire assez facilement : la montée en puissance du final de If You Would Prove Me Wrong Now, le second morceau, laisse présager quelques moments forts… Pourtant, il n’en sera rien, et peu à peu, on a le sentiment que tout cela ronronne bien trop gentiment, ou plutôt joliment, sans aspérité ni prise de risque. On commence à s’ennuyer, malgré des mélodies pourtant séduisantes, et on trouve le temps long. Soixante-cinq minutes pour un set qui aurait été presque mémorable s’il avait été réduit à trente, c’est trop, c’est beaucoup trop. On relèvera quand même la tête sur un titre « new wave » efficace, Hear Me Talking, mais on déplorera un rappel consternant sur une reprise de… noooooon !… Jean-Jacques Goldman !!!

 

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Marti Nelli au Supersonic Records – Photo Pascal Cossé

Pour nous secouer après cette heure décidément bien lénifiante, une quinzaine de minutes d’un véritable OVNI : Marti Nelli – c’est-à-dire en fait l’écrivain Olivier Martinelli qui vient nous donner des nouvelles de son cancer. Non, on ne plaisante pas. Pour « tenir la maladie à distance », selon ses propres termes, Martinelli a écrit des textes qui parlent de son traitement et de sa manière d’affronter la menace omniprésente que représente le myélome qui l’affecte. Et comme il est fan de The Jesus & Mary Chain, du Velvet Underground, et des… Woodentops, ces textes – simples, lumineux, drôles, bouleversants – sont mis en musique (Rock) avec l’aide d’un guitariste et d’un batteur. Le résultat est littéralement secouant, à la fois léger et poétique, mais se révèle une sacrée claque dans la gueule. A la différence de ce qui s’est passé avec Marble Sounds, on en écouterait bien plus, beaucoup plus même, car on touche là à une vérité, à une profondeur (déguisée avec pas mal d’humour, répétons-le), qui en font des instants bien plus profondément « Rock » que l’heure d’eau tiède qui a coulé avant. Superbe, tout simplement.

Photo Pascal Cossé The Woodentops Supersonic Records 071025 DSCF4739Et ce n’est qu’à 21h30 que The Woodentops montent sur scène, en format quintette : il y a Rolo, Frank de Freitas, membre originel de la formation à la basse, avec un guitariste (qui ne nous semble pas être Simon Mawby, même si celui-ci ferait encore partie officiellement du groupe), un claviériste et un… batteur. Un batteur (heureusement) époustouflant, car la batterie est réellement le cœur de la musique de Rolo McGinty, qui plaisantait récemment en disant qu’il « mangeait les batteurs », du fait de son exigence vis-à-vis du rythme infernal qui se doit d’animer ses créations. Et c’est parti pour une heure vingt-cinq minutes d’alternance entre transe et émerveillement mélodique – comme à la grande époque de Giant ! Une heure vingt-cinq alors que le set devait durer moins d’une heure et quart, mais qu’il y a eu visiblement un manque d’alignement entre l’artiste et les organisateurs sur l’horaire du « couvre-feu » !

Car la setlist est copieuse, avec seize titres et un rappel de deux morceaux, alors que nombre d’entre eux donne lieu à de longues divagations extatiques à la pulsation irrésistible (on sait que Rolo est un grand fan d’afro-beat, et qu’il connaissait d’ailleurs Fela Kuti !), et on ne voit pas très bien comment tout cela pourrait rentrer dans l’intervalle de temps imparti. Ce sont le dernier album et l’incontournable Giant qui constituent le cœur musical de la soirée, avec quelques ajouts, évidemment indispensables, de Wooden Foot Cops on the Highway : bref, que du bon ! Non, correction, que de l’excellent… ! Et si l’on repense à la dernière fois que l’on a vu The Woodentops à Paris, ayant manqué leur passage à la Maro en 2010, au New Morning en janvier 2008, la formation de ce soir est nettement meilleure, et la musique incontestablement supérieure… Pas loin de retrouver la frénésie intense des origines – même si l’âge rend cet état difficile à atteindre !

Photo Pascal Cossé The Woodentops Supersonic Records 071025 DSCF4725Sur scène, Rolo alterne entre une jovialité très volontairement affichée face au public, et un rôle de leader assez dictatorial vis-à-vis de ses musiciens (qui doivent y être habitués) : si un morceau manque de vélocité ou de force, on s’arrête et on le recommence, Rolo n’est pas là pour jouer de la musique bien « polie ». Et de fait, le concert monte très vite en intensité, pour le plus grand plaisir de tous : Get It On, Good Thing ou Stop This Car restent de formidables véhicules de frénésie joyeuse. Mais c’est une incroyable « version-transe » de Love Train qui achève de replacer la bande à Rolo sur le podium des grands. Avant une magnifique interprétation funky et agressive d’un titre à peu près inconnu, Stay Out of the Light. Grand, très grand !

Et on se prépare, alors que The Woodentops nous charment avec le très joli Ride a Cloud (tiré du dernier disque), à l’assaut sonique final : Move Me, puis Well Well Well sont prévus sur la liste, quand… le couperet tombe : on est arrivés trop près du couvre-feu pour que le set se poursuive ! Rage ! Désespoir ! Frustration ! Comment peut-on nous faire ça, alors que nous nous sommes languis patiemment sur Marble Sounds pendant une heure ?

Bon, nous nous en remettrons, bien sûr, mais quel dommage… Merci en tous cas aux organisateurs du festival de nous avoir permis de renouer avec l’un de nos grands amours de jeunesse. Et espérons que ce succès donne envie à Rolo de repasser plus souvent par Paris, une ville qu’il déclare adorer (surtout « l’odeur du gasoil », nous a-t-il avoué !).

Marble Sounds :
Marti Nelli :
The Woodentops :

Eric Debarnot
Photos : Pascal Cossé (merci à lui !)

The Woodentops au Supersonic Records
Production : Sun Burns Out
Date : le mardi 7 octobre 2025

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