Hier soir, alors que pluie et vent glacés rendaient le fait de sortir de chez soi peu attrayant, The Schizophonics étaient à Paris pour offrir aux fans courageux un de leur sets physiquement épuisants, sur la scène trop petite du Supersonic Records. Que ne ferait-on pas, sur scène comme dans la salle, par passion pour le Rock’n’Roll ?

On se posait une vraie question existentielle avant ce concert de The Schizophonics au Supersonic Records : est-ce que ça faisait le moindre sens d’y aller, alors que la scène minuscule de la salle n’était clairement pas de taille à permettre les ébats habituels de Pat Beers, l’homme le plus speed et l’acrobate le plus excessif de toute l’histoire du Rock’n’Roll ? Mais d’un autre côté, comment faire l’impasse sur le set d’un groupe que nous n’avons pas vu à Paris depuis 2022. Et c’est ainsi que nous nous sommes retrouvés au Supersonic Records, en cette soirée terrible où le vent et la pluie punissaient une ville déjà glacée par le froid de novembre. En compagnie de fans aussi convaincus de nous, aussi courageux aussi pour abandonner leurs couettes bien chaudes devant la dernière série Netflix, et venir applaudir encore une fois Pat et Lety, le couple le plus explosif du rock garage (mais pas que…) US.
20h : la soirée commence fort avec SÜPERSPORTS, quatuor de punk (hardcore, un peu) parisien, qui nous déclare tout de go : « Ce n’est pas nous qui faisons du sport, c’est vous qui allez en faire ! ». Nous voilà rassurés, même si nous avons seulement l’intention de headbanguer sans réserve. Ce qui frappe d’emblée, avec les rythmes complètement frénétiques de la plupart des chansons de SÜPERSPORTS, c’est la force et l’originalité (oui, même dans un genre qui semble souvent « bourrin » à ceux qui ne sont pas adeptes) de la section rythmique. Construction sur des beats complexes, beauté du son de la basse, c’est un socle solide sur lequel la guitare peut délirer et surtout, la voix colérique de Shaïli, très engagée, très convaincante, peut partir en vrille. Certains titres sont même tout simplement remarquables, comme par exemple Modern Life (« For a world in a coherent hypocrisy / Please Vote for me ! », d’autres plus « ordinaires », mais toujours enragés. 40 minutes passionnantes, qui dépassent clairement ce qu’on attendait a priori de ce genre musical. Un groupe à suivre.
21h05 : le remplacement complet du matériel est effectué en un tour de main, et l’organisation de l’espace réduit de la scène permet de maximiser le terrain de jeu de Pat. Un Pat visiblement stressé – même si c’est habituel chez lui -, ce qui n’est pas facile à gérer pour le staff du Supersonic Records. Nous, connaissant un peu la façon dont The Schizophonics gèrent leurs concerts, ne sommes pas inquiets. Et de fait, Pat utilise de manière étonnante l’espace réduit qui lui est réservé pour ses sauts, ses grands écarts, ses roulades, ses jeux avec le pied de micro. Pendant l’heure rituelle de set, au premier rang, nous aurons régulièrement de petites frayeurs quand le manche de guitare ou le micro passe à quelques millimètres de nos têtes, mais Pat contrôle tout parfaitement.
Pour ceux qui n’ont jamais été a un set des Schizophonics, c’est quelque chose d’assez indescriptible, voire de quasiment incroyable. Sur une section rythmique (totalement féminine en ce moment) et imperturbable, Pat nous offre un spectacle total, chantant et jouant de la guitare, quasiment uniquement en utilisant sa main gauche (la droite tenant le micro), le tout en sautant partout, sans arrêter plus de 15 secondes en une heure. Bon, il descendra plusieurs fois dans la fosse, où, le concert n’étant pas totalement sold out, il a un peu plus de place pour courir et sauter.

Musicalement, ce que jouent les Schizophonics c’est un rock US assez classique mais survolté, dans un esprit « garage », et chanté dans des tonalités soul. Au meilleur moment du set, un ami nous fait remarquer qu’on est très proche du style du MC5, ce qui est un parallèle intéressant, et témoigne de l’incandescence que peut atteindre le groupe. A d’autres, entre la guitare hendrixienne (malheureusement un peu sous-mixée ce soir) et le chant soul blues – la voix de Pat a des intonations très féminines ce soir -, on est presque dans une tradition afro-américaine, passée au filtre du Garage Rock.
Il est difficile quand même de ne pas avoir quasiment « mal » pour Pat et ses articulations soumises à rude épreuve, et, même après toutes ces années, on ne s’habitue pas vraiment à un tel extrémisme physique. Que ne ferait-il pas pour la musique, notre magnifique Pat ?
SÜPERSPORTS : ![]()
The Schizophonics : ![]()
Eric Debarnot
The Schizophonics au Supersonic Records
Production : Supersonic Records / Sanit Mils
Date : le mercredi 19 novembre 2025
Leurs derniers albums :
SÜPERSPORTS – In Sweat We Trust
Label : Suspicious Sausage Records
Date de sortie : 15 février 2024

The Schizophonics – Hoof It
Label : Pig Baby Records
Date de sortie : 24 août 2022
