« Afroblues » : Natalia M. King à la redécouverte de ses terres originelles

Après cinq ans d’absence, la plus française des chanteuses américaines revient avec un album qui, une fois encore, la voit se réinventer. Ce n’est pas la première fois que nous assistons à une renaissance de Natalia M. King. Et sûrement pas la dernière.

NATALIA M King
© Lulu Scott

Depuis qu’elle a commencé à graver son art dans le marbre, Natalia M. King n’est que mouvement et déclarations d’amour. Jamais là où on l’attend. Sur deux ou trois albums, elle installe son univers pour mieux le réinventer sur les disques suivants. Ainsi, on l’a d’abord connue rockeuse (Milagro– 2000). Puis, après une éclipse salvatrice, elle s’est réincarnée en chanteuse de Soulblazz (savant mélange de Soul, blues et jazz ). Son précédent album (Woman of my own – 2021) lorgnait, lui, du côté d’une folk americana bluesy.

AfrobluesEt voilà que déboule son petit dernier qui, une fois encore, explose tout ce qu’on croyait savoir d’elle. Plus qu’un album, cet Afroblues est le guide illustré de son tout nouveau cheminement intime. Ce n’est pas la première fois que l’artiste américaine nous confie les secrets qui font battre son cœur. Déjà, il y a quatre ans, elle nous soufflait à l’oreille que c’était au féminin qu’elle peignait ses amours. Ici, c’est à un plongeon au cœur de ses racines qu’elle nous invite.

Certes, Natalia a grandi sur les trottoirs de Brooklyn, a navigué en Alaska, vit en France depuis des années, mais c’est bien un nouveau voyage intérieur qui a présidé à l’élaboration de cet album. Un périple freudien au cœur de ses origines lointaines. Sa peau, sa voix, le sang qui coule dans ses veines l’ont ici amenée sur la terre de ses ancêtres. L’Afrique. Il n’y avait jamais posé les pieds auparavant, un premier voyage au sud du continent a été l’élément déclencheur.

Alors, comme on feuillette un carnet intime de voyage initiatique, nous sommes aux premières loges. L’album s’ouvre sur le morceau Dumela  qui signifie «  Bonjour ». Un des meilleurs du disque. Il fut, dit-on, composé lors de son premier séjour au Botswana. Un beau jour, après des lustres de sécheresse, des gouttes éparses s’étaient enfin mises à tambouriner le sol aride, offrant à la chanteuse un rythme idéal sur lequel elle s’est empressée de composer le morceau. Elle y a ensuite ajouté un solo de guitare hypnotique et la voix du voisin Mandela. Un premier pas africain. Imparable.

L’album défriche ensuite d’autres voies à mesure que le continent s’offre à elle,  comme une succession de révélations. S’ensuivent ainsi une danse avec Kuti (Amafunkylove), une sucrerie pygmée (Lost and everywhere), une pincée malienne de Kora façon night-club (Kora’s house silence) et même une déclaration d’amour sous les youyous d’Afrique du Nord ( i love a woman).

Tout cela est cohérent et, à vrai ouïr,  tout à fait surprenant. Car, pour la première fois, le langage utilisé par l’artiste est l’électro. Ça pulse  sur toute la galette, les beats tournent en derviches, reléguant souvent les guitares au deuxième plan. La reine King prend le risque de désarçonner certains fidèles mais, aussi, d’en convertir quelques nouveaux.

Tout du long, on est ému de cette renaissance, de cette découverte de la terre originelle.

On peut aussi se dire que l’entreprise est peut-être un poil trop maîtrisée, trop nickelle, qu’il manque parfois un peu de sueur et de sang. (Vivement les concerts…) Que terminer l’album sur cette reprise cumbia du «  Everyday people » est un bye-bye certes très sympathique, mais un poil frustrant. Qu’il nous manque un bouquet final à la hauteur de l’album.

Mais c’est vraiment pour chipoter. Car ce baptême d’Afroblues est une vraie  réussite, un moment charnière dans la discographie impeccable de cette artiste majeur.

Et puis s’il y a bien une chose qui ne change pas, et ce depuis ses débuts, c’est la voix. Celle de Natalia M King nous envoûte depuis vingt-cinq ans. Chaude, expressive, humaine, à la fois effrontée et sensuelle, percutante et caressante, autoritaire et délicate. Une voix qui porte en elle tous les méandres d’un parcours fascinant, toutes les cicatrices et les illuminations, toutes les vies vécues. Les siennes et celle de ses ancêtres.

Manu  Bourdier

Natalia M. King – Afroblues
Label : Natalia M. King / Modulor
Date de sortie : 24 octobre 2025

 

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