Hier soir, au Point Ephémère, soirée découverte, avec deux groupes originaires de Cork, Cardinals (il y a déjà un joli buzz autour d’eux) et The Guilteens. Un véritable bonheur car l’originalité de la musique qu’on a entendue est porteuse de bien des espoirs !

Alors ce soir, alors que, la veille à la Maro, on a eu l’impression de revenir en arrière dans le temps, nous sommes au Point Ephémère pour écouter de la musique nouvelle. De la musique qui vient d’Irlande… mais de Cork, pas de Dublin. ! Ce qui ne veut pas dire qu’on y dénichera pas les prochains Fontaines DC. En l’occurrence, le groupe qui fait le buzz parmi les « sachants », c’est Cardinals, dont on murmure un peu partout qu’il faut les voir avant qu’ils ne deviennent gros (parce d’après Grian, vivre en Irlande te donne l’envie de « gonna be big », non ?). Cardinals qui est en tête d’affiche, dans un Point Ephémère qui n’est malheureusement pas complètement rempli.
20h30 : The Guilteens viennent donc aussi de Cork, et nous offrent ce soir leur premier concert en France. Ils n’ont publié qu’un EP pour le moment (Heavy Letters), mais on ne ressentira nullement une impression d’amateurisme dans les trente minutes remarquables qu’ils vont nous offrir ce soir. Trente minutes d’une musique que l’on peine à décrire, et qui n’a guère d’influences évidentes. Une musique lente, parfois menaçante, parfois lumineuse, transpercée régulièrement d’une guitare stridente aux sonorités inhabituelles. Et sur laquelle Finn Sedas, le chanteur, pose une voix claire et un chant léger, presque « pop », qui détonne et étonne. Shane Murphy, le batteur, tient ses baguettes comme un jazzman, ce qui ne veut pas dire qu’il ne tape pas fort quand il faut. La basse peut être terrible, et à moment, un solo de trompette – joué par le guitariste, Cathal Nally -, envoie balader tous nos préjugés. Surtout, on a en permanence le sentiment que cette musique, remplie d’une puissance qui ne demande qu’à jaillir, va exploser. Mais elle ne le fait jamais, augmentant notre étonnement. Bon, le dernier titre, Eyeballer, s’aventurera quand même sur des terres bruitistes, abstraites. Bref, pour finir, on ne sait pas trop ce qu’on a entendu, et ça, c’est drôlement excitant (après le concert, on pourra échanger quelques mots avec Finn, qui parle remarquablement le français, et il citera Nirvana, Elliott Smith et Tom Waits comme influences. Rien de reconnaissable directement dans la musique de The Guilteens, mais indiscutablement de belles références). Ah ! On ne l’a pas dit, mais le son de cette première partie était excellent. Et on reparlera sûrement très vite de ce groupe.
21h30 : c’est sur The Partisan de Cohen que les cinq musiciens de Cardinals entrent en scène, enfermés dans un halo de lumière rouge qui dominera la quasi-totalité du set de 55 minutes (dommage pour les photos !). On est en droit de se demander ce qu’il y a dans l’eau du robinet à Cork, car la musique de Cardinals est tout aussi difficile à décrire, voire à appréhender. Peut être un peu plus post punk, mais alors très, très légèrement – ce qui est une bonne nouvelle -, mais surtout curieusement déstructurée, déroutante la plupart du temps, pour ensuite se rattraper aux branches grâce à une balade hyper émotionnelle. Ou partir dans une courte paire de minutes (au maximum) totalement furibardes. Et au milieu de tout ça, il y a la voix déchirante d’Euan Manning, jeune homme sombre – pas un sourire de la soirée -, à l’allure romantique d’un jeune Corto Maltese.
Et il y a aussi cet accordéon (est-ce techniquement le bon terme ? Il pourrait bien s’agir d’une « squeeze box »…), que l’on soupçonne au départ de « faire folklorique » – la verte Irlande, tout ce genre de clichés pesants – mais qui ne le sera jamais : il est juste traité comme un instrument parmi les autres, participant aux riffs des guitares, rajoutant de la substance, de la chair quand le squelette de la musique de Cardinals entrechoque un peu trop ses os.
De notre côté, ce sont les ballades qui nous apporté le plus de plaisir, ou disons le plaisir le plus « traditionnel » : la beauté, l’intensité émotionnelle de la musique de Cardinals y resplendissent plus franchement. Avant de repartir dans une nouvelle plongée dans l’univers singulier du groupe. Sans réelle surprise, c’est Roseland, leur merveilleuse valse bringuebalante, tantôt suspendue et dépouillée, tantôt romantique ou furieuse, qui restera pour nous le point fort de ces 55 minutes trop courtes. Car ces jeunes gens ne font pas de rappel, inutile de le préciser : on a bien saisi qu’il y avait là un certain radicalisme de la démarche. Mais aussi une sérieuse ambition.
On sort du Point Ephémère à la fois séduits et déroutés, ce qui est une sensation délicieuse. Et puis aussi transportés par la certitude d’avoir entendu ce soir de la musique réellement vivante, loin des stéréotypes et de la nostalgie d’une histoire du Rock qu’il convient de toute manière de réécrire. Oui, à Cork, il semble qu’il y a des jeunes gens qui s’y emploient !
The Guilteens : ![]()
Cardinals : ![]()
Eric Debarnot
Photos : Laetitia Mavrel
Cardinals et The Guilteens au Point Ephémère
Production : Alias
Date : le lundi 24 novembre 2025
Leurs albums :
The Guilteens – Heavy Letters (EP)
Label : Le Viillage Pop Records
Date de parution : 31 octobre 2025
Cardinals – CARDINALS
Label : So Young Records
Date de parution : 7 juin 2024
