« Du Bleu sur les veines », de Tony O’Neill : When I put a spike into my vein

Les éditions La Croisée rééditent roman autobiographique de Tony O’Neill, récit glaçant et brutal sur l’enfer de la dépendance. Du Bleu sur les veines est sans aucun doute l’un des livres les plus saisissants sur les ravages de la drogue.

© Vanessa O’Neill

On connaît tous Junky de William Burroughs, Basketball Diaries de Jim Carroll, ou même Trainspotting de l’Ecossais Irvine Welsh. Les éditions La Croisée nous offrent l’opportunité de découvrir ou de redécouvrir Du bleu sur les veines de Tony O’Neill, récit sans fard sur les ravages de l’addiction à l’héroïne. Traduit une première fois par les regrettées éditions 13e note, Du bleu sur les veines est un livre terrifiant mais dont l’écriture a finalement servi de planche de salut à son auteur.

Tony O’Neill a d’abord été musicien aux côtés d’artistes ou de formations plus ou moins célèbres (Soft Cell, Kenickie, etc). Mais cette histoire là s’achève en quelque sorte lorsque commence le récit autobiographique qui constitue la trame de Du bleu sur les veines. Le premier tiers du livre, assez trash, est assez largement consacré à la vie du narrateur qui vient de se marier et de s’installer à Los Angeles, où il exerce le métier fort lucratif de scénariste. Son quotidien : écrire des scripts pour les clips de groupes qu’il méprise ouvertement. Et comme cette activité ne lui prend pas beaucoup de temps, pour tromper son ennui, il s’enferme dans une spirale de fêtes, d’alcool et de drogues. Cette première partie du livre brosse, non sans ironie, le portrait d’un homme rongé par la déception, l’ennui et la frustration. Par endroits, on croirait presque lire un Bret Easton Ellis complètement déglingué. Le récit est alors volontairement répétitif et Tony O’Neill enchaîne les scènes de fêtes, de défonce, de sexe, comme pour mieux traduire la vacuité d’un quotidien auquel le narrateur cherche à échapper. Jusqu’à sa découverte de l’héroïne.

Le livre prend alors une autre tournure. A partir de là, Du bleu sur les veines devient le récit sans fard d’une nouvelle spirale : les fêtes sont finies et, assez rapidement, il ne reste plus qu’une seule et unique chose, jusqu’à l’obsession : trouver sa prochaine dose. Plusieurs choses frappent et saisissent à la lecture du livre de Tony O’Neill. Il y a d’abord la description d’un Los Angeles interlope, une succession de quartiers misérables et de motels délabrés où se réfugient dealers, camés, prostituées, tout une galerie de marginaux qui vivent côte à côte, sans jamais vraiment cohabiter, car tous sont prisonniers de leur enfer personnel. A cela s’ajoute le récit de la chute, celle d’un homme qui se dépeint la plupart du temps comme un minable égoïste, mais auquel on s’attache tant les souffrances qu’il endure sont terribles.

Cet autoportrait sans concession est fascinant d’autant que, même lorsqu’il est au plus bas, notre narrateur parvient encore à faire jaillir un peu d’humour dans un récit qui, sans cela, pourrait être étouffant – humour souvent très noir et ironique. On l’aura compris, Du bleu sur les veines est un témoignage unique. En effet si son sujet a déjà été traité, et le sera sans doute bien des fois, le livre de Tony O’Neill possède un style flamboyant. Du bleu sur les veines n’est donc pas qu’un récit cathartique nécessaire à son auteur ou un témoignage quasi documentaire :  il s’agit bel et bien d’une œuvre littéraire, l’œuvre d’un véritable écrivain.

Grégory Seyer

Du bleu sur les veines
Un livre de Tony O’Neill
Traduit de l’anglais par Annie-France Mistral
Editions La Croisée
240 pages – 21,10 €
Date de parution le 8 octobre 2025

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