Connaissez-vous les Norvégiens d’Airbag ? Non ? Rassurez-vous, nous non plus avant d’assister à un remarquable concert de leur part au Backstage By The Mill samedi dernier. En tous cas, après une aussi belle expérience, nous le manquerons pas à leur prochain passage ! On vous raconte…
C’est en arrivant au Backstage By The Mill qu’on réalise véritablement qu’Airbag, un nom qui, il y a deux jours, ne signifiait rien pour nous, ça représente quelque chose pour le public parisien… Et qu’une Maro – voire plus – aurait été envisageable pour les « Pink Floyd norvégiens ». Évidemment, vu le genre de musique, on a plutôt affaire à un public de quinquagénaires, mais, heureusement, nombre de jeunes visages, dans la foule qui se presse pour entrer dans la salle, allègent la sensation toujours pénible d’être à un concert de « musique de vieux ». Entre nostalgie du prog rock des seventies, et un modéré, mais indiscutable, retour en grâce de cette forme musicale qui a survécu au passage du temps et à l’assaut de nombreuses « nouvelles vagues », il y a donc aujourd’hui, un public fidèle, et sans doute croissant, pour les musiciens de talent qui ne sacrifient pas aux diktats de la musique immédiatement consommable.
19h30 : Lesoir, en dépit de leur nom, n’est pas un groupe français, mais néerlandais, originaire de Maastricht. Cinq musiciens sur scène, avec à leur tête Maartje Meessen, une chanteuse à la voix fort convaincante, jouent une musique assez indéfinissable, même si elle est assez curieusement étiquetée « Prog Rock » : c’est une qualité, sauf quand on en arrive, comme c’est le cas avec le concert de ce soir, à manquer de cohérence, voire de personnalité. Car, même si tout est bien interprété, on lutte un peu quand Lesoir enchaîne des chansons très classic rock où la voix de Maartje est mise en avant, avec des instrumentale atmosphériques, assez prog en effet, comprenant de la flûte (Maartje à nouveau), ou des pièces plus lyriques avec des guitares agressives qui louchent vers le métal. On remarquera même sur un titre l’apparition d’une pedal steel qui ajoute encore à la confusion. La sensation générale est de maîtrise technique, avec certains titres qui s’avèrent intéressants, comme le dernier, Push Back The Horizon, extrait de leur dernier album. Mais on a également le sentiment d’un groupe qui, comme on disait autrefois, « trop embrasse et mal étreint ».
20h40 : parce que Bjørn Riis a un style de guitare clairement inspiré de celui de David Gilmour – on connaît bien pire comme référence -, et parce que certains des musiciens ont officié apparemment dans un tribute band reprenant le Floyd, Airbag aura du mal à échapper au qualificatif de Pink Floyd norvégien. Et puis, c’est parfait pour appâter un public friand de retrouver, même par procuration, certaines des sensations fournies par (feu ?) leur groupe préféré. Mais cela ne décrit pas de manière juste la musique que jouent Asle Tostrup (chant, guitare, claviers) et Bjørn (guitare, donc…) : car, si Airbag fait du Rock progressif, alors c’est dans une forme « allégée » (certains diraient atmosphérique), réduite à l’essentiel. Sans la complexité, voire les boursouflures du genre. Au contraire, à la première écoute de The Century Of The Self, leur dernier album après presque 30 ans de carrière, on aura plutôt tendance à trouver cette musique trop… simple, trop évidente : quelques accords répétés pour construire de longues progressions, souvent calmes, parfois plus intenses, sur lesquelles la guitare de Riis vient soit allumer des incendies, soit faire couler d’abondantes larmes. C’est prévisible, c’est facile à comprendre, mais c’est aussi… irrésistible !
Surtout sur scène où la musique d’Airbag ruisselle littéralement de beauté. Où l’évidence de la forme n’est plus une faiblesse mais devient une arme fatale. Demandez aux 400 personnes ravies qui sortiront du Backstage By The Mill, une heure trente-cinq minutes plus tard, quel voyage ils ont fait… Dès la seconde chanson de la setlist, la terrassante Redemption, plus lourde et plus lyrique que l’introduction planante de Dysphoria, les dés sont jetés : nous sommes définitivement sous le charme de la guitare magique de Bjørn et de la voix d’Asle (s’il y avait eu un chanteur de ce niveau dans Pink Floyd, jusqu’où seraient-ils allés ?). Sur des tempos moyens, avec des morceaux qui frisent tous les 10 minutes, voire plus, et qui prennent donc tout leur temps pour éclore, tout en nous transportant, Airbag nous balade : le son au premier rang est remarquable (beaucoup de salles parisiennes peuvent en prendre de la graine), les lumières sont plutôt belles, le groupe – avec trois musiciens qui soutiennent Asle et Bjørn avec un plaisir évident – est souriant, visiblement heureux des « Welcome in Paris » qui fusent régulièrement. Honnêtement, qu’est-ce qu’on pourrait souhaiter de plus ?
Un peu plus de tension, un peu plus de brutalité, un morceau qui ressemble à un hymne ? Ce sera Erase, mélodique et entraînant en dépit de la lourdeur de son riff, avant-dernier titre avant que le très beau Megalomaniac ne vienne clore le set principal, au bout d’une heure. Quoi ? Une heure seulement ? Pas d’inquiétude ! Il reste le rappel, qui va durer une bonne demi-heure, avec deux morceaux majeurs : Machines and Men et ses crescendos lyriques, presque « post-punk », et surtout Homesick, colossal et complexe, une conclusion démente, avec des montées en puissance qui nous ravissent, avec un break très émouvant au piano, et une démonstration éblouissante de Bjørn à la six-cordes, qui nous laisse tous béats d’admiration. Et de plaisir.
Difficile de retourner au froid humide de décembre après un tel voyage. Non, mieux vaut aller boire des verres avec des amis près de la Place de Clichy, et discuter sur les raisons mystérieuses qui font qu’un groupe aussi impérial ne soit pas plus célèbre que ça, aujourd’hui…
Lesoir : 
Airbag : 
Eric Debarnot
Photos : Christian Arnaud (merci à lui !)
Airbag au Backstage By The Mill
Production : Garmonbozia
Date : le samedi 6 décembre 2025
Leurs derniers albums :
Lesoir – Push Back The Horizon
Label : V2 Records
Date de parution : 20 septembre 2024
Airbag – The Century of the Self
Label : Karisma Records
Date de parution : 14 juin 2024