[Netflix] « Frankenstein » de Guillermo del Toro : la beauté et la fragilité d’un monstre…

Le rêve d’une vie pour le cinéaste mexicain se transforme en film inégal : entre effets numériques et excès spectaculaires, Frankenstein ne trouve son âme qu’à travers l’interprétation bouleversante de Jacob Elordi.

Frankenstein
Copyright Netflix

On a amplement communiqué dans les médias, avant la sortie du nouveau film de Guillermo del Toro, sur l’importance qu’avait cette adaptation de l’œuvre de Mary Shelley pour l’auteur mexicain, qui rêvait, a-t-on dit, depuis toujours de filmer son Frankenstein. Pour rétablir la véritable histoire telle qu’imaginée par l’écrivaine « amatrice », et pour rendre hommage à ses propres rêves d’enfant, qui tournaient donc autour de créatures monstrueuses. Cette communication était finalement inquiétante, puisqu’elle prenait la forme d’un chantage émotionnel, du genre : « Ne vous avisez pas de critiquer ce film, puisque vous insulteriez et la mémoire de sa créatrice originelle, et les rêves d’un enfant ». Ce qui cachait, mal, les soucis des producteurs (Netflix en l’occurrence) quant à un film qu’ils avaient probablement jugé aussi décevant artistiquement que limité en termes de potentiel commercial.

Frankenstein affiche

Et il faut bien reconnaître que le Frankenstein de del Toro, une fois passée la satisfaction légitime de le voir démarrer dans les glaces polaires et respecter la construction du roman, avec ses récits enchâssés, se révèle plutôt décevant : à l’accumulation d’effets spéciaux numériques – indignes d’un auteur qui a toujours prôné une approche artisanale traditionnelle pour ses films fantastiques -, s’ajoute la lourdeur d’une intrigue, trop compliquée et peu crédible, autour d’un Victor Frankenstein plutôt mal incarné par un Oscar Isaac qui semble perdu. Le manque de clarté des motivations du personnage, ou tout au moins de sa psychologie tourmentée, essentielle pourtant au fonctionnement du récit « mythologique » qui tourne autour des rapports entre un créateur et sa création, plombe clairement et l’interprétation d’Isaac et la logique du récit. Le cinéaste mexicain noie le poisson en accumulant des scènes soit gore, soit de destruction spectaculaire, qui rapprochent son cinéma, de manière improbable, des pires clichés des films de super-héros. Il y a heureusement la belle partition jouée par Mia Goth, qu’on ne voit pas assez, qui permet de ne pas trouver le temps trop long.

Bref, on désespérait déjà de retrouver la moindre émotion quand survient le miracle ! Jacob Elordi, qui incarne un très beau (ce qui est surprenant, mais malin) monstre, s’accapare complètement le film, dans une succession de scènes à l’intensité émotionnelle croissante. Bon, il faut passer outre sa drôle de couleur bleue qui, conjuguée à sa haute taille, peut laisser croire qu’il sort du set de James Cameron et vient de Pandora, mais sinon, c’est vraiment du très, très bon mélodrame. Et cela permet à ce film pour le moins inégal de nous laisser… bouleversés, et donc satisfaits, sinon comblés.

Morale de l’histoire, car il y en a une : Guillermo del Toro, maintenant qu’il a crevé l’abcès et réalisé son rêve, devrait lever le pied sur les grands spectacles fantastiques à gros budgets, et revenir à un cinéma plus personnel, plus « simple » mais pas moins ambitieux. Après tout, son chef d’œuvre reste le labyrinthe de Pan, et on peut espérer qu’il ait encore en lui le talent pour refaire ce genre de films.

Eric Debarnot

Frankenstein
Film en coproduction Mexique – USA de Guillermo del Toro
Avec : Oscar Isaac, Jacob Elordi, Mia Goth, Christoph Waltz, Charles Dance, David Bradley, Lars Mikkelsen, Christian Convery…
Genre : Fantastique, drame
Durée : 2h30
Mis en ligne (Netflix) le 7 novembre 2025

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