C’est dans les profondeurs des catacombes que Josh Homme a entamé en 2025 un come back lumineux avec Queens Of The Stone Age. Nous assistons alors à cette renaissance dans des conditions très particulières au Grand Rex de Paris, pour un concert tout aussi intime qu’intense.

Les ténèbres, Josh Homme s’y est retrouvé plongé de nombreuse fois dans sa vie. Des frasques liées à différents styles d’abus jusqu’à de graves soucis de santé l’ayant écarté de sa formation à plusieurs reprises, en passant par des séparations brutales d’avec des membres du groupe ou dans sa vie privée, l’ombre plane toujours sur la tête du leader de Queens Of the Stone Age. Est-ce alors étonnant de retrouver le groupe immergé dans la noirceur des catacombes parisiennes pour nous fournir un mini-concert enregistré live, qui fit l’objet d’un EP sorti en 2025 ? Un projet qui était devenu une arlésienne pour les fans, tant le souhait a été très souvent évoqué par Josh Homme lui-même, mais jamais mis en œuvre. Et pourtant, c’est bien avec Alive In The Catacombs, recueil de 5 titres joués en acoustique dans le plus grand ossuaire du monde, que Josh a célébré son propre retour à la vie.
Transformé tant mentalement que physiquement à la suite de sa longue maladie, c’est un Josh Homme svelte, aux cheveux blanchissants mais affichant une incroyable sérénité que nous retrouvons en tournée, pour une série de concerts entre États-Unis et Europe dans des théâtres prestigieux permettant des prestations intimistes, semi-acoustiques et accompagnées d’une orchestration classique. Les violons, cuivres et percussions mettent ainsi en valeur le musicien qui a embrassé pour l’occasion un personnage de crooner que nous ne lui connaissions pas. Habitués au fracas des guitares et de la batterie quand le groupe interprète ses plus gros succès, le Catacombs Tour permet de découvrir une nouvelle facette de la personnalité de l’américain, revenu de loin.
Le rendez-vous parisien est attendu avec impatience tant par les fans qui ont réussi à décrocher le sésame pour cette soirée organisée au Grand Rex que par le groupe lui-même. Le lien entre Josh et Paris est profond : la ville lumière a toujours accueilli à bras ouverts les multiples incarnations de Queens Of The Stone Age tout au long des années et c’est comme muse que la capitale se place dans le cœur et l’esprit du musicien. Ayant été touché à vif par les attentats du Bataclan en novembre 2015, ce dernier ayant de peu échappé à la catastrophe devant quitter le groupe Eagles Of Death Metal juste avant le concert pour l’accouchement de sa femme, il est alors difficile de ne pas ressentir cette connexion quand nous retrouvons Josh Homme en concert chez nous. Ce soir ne fera pas exception à la règle, le fil conducteur de cette tournée étant basé sur l’expérience vécue par les musiciens parmi ces milliers d’os de défunts, sur lesquels a été bâti notre belle capitale.

C’est dans un Grand Rex complet, du rez-de chaussé jusqu’au plus haut balcon, que nous retrouvons le groupe, toujours composé de Josh Homme, Troy Van Leeuwen, Michael Shuman, Dean Fertita et Jon Theodore. Ce soir, la formation sera complétée de musiciens aux violons, aux cuivres et mené par un chef d’orchestre, offrant au répertoire de Queens Of The Stone Age une intensité d’un autre genre. Le concert se voit segmenté en trois parties : la première avec les titres de l’EP Alive In The Catacombs joués en acoustique avec les violons, puis suivent un second et troisième set qui offrent une revisite de titres qui pioche de façon très vaste dans le répertoire du groupe. Évitant de tomber dans la facilité de la setlist Best-Of, comme nous avons pu déjà en profiter lors de la clôture du festival Rock en Seine en août dernier, le choix se porte sur des morceaux qui se voient bonifiés par la nouvelle orchestration. La lenteur et la puissance sont de mises, un paysage sonore qui offre le parfait écrin pour que puisse s’épanouir le nouveau visage de Josh Homme en 2025. Vêtu d’un costume aubergine et d’une chemise noire ornée de fleurs, la houppette ayant laissé place à une coupe plus sophistiquée mettant en valeur les tempes nouvellement grisonnantes de notre ami, le style se veut indéniablement élégant et séduisant. A cinquante-deux ans maintenant, l’époque des tee-shirts sans manches et autres looks plus grunge semble oubliée. Cependant, le style s’est assagi mais pas l’esprit, toujours à la limite du borderline, qui représente son l’essence même.

Ainsi, nous l’observerons de nos confortables sièges en cuir consécutivement passer de la scène à la fosse assise, allant jusqu’à monter dans des balcons du théâtre normalement inaccessibles pour s’y poster tel un Roméo qui vient déclarer sa sérénade à Juliette, ici le public parisien. Sur scène, entre verres de vin rouge et cigarettes dont il nous rappelle toujours extrêmement sympathiquement malgré l’interdiction de fumer indoor que « ça n’est qu’une taff, Motherfuckers », Josh Homme s’exécute de façon envoutée. Ses manières sont à la limite du théâtral : Josh chante et danse lascivement, s’éclaire d’une seule lampe torche dans la quasi-pénombre pour les premiers titres tout en acoustique, s’arme d’une feuille de boucher en jonglant nonchalamment avec sur Mosquito Song, alors baigné dans une lumière rouge sang opaque et aveuglante, ou vient embrasser littéralement certain membre du public, rappelant durant les interludes que ce qui le lie à Paris est unique et indestructible.
Avec ses grands airs qui peuvent rebuter la partie la plus « conservatrice » des fans de Queens Of The Stone Age, Josh revendique toute l’attention sur scène. Les camarades pourtant tout aussi importants lors d’un concert classique sont ici très clairement mis en retrait en faveur du leader. L’exception viendra de Michael Shuman lors de l’interprétation de Auto Pilot, nous remémorant le passé glorieux mais dorénavant bien lointain de Nick Oliveri au sein de la formation. Tout de cuir vêtu, crinière décolorée en blond platine, Michael saura néanmoins s’approprier le titre entièrement et y apporter un sex appeal un peu dark qui colle parfaitement avec le thème de la soirée. Le concert s’apprécie selon les affinités des uns et des autres avec les titres interprétés. Passant de versions semi-acoustiques absolument remarquables de Kalopsia et I Never Came, à l’enchaînement imparable Someone’s In The Wolf, Mosquito Song, Keep Your Eyes Peeled et au retour tant convoité du Spinning In Daffodils de Them Crooked Vultures (dont on se laisse rêver à une reformation du super groupe), on trouve tout de même lors du troisième set d’autres ré-interprétations peut être un peu moins pertinentes telles Easy Street ou Fortress, avec cependant le point d’orgue qu’est la version seul au piano du magnifique The Vampyre Of Time And Memory. L’effort de proposer quelque chose de nouveau et d’osé permet toutefois de raviver une flemme qui s’était peut-être un peu éteinte après les séries de concerts en très grande arénas pour les deux derniers albums, noyant au passage la proximité entre le groupe et ses fans français.

Le public est donc resté sagement assis dans son siège, respectant la couleur du set telle que la porte Josh Homme pour cette expérience d’un autre type. Mais, le naturel revenant très vite au galop, et cette date parisienne étant au cœur même de la tournée, c’est lors de l’ultime rappel que Josh appellera les spectateurs à se rapprocher de la scène pour partager a capella, accompagné de Michael au chant, un Long Slow Goodbye approprié, quittant ainsi ses fans plus que dévoués et nous souhaitant de nous retrouver tous ensemble rapidement.
Cette soirée passée en compagnie de Josh Homme et Queens Of The Stone Age restera à n’en pas douter unique, et c’est avec une grande impatience que nous attendons le retour du groupe sous une forme plus traditionnelle, mais de nouveau empreint de cette rage délicieusement addictive qui fait tout le sel de notre relation, depuis maintenant trente années.
Texte et Photos : Laetitia Mavrel