Dans sa maison est un premier roman dont l’intrigue se déroule en 1961 dans la province rurale hollandaise d’Overijssel. Yael van der Wouden est une jeune autrice israélo-néerlandaise à la plume directe, mêlant l’intime à l’Histoire. Si le récit est parfois inégal, il reste malgré tout prenant.

Les romans néerlandais ne sont pas très nombreux dans les rayonnages de nos librairies. Il est intéressant de découvrir la littérature contemporaine hollandaise, Dans sa maison ayant connu le succès outre-manche avec le prix littéraire Women’s Prize for fiction et une nomination dans les finalistes du Booker Prize 2024.
1961, quinze ans que la Seconde guerre mondiale a pris fin. La province hollandaise d’Overijssel est calme. Les champs sont de nouveau plats et cultivés, vierges des cratères faits par les bombes, les bâtiments reconstruits, chacun a repris sa vie.
Isabel vit seule dans la maison familiale, après le décès de sa mère quelques années auparavant. Son quotidien solitaire est fait de routine et de discipline, sans aucune fantaisie. Mais cette vie millimétrée est bousculée quand son frère Louis débarque avec sa nouvelle petite amie, Eva, qu’il laisse en plan auprès de sa sœur.
Eva est l’opposée d’Isabel : extravertie, elle se maquille assez outrageusement, se couche et se lève tard, est bruyante. Elle touche à tous les objets de la maison dont Isabel prend le plus grand soin, à la limite de la dévotion. En réponse, Isabel éprouve une aversion profonde pour la jeune femme, même si la fascination n’est pas loin.
L’un des points forts du roman est la tension qui monte au fil des chapitres, au même rythme que la chaleur estivale qui devient étouffante. Le lecteur sent arriver le point de bascule qui bouleversera les vies d’Isabel et d’Eva. La deuxième partie est consacrée à un revirement dans la relation entre les deux jeunes femmes. Là est peut-être la faiblesse du récit : à vouloir traiter trop de sujets, on perd de vue le fil narratif qui tient le lecteur en haleine dans la première partie.
Cet intérêt trouve un regain d’énergie dans la troisième partie. Dans sa maison devient alors un journal intime qui met à nu les faiblesses et les trahisons d’un peuple pendant et après la guerre. Les masques tombent et les vérités inavouables se font jour.
La maison tient une place centrale dans le récit, symbole des tensions entre les protagonistes et des non-dits. Elle représente ce que de nombreux Néerlandais de confession juive ont connu après leur retour des camps.
Yael van der Wouden dresse des portraits de femmes sans concession. Isabel n’est pas un personnage attachant au début du roman, mais écoute son instinct pour atteindre une plénitude qui la rend plus lumineuse à la fin du récit.
Dans sa maison est un premier roman qui s’annonce prometteur.
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Caroline Martin
