Sur une intrigue de polar, L’Histoire de la littérature est un réjouissant jeu de massacre, qui, sans épargner Cyril Poirier, son médiocre protagoniste, brosse le portrait impitoyable d’un petit monde parisien jaloux de ses privilèges.
Cyril Poirier, trente-six ans et des poussières, est contrôleur de gestion au ministère des Finances. Écrivain en mal de reconnaissance et célibataire désespéré, il y rumine sa frustration entre Jean-Claude, son redouté patron, Camille, sa sympathique collègue et la jolie Bérénice qui lit passionnément Modiano et dont il est secrètement amoureux. Cyril se désole de voir son ambition d’être publié se heurter régulièrement au refus des maisons d’édition… Pourtant, un beau jour, son avenir s’éclaire. Il a compris comment entrer dans l’histoire de la littérature : en assassinant des auteurs célèbres.
Malgré son titre ambitieux qui laissait présager un ouvrage érudit, L’Histoire de la littérature est un roman plein d’humour et de fantaisie, le récit à la première personne d’un paisible fonctionnaire obsédé par les chiffres, qui partage son temps entre son bureau au ministère et sa chambre de bonne à Saint-Germain-des-Prés. Faute de se faire connaître par ses écrits, et après avoir été confronté au mépris de Philippe Sollers, il se transformera en tueur en série. Philippe Sollers sera sa première victime, ou plutôt Philippe Joyaux car, si l’homme est mort, l’écrivain, lui, continuera à vivre à travers Cyril Poirier. Main dans la main, tous deux se lanceront dans une véritable campagne de dézingage des écrivains les plus connus du moment : Modiano, Houellebecq, Kundera, Gaudé, Ferrari, Le Clézio, Reinhardt, Dantzig et bien d’autres, sans oublier Amélie Nothomb, étrangement la seule femme du lot.
L’Histoire de la littérature : une intrigue de polar pour un roman virevoltant, véritable jeu de massacre où tous les grands auteurs contemporains et les maisons d’édition en prennent pour leur grade. Un récit rythmé et déjanté où l’on se délecte de la désinvolture macabre du narrateur, de la hargne avec laquelle il s’attache à débusquer les fausses valeurs, à faire le portrait d’un petit monde parisien imbu de lui-même et replié sur ses privilèges. Mais Xavier Chapuis n’épargne pas non plus son (anti) héros, jaloux, aigri, enfermé dans son narcissisme et ne doutant pas un seul instant de son talent. Odieux et ridicule dans ses tentatives pour conquérir Bérénice, son écriture prétentieuse, son goût pour les mots pédants et sa tendance aux envolées lyriques révèlent un auteur aussi médiocre que l’homme.
Un premier roman réussi pour Xavier Chapuis qui, lui, a trouvé, avec do, un éditeur ! Mais si c’est avec une incontestable jubilation que nous accompagnons Cyril Poirier dans son délire criminel, que nous dit L’Histoire de la littérature de la littérature elle-même ? Au-delà d’une satire mordante qui vise tant les auteurs consacrés que les aspirants écrivains – ou du moins certains d’entre eux – les intentions de Xavier Chapuis restent opaques, comme s’il s’était laissé emporter par l’euphorie de l’écriture et le plaisir des mots.
Anne Randon