Avec Nous les moches, Jean Michelin raconte la réunis la dernière tournée entreprise par quatre vieux potes musiciens de thrash metal, à travers une Amérique paumée. Une ode à la musique et à ceux qu’elle empêche de sombrer.
Après Ceux qui restent, Jean Michelin change radicalement de tonalité avec Nous les moches. Cette fois, direction la Virginie et les confins d’une Amérique oubliée, pour suivre le destin de quatre adolescents passionnés de thrash metal.
Issus d’un milieu modeste, ces quatre garçons aux cheveux longs et gras n’ont guère d’autre échappatoire que la musique. Leur groupe, Obliterator, leur sert de planche de salut, d’horizon commun. Ils rêvent de scènes enflammées, d’une reconnaissance à la Metallica, Slayer ou Megadeth. Mais les illusions s’effritent vite. Le groupe se dissout, rattrapé par la réalité d’une scène impitoyable et d’existences ordinaires.
Vingt-cinq ans plus tard, rangés des voitures, les quatre anciens musiciens ont troqué guitare et batterie au profit d’un quotidien banal, entre boulot et vie de famille. Jusqu’au jour où Doug, le batteur, atteint d’une tumeur, les convainc de reformer le groupe pour une ultime tournée. Démarre alors un road-trip de 5000 kilomètres, des Appalaches aux Rocheuses, qui va se transformer en un voyage initiatique, comme un retour vers une jeunesse pas totalement oubliée, vers ce qu’ils ont perdu et ce qu’ils peuvent encore sauver.
Les concerts dans des bars miteux, devant un public épars composé d’habitués, de types bizarres et d’alcooliques, les nuits passées dans des motels défraîchis, les frictions et les réconciliations au sein du groupe… tout cela compose un récit attachant dans lequel l’auteur parvient, avec beaucoup de sensibilité, à restituer l’intimité de ce groupe qui, malgré les années, retrouve petit à petit son unité et une part de sa rage adolescente.
Dans ce roman à la trame assez classique, Jean Michelin mêle humour, émotion et authenticité, tout en livrant moult détails sur la musique, les instruments, la manière de jouer, notamment de la batterie – l’instrument central du groupe – , montrant combien le rock peut être un art de vivre et qui, dans ce récit, sert de fil conducteur.
En filigrane, l’auteur dresse le portrait d’une Amérique des laissés-pour-compte, racontant les coins paumés, les bars oubliés, bien loin du rêve américain. Dans ce contexte, la musique devient alors une manière de résister à l’ennui, à la misère et à l’injustice sociale.
Benoit RICHARD