[Live Review] Bar Italia à la Maroquinerie (Paris) : dans le trou noir

Bar Italia était de passage à Paris pour soutenir la sortie de son cinquième album, mitigé, et témoignant de sa difficulté à franchir un palier. Des difficultés que nous espérions être transcendées sur scène…

Bar Italia a la Maroquinerie Photo Robert Gil
Bar Italia à la Maroquinerie – Photo : Robert Gil

Il y a quelques jours, le groupe anglais Bar Italia de têtes-à-claques « arty », sensé avoir renouvelé le genre « post-velvétien » à grands coups de pompe shoegaze et noisy-pop, sortait son (déjà) cinquième album, Some Like It Hot. Nous avions eu l’occasion d’exprimer nos compliments face aux chansons les plus musclées du groupe, mais aussi nos réserves, face aux ballades et midtempos, manquant d’originalité, peuplant la moitié de l’album, et témoignant in fine de l’incapacité du groupe à franchir un palier, à transformer l’essai. Restait une question en suspens : le groupe serait-il, après des centaines de concerts, en capacité de transcender ses limites sur scène ? C’est avec cette interrogation en tête que nous rallions la rue Boyer en ce mardi soir automnal frais, mais sec, sur la capitale.

Bar Italia 02Pour le coup, pas sûr que le public, visiblement « chaud », et très divers du point de vue de l’âge, avec beaucoup de « jeunes », se pose cette question ce soir. Il a très vite répondu présent pour cette date, qui a affiché complet très vite. Il faut dire que Bar Italia est en tournée de pré-chauffe, dans des salles de jauge inférieure à ce que le groupe peut prétendre remplir désormais – il reviendra à Paris, à l’Elysée Montmartre, de capacité triple à celle de la Maroquinerie, au printemps. Ce soir est donc une soirée pour les « fans », permettant de dégrossir ce qui fera le sel d’une tournée plus ample, destinée à un public plus composite dans quelques semaines.

Il est 21h10 à la Maroquinerie quand le trio, transformé en quintet pour la tournée, s’avance sur scène, après dix minutes de bandes enregistrées de sons de basse poussés fort. La setlist affichée au pied des musiciens indiquant dix-neuf chansons, soit une de moins que les jours précédents en Espagne et en Italie, on se demande pourquoi cette amputation et ce début un peu plus tardif pour le public parisien, sans raison apparente. Un premier signe, pas forcément positif, pour cette soirée avec le groupe anglais ?

Quoi qu’il en soit, Nina Cristante (chant, danse), Sam Fenton et Jezmi Tarik Fehmi (guitares et chant), appuyés d’une section rythmique d’appoint (une bassiste et un batteur) pour la tournée, s’avancent dans le noir de la salle, qui contraste avec la lumière volontairement blanche, fixe et drue, balancée vers le public lors de leur concert à la Cigale il y a deux ans. L’obscurité, plutôt la lumière tamisée, durera tout le concert ce soir, les spectateurs n’étant guère aidés par Cristante, point focal naturel pour le public, elle-même tout de noir (et de cuir) vêtue, dans une tenue cela dit un peu plus « appropriée » que lors de la tournée précédente, où la chanteuse / danseuse, court vêtue, avait tendance à faire voltiger un peu trop facilement ses jupettes. Ce soir, elle va se dandiner, parfois avec des cymbales, mais le pantalon est de rigueur, et c’est bien ainsi.

Bar Italia 03L’attaque du show est imparable, avec Fundraiser (la chanson d’ouverture de Some Like It Hot), même si légèrement polluée par des problèmes de son donnant au début l’impression d’assister à la balance, My Little Tony, qui ouvrait leur quatrième album The Twits il y a déjà deux ans sur le même principe d’ouverture rentre-dedans, et I Make My Own Dust, du dernier album, très convaincante sur scène. Le public est retourné, avec un gros pogo emportant une bonne partie de la salle pendant cette petite dizaine de minutes d’attaque. La suite va être plus problématique, finalement à l’image du dernier album, avec un tunnel de huit (huit !!) midtempos quasiment tous aussi oubliables les uns que les autres, se voulant certainement vénéneux, mais ne décollant jamais vraiment : Twist, Marble Arch, Bad Reputation, Lioness (qui nous a semblé moins intéressante que sur l’album), The Lady Vanishes, Plastered…L’inattendue Sarcoustica, extraite de The Tw*its (EP de faces B de leur quatrième album The Twits), avec Fehmi à la guitare électro-acoustique, parachève cette ambiance émolliente. Coup de froid sur la Maro

Seule lueur dans le tunnel, Jelsy, extraite de The Twits, toujours dans un registre midtempo, est plus intéressante, par le jeu des voix des trois « leaders », et même émaillée, à nouveau de problèmes de son de guitare. Le public, engourdi, se réveille alors un peu, et Cristante de balancer « merci » en français : ce sera le summum des interactions (il n’y aura même pas de présentation des musiciens, et notamment des musiciens de tournée, réduits à un rôle de faire-valoir méprisable). Car c’est l’autre problème de Bar Italia sur scène : une incapacité à communiquer, souvent décrite à leurs débuts comme une attitude dédaigneuse, « arty », « snob », si l’on veut. Les centaines de concerts aidant, on a du mal à comprendre cette absence totale de lien, qui plus est avec un public totalement acquis à sa cause ce soir. Erreur de jeunesse ? Erreur tout court à ce stade.  Ou alors, déjà, lassitude d’être là, d’enchaîner les concerts, sentiment de « pointer », alors que leur position, dans un groupe en vue et à succès, y compris auprès d’un public jeune, est privilégiée… Les interrogations sont nombreuses face à cette absence manifeste de joie d’être là (sauf pour Fehmi — peut-être le plus « impliqué » ? — qui, est celui qui a manifesté le plus son irritation face au problème du son de sa guitare sous-mixé).

Bar Italia 05Heureusement, et il faut aussi le souligner, le groupe a su ménager une fin de setlist habitée, et une « montée en puissance », même si un peu tardive, entre « vieilleries »  énergiques (Nurse !, aux agréables dissonances, la cavalcade bien nommée punkt) et réussites de son dernier album : Eyepatch, très bien, les brûlots omni shambles et rooster, troisième et quatrième singles du dernier album, cette dernière étant sans doute la chanson la plus riche mélodiquement, derrière le gros riff la portant. Ce qui permet de de terminer le set sur une bonne note, avec un groupe se lâchant un peu et un public pogotant à nouveau, enfin.

Le rappel unique de trois chansons, dont la deuxième varie d’un soir à l’autre, fut également réussi, avec tout d’abord deux midtempos, pour le coup réussis, la chanson-titre de l’album, Some Like It Hot (avec à nouveau Fehmi à la guitare électro-acoustique) et Missus Morality (extraite du troisième album Tracey Denim, celui de l’éclosion), avec l’apport bienvenu de la bassiste au chant. Enfin, Cowbella, premier single extrait du dernier album, publié dès juin dernier, conclut en beauté, dans le système de montées / descentes dans lequel le groupe excelle. Et le groupe de tirer sa révérence, après 1h16 exactement au compteur, tout compris, un au revoir froid, une setlist donnée au premier rang, Lust For Life retentissant en bande-son dans la Maro.

Au final, difficile donc d’être totalement emballés par ce concert, qui, si l’on est positifs, confirme la montée en puissance du groupe, qui a quelques singles imparables, et qui, scéniquement, « revient de loin », mais où celui-ci fait étalage de ses limites, artistiques mais aussi (c’est le plus problématique ?) humaines, à une époque où l’on préfère encore s’entasser dans des salles obscures voir des êtres humains créer, partager, leurs sentiments, leurs émotions…

… Mais pour combien de temps si les groupes de rock se comportent en partie comme des IA ?

Jérôme Barbarossa

Bar Italia à la Maroquinerie (Paris)
Production : Super !
Date : le mardi 28 octobre 2025

Bar Italia sera en tournée en France en 2026 : à Lille (L’Aéronef) le 24 février, Paris (Elysée-Montmartre) le 26 février, Bordeaux (Rock School Barbey) le 28 février, Nantes (Stereolux) le 1er mars.

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