Gino, rêveur obstiné, court après les promesses des Trente Glorieuses depuis son village d’Orléanais. Entre nostalgie des inventions, amours impossibles et héros à contre-temps, Gilles Marchand fait vibrer le quotidien d’un garçon qui croit aux étoiles… et aux illusions.

Gino, malgré son prénom, n’a jamais eu pour ambition d’être pizzaïolo ou gigolo à gourmette. Né après la guerre, il a grandi avec sa mère et son grand frère dans un modeste village de l’Orléanais.
Le jeune garçon est un doux rêveur, les yeux plus gros que le ventre, sauf quand ses paupières baissent le rideau. Dans le noir, il y a toujours de la place pour les étoiles. Il suit les premiers pas de l’homme sur la lune depuis le bistrot de son patelin et ambitionne de participer à la transformation du monde. Ses bulletins scolaires médiocres ne sont pas à la hauteur de ses mirages. Il n’a même pas droit à la formule de politesse des « Peut mieux faire ». Gino n’est pas doué pour les études mais il sait raconter les histoires. Il croit aussi aux histoires qu’il se raconte. Un HPI, un haut potentiel d’illusions.
À l’adolescence, Gino décide qu’une fille croisée dans le bal du village sera l’amour de sa vie. Elle s’appelle Roxane et n’est pas facile à séduire. Gino ressent un pincement bizarre mais n’a pas les mots de Cyrano et la belle ne descend de son balcon que pour les vacances. Elle sera sa beauté mais pas sûr qu’à la fin de l’envoi, il touche !
Gino va courir après les 30 glorieuses, sans jamais vraiment les rattraper, toujours en queue de peloton. Entre certains chapitres, des réclames de l’époque mettent au panthéon des produits de consommation et un peu de baume au coeur. De l’appareil Kodak aux premiers téléviseurs Philips, c’était déjà hier, de la Suze à la Marie Brizard, si si, la bouteille qui prend la poussière au fond du placard, de Persil qui lave plus blanc, à la Cocotte Seb pour la fête des mères, de la pie qui chante et moi qui pleure pour un dernier Michoko. Une belle idée pour ressusciter des pages du siècle dernier.
Les personnages de Gilles Marchand sont toujours un peu à contre-temps, en rade de l’époque. C’était le cas du « Soldat désaccordé » et de « Requiem pour une apache ». Ses héros jouent les bordures de l’histoire et se raccrochent à des idéaux pour survivre. Ils dégagent toujours beaucoup de charme et de poésie, y compris dans leur profession. La mère de Gino sillonnait les routes pour prendre des photographies pour cartes postales. Son père défiait les nuages en construisant des téléphériques.
Dans ce roman, j’ai vraiment apprécié l’équilibre trouvé par l’auteur entre la nostalgie d’une époque qui prenait encore le temps de rêver et la course parfois utopiste du progrès.
Cette idée est très bien exprimée à travers la passion de Gino pour le projet d’Aérotrain porté par son inventeur Jean Bertin dans les années 60. Une ligne d’essai de 18km construite entre Saran et Ruan dans le Loiret pour lequel notre modeste héros prête ses bras. Un prototype sur coussins d’air qui atteignit la vitesse de 422 km/heure mais qui ne résista pas au choc pétrolier de 1973. Une voie sans issue.
Gino et les désillusions perdues.
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Olivier de Bouty
Les promesses orphelines
roman de Gilles Marchand
Éditeur : Aux Forges de Vulcain
288 pages – 20,00€
Date de publication : 22 août 2025
