Il y a des concerts dont on se souviendra plus du fait de l’excellente ambiance qui y a régné, et de la gentillesse et de la générosité des musiciens, que pour un éventuel intérêt musical, absent hier soir à la Maroquinerie.

The Subways est souvent traité par la critique – quand elle daigne parler d’eux – comme un groupe de seconde division. Ce n’est sans doute pas faux, et ce d’autant que, une fois passés leurs deux premiers albums (Young For Eternity en 2005, et All or Nothing en 2008), réussis, le trio londonien n’a guère fait de vagues au cours de ces 15 dernières années. Au point d’ailleurs que Josh Morgan, le frère du chanteur Billy, a déclaré forfait il y a cinq ans, et qu’il a été remplacé à la batterie par Camille Phillips, ex-Ramonas. Mais nombre d’entre nous ont encore en mémoire d’excellents concerts donnés par The Subways pendant la première décennie du XXIe siècle, ce qui rend quasiment incontournable de se retrouver à la Maroquinerie en ce dimanche soir pour célébrer les 20 ans de Young For Eternity.
20h00 : la soirée commence bien, même si très calmement, avec un set solo – mais avec guitare électrique – d’Hannah Ashcroft, jeune autrice compositrice venue du Nord-Ouest de l’Angleterre (et donc associée à la scène mancunienne). Peu diffusée sur les plateformes, car il semble qu’elle n’ait pas encore de label, Hannah irradie pourtant un talent certain. Pas très loin de Courtney Barnett, mais avec une voix plus étonnante, elle nous interprète en trente minutes sept titres, dont certains ont été publiés « à compte d’auteur ». Son jeu de guitare n’est pas toujours assuré, ce qui laisse penser que le format groupe lui est plus confortable, mais de toute façon, c’est son chant, réellement impressionnant qui frappe. Et la Maro, pourtant pleine de gens venus faire la fête avec The Subways, reste dans l’ensemble bien silencieuse, respectueuse du travail d’Hannah. A première écoute, les deux titres les plus marquants sont Little Consequence et Amoeba, la chanson la plus « pop », en conclusion de set. Une jolie première partie, indiscutablement.
21h05 : Quand The Subways montent sur scène pour fêter leur vingtième anniversaire, il est immédiatement évident que le groupe – comme c’était déjà le cas, honnêtement, il y a vingt ans – va être porté par un public enthousiaste, dégageant un amour tangible pour Billy Lunn et Charlotte Cooper. Qui le lui rendent bien. Billy et Charlotte ont chacun devant eux une anti-sèche, qui leur permettra de parler régulièrement en français : une attention que l’on voit chez très peu de groupes britanniques, il faut bien le reconnaître.
Comme on parle de vingt ans, ce qui n’est pas rien, il faut tout de suite signaler que Charlotte et Billy ont bien vieilli : elle, toujours aussi mignonne avec son headbanging spectaculaire du fait de son épaisse crinière blonde, et lui, très classe avec la barbe et les cheveux gris. Ils ont mieux vieilli que la plupart d’entre nous, car les spectateurs ont quasiment tous passé la quarantaine, voire bien plus… Mais Billy et Charlotte ne nous feront jamais remarquer notre décrépitude : car ce sont tous deux de vrais « gentils », ce qui n’est pas si courant. Et ne fait sans doute pas d’eux de vrais bons « rock’n’rollers from hell » (on échangeait, pendant l’entracte, avec des connaisseurs, des souvenirs de Stiv Bators et Johnny Thunders, dans un genre musical proche des Subways…). Déjà, à l’époque, on sortait des concerts des Subways exténués par les pogos incessants, mais en se disant que tout cela manquait un peu « d’ombre »… Eh bien, ça ne s’est pas arrangé…
En fait, il y a deux manières de voir les choses au sortir de ce concert gai et agité d’une heure vingt minutes : 1) on a vu un groupe généreux, ravi d’être là, porté par des fans en liesse tout au long d’une belle soirée joyeuse – 2) on a écouté un groupe un peu usé, qui n’a plus la folle énergie de ses débuts, et qui nous a livré un set 100% prévisible, un set qui n’est jamais devenu ni fou ni réellement excitant. Et les deux opinions sont recevables. Mieux, elles peuvent même cohabiter !
La setlist n’était pas idéale, avec pas mal de titres peu inspirés – comme les nouveaux enregistrés pour le « Best Of » When I’m With You qui vient de sortir -, et quelques absences notables (mais où était Young For Eternity, justement ?). Le son pouvait laisser à désirer en certains endroits de la Maro : sur la droite, on nous a dit que la guitare et la voix de Billy étaient peu audibles. Les pics d’énergie venus du groupe n’ont pas été si nombreux que ça : l’enchaînement de At 1 Am et Turnaround a été à notre avis le seul sommet du set. Billy a temps en temps utilisé les voix des fans pour pallier ses propres difficultés au chant : il a souffert de problèmes aux cordes vocales, malheureusement, et sur Mary, il nous a demandé de chanter les refrains, qu’il avait désormais des difficultés à assurer. Les interactions avec nous ont été continuelles, sympathiques, touchantes même, et ont construit une relation forte entre le groupe et le public tout au long du set. Et à la fin, Billy nous a offert un magnifique (et « crazy ») saut dans le vide depuis le haut de la sono : heureusement, la Maro étant sold out, il y a eu suffisamment de gens en dessous pour éviter qu’il se fasse vraiment mal ! Il n’empêche que la version finale de Rock & Roll Queen, l’hymne teenage des Subways, a été bien pâlotte, comparée à ce que le groupe nous offrait il y a vingt ans.

Comme quoi, on ne reste pas « jeune pour l’éternité », et c’est sans doute la grande leçon à retirer de cette soirée aussi agréable que… en demi-teinte, musicalement. Et c’est peut-être la raison pour laquelle Young for Eternity n’était pas sur la setlist.
Hannah Ashcroft : ![]()
The Subways : ![]()
Eric Debarnot
Photos : Robert Gil
The Subways à la Maroquinerie
Production : VeryShow Productions
Date : le dimanche 23 novembre 2025
Leurs derniers disques :
Hannah Ashcroft – Husk (EP)
Label : Hannah Ashcroft
Date de parution : 25 février 2022
The Subways – When I’m With You
Label : Cooking Vinyl
Date de parution : 17 octobre 2025
