[Live Review] Baxter Dury à la Salle Pleyel (Paris) : not a pleasure !

Nous étions inquiets de l’adaptation à la scène par Baxter Dury de son dernier opus, taillé pour le dance-floor, Allbarone, sorti en septembre. Nous avions raison.

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Baxter Dury à la Salle Pleyel – Photo : Gilles Barbeaux

Le dernier album de Baxter Dury, Allbarone, sorti en septembre, a clivé, en assumant un parti pris dance floor à fond les ballons, pouvant désarçonner une partie de son public historique. Défendant cette tentative audacieuse de se renouveler, le dandy londonien affirmait, dans ses interviews promotionnelles, espérer « ne pas se mettre à dos trop de gens », tout en visant aussi, implicitement, à conquérir un nouveau public. Nous étions donc intrigués, mais aussi un peu inquiets, de voir la transformation de l’artiste en concert, et aussi de son public. Rendez-vous était donc pris pour l’étape parisienne de cette tournée débutée le 11 novembre en Irlande, témoignant de cette ambition commerciales plus élevée, dans des salles beaucoup plus grandes que précédemment, comme l’Eventim Apollo à Londres, de 5000 places…

Si nous mettons de côté le court set en plein soleil donné par Baxter un après-midi à Rock en Seine 2024 (l’un des nombreux « cadeaux pourris » offerts aux spectateurs « rock » par le festival francilien), c’était la Cigale que Baxter remplissait à Paris lors de sa précédente tournée. Cette fois, il se produit à la Salle Pleyel, avec ses 2500 places en configuration avec un parterre remplacé à moitié par une fosse : une Salle Pleyel qui sera vite complète, donnant raison à l’artiste et à son label…

Baxter Dury Salle Pleyel Gilles Barbeaux 02Une fois passé le stand de merch bien achalandé avec un t-shirt difficile à porter, « I am the sausage man » (ligne d’un de ses « tubes », Miami) mais avec aussi des tarifs témoignant là aussi du changement de gamme visé, c’est depuis le hall de Pleyel que nous écouterons pour notre part la première partie, confiée au dénommé Joshua Idehen : les boums boums des basses électroniques massives ne promettent rien de moins qu’un défonçage généralisé des tympans. Même avec bouchons d’oreille, disons pour faire vite qu’on a passé l’âge… Une fois dans la salle, un premier constat s’impose : le public de Dury s’est renouvelé, mais gentiment, à la marge. Les quadras et quinquas sont toujours en majorité, mais on peut se réjouir de la présence de trentenaires, voire de vingtenaires dans la fosse et au balcon : sur ce plan, c’est le changement dans la continuité. Et Baxter ne nous a pas perdus non plus, nous qui le suivons depuis ses débuts avec l’album Happy Soup. En tout cas, pas encore…

Après nous avoir conditionnés au son de Bowie et, de manière plus inattendue, de l’afrobeat de Fela (avec le vrombissant Zombie juste avant l’entrée en scène), c’est à 21h que le héros du jour s’avance, dans son habituel costume gris sur chemise pas vraiment cintrée, avec son groupe composé de Fabienne Débarre (claviers, chant), d’un bassiste et d’un batteur. Et c’est parti pour le show habituel de Baxter, qui, durant 1h20, va arpenter  la scène de long en large, tel un fauve en cage, tournant et retournant, s’arrêtant parfois à une extrémité ou au centre de la scène, en se frappent sur le torse, et en attendant les acclamations du public.

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Le son est fort, très fort, comme attendu, les basses résonnent bien, le groupe joue carré et la fosse bouge bien. Pourtant, immédiatement, ce qui frappe aussi, c’est que la Salle Pleyel est tout simplement trop grosse pour l’artiste et son groupe. Déjà, il est difficile d’occuper cette scène si large avec un groupe si resserré, un problème qui n’avait pas été rencontré par les derniers groupes vus là-bas (Tindersticks, Sparks, Sigur Rós avec grand orchestre…). Ensuite, il n’est pas facile de maintenir l’intérêt avec un jeu de scène minimaliste, à peine égayé par la pose de sa veste de costume (sur Palm Trees, veste remise sur Miami lui succédant). Ni avec le un jeu trop carré, et à la seconde, de chansons trop conditionnées par les programmations et effets électroniques, et donc jamais « surjouées ».

Baxter Dury Salle Pleyel Gilles Barbeaux 05L’activité du chanteur, déblatérant ses histoires minables et glauques de son croustillant accent cockney, réjouit toujours, mais cela reste un peu mécanique, et insuffisant, tout comme le niveau élevé de décibels, qui, pour des habitués des concerts comme nous, fait long feu. Inévitablement, c’est un sentiment de karaoké de luxe qui prédomine dans ces conditions. Et l’on est un peu désolés de se laisser envahir par cette impression, alors que le groupe fait des efforts pour jouer carré et puissant, et que Fabienne Débarre, visiblement la nouvelle égérie du chanteur, déploie une activité incessante, comme sur l’album, entre claviers et chants plus ou moins transformés. Applaudissons-la, la nouvelle soldate vaillante de « l’homme-saucisse » qui succédait à la formidable Madeleine Hart, et qui a brillamment assumé, dans sa veste à paillettes, cette lourde responsabilité.

Au milieu de ce feeling général plutôt mitigé, soulignons également, point positif, une setlist équilibrée, faisant d’abord la part belle au nouvel album. Tous ses morceaux ont été joués, à l’exception du pourtant excellent The Other Me, et les titres locomotives – dont les singles _ ont clairement surnagé, comme sur l’album : l’introductif Alpha Dog, les imparables Mockingjay et Return of the Sharp Heads, et le freudien Schadenfreude, en conclusion du set. Par contre, ceux qui étaient moins convaincants sur l’album ne nous ont toujours pas convaincus, comme les très (trop ?) électroniques Hapsburg et Kubla Kahn. Pour les morceaux plus anciens, le choix de I’m Not Your Dog et The Night Chancers en début de concert nous a réjouis, tout comme celui des inévitables mini-classiques Pleasure, Miami et Cocaine Man (enchaînés) dans la deuxième partie du set. Cette fin de set enlevée nous aura un peu réconciliés avec l’artiste, achevant une heure pile-poil, dans un professionnalisme trop lisse, un peu paradoxal quand on connaît son univers et tout ce sur quoi il l’a construit.

La fin du concert sera à l’avenant : mitigée. Baxter Dury et son groupe se font alors désirer, faisant tourner manifestement le chronomètre afin de pouvoir ensuite afficher 1h20 de concert, pratique pas très glorieuse et qui ne fait pas illusion. Retour sur scène avec l’anecdotique Mr W4 (chanson conclusive du dernier album), les incunables Celebrate Me et Prince of Tears, délivrés encore une fois sans fioritures ni aspérités ; puis, pour clôturer, la dispensable Baxter (these are my friends), composée avec l’horrible Fred again, et visant à résumer le message général de la soirée : boum-boum !

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Baxter Dury a donc changé, pour le pire ou pour le meilleur, chacun tranchera selon son humeur et ses goûts. Pour notre part, nous sommes dans cette position un peu bizarre, celle du public « historique », aimant l’artiste et son bagout, capable d’applaudir ses dernières prises de risque artistiques… mais n’adhérant pas à ce live trop lisse, au-delà des basses extatiques. Combien sommes-nous ? De quelle partie de son public sommes-nous représentatifs ? Cette réponse, quantitative, et moins subjective, nous ne l’avons pas. Mais il est sûr que la suite des aventures du dandy électro-pop s’écrira en pointillés pour nous…

Baxter Dury :

Jérôme Barbarossa
Photos : Gilles Barbeaux (merci à lui !)

Baxter Dury à la Salle Pleyel (Paris)
Production : Talent Boutique
Date : le jeudi 4 décembre 2025

Dernier album paru :

AllbaroneBaxter DuryAllbarone
Label : Heavenly
Date de sortie : le 12 septembre 2025

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