[Live Review] Black Rebel Motorcycle Club et Night Beats à l’Olympia (Paris) : Americana & Noise

Vingt ans après Howl, BRMC décide de remettre sur le devant de la scène son album le plus mal aimé, avant de lâcher une heure de furie électrique sur une Olympia en fusion. Une soirée bancale, audacieuse, parfois trop longue… et pourtant inoubliable.

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BRMC à l’Olympia – Photo : Robert Gil

Il y a un peu d’inquiétude autour de ce concert du Black Rebel Motorcycle Club à l’Olympia, pourtant sold out. Certains rappellent que les précédents passages du groupe n’étaient plus au niveau de ceux des débuts du groupe californien. D’autres, qui ont pu assister au concert de Rouen, quelques jours plus tôt, nous ont parlé de problèmes de santé et d’un set décevant. Bref, on y est, attendant de pied ferme ce groupe qui est l’un des favoris de tous ceux qui goûtent la musique à la fois bruyante et élégante, mais sans nous faire trop d’illusions. La soirée va nous donner tort…

2025 12 09 Night Beats Olympia RG (5)C’est à 20h00 qu’attaque Night Beats, devant une Olympia encore bien peu remplie. Bon, Night Beats, ce n’est pas vraiment un groupe, mais un one-man band avec différents musiciens qui l’ont accompagné au fil des années : Danny « Lee Blackwell » Rajan Billingsley (excusez du peu) est un Texan (d’où le Stetson vissé sur le crâne durant tout le set, dissimulant son visage, sauf sa moustache) expatrié à Seattle. Guitariste accompli, il joue une sorte de rock psyché garage fortement teinté de rock traditionnel : la garantie d’une bonne première partie, bien revigorante… sauf que, non, en fait, la musique jouée par Danny ce soir manque curieusement d’énergie, et les titres s’alignent assez paresseusement, nous conduisant à décrocher peu à peu, en dépit de – on l’a dit – de belles parties de guitare. Jusqu’à ce que, sur le dernier morceau, Robert Turner (le bassiste-guitariste-chanteur de BRMC) vienne rejoindre le trio sur scène, et que, comme par miracle, tout devienne bien plus nerveux, violent, excitant. Un très beau final pour quarante-cinq minutes qui, jusque-là, nous avaient semblé bien longues.

2025 12 09 BRMC Olympia RG (7)21h15 : BRMC est là, dans une obscurité un peu moins totale que celle qui entourait Night Beats, ce qui fait qu’on pourra faire quelques photos, au moins de Robert… parce que Peter Hayes est lui, non seulement placé dans le noir, mais totalement « cagoulé » : c’est étrange car il montrait son visage il y a quelques années, nous semble-t-il… Qu’est-ce qui a bien pu causer ce changement radical, pas forcément facile d’ailleurs à justifier et à assurer quand on est un « homme de spectacle » ? À la fin du set, quand Robert baissera en jouant sa cagoule et lui ébouriffera amicalement les cheveux, il se dépêchera de se cacher à nouveau !

Avouons que nous n’avions pas intégré que le but de cette tournée était de jouer sur scène principalement l’album Howl, un disque « d’Americana » datant d’il y a vingt ans. C’est donc avec surprise que nous voyons le concert débuter par un enchaînement de morceaux joués à la guitare acoustique, qui sont de pures chansons de folk – école Bob Dylan, car la voix de Peter évoque régulièrement celle du Zim -, de country, de soul et de blues. En fait, BRMC a toujours été très fier de cet album, mal reçu par son public de l’époque, et qui a gagné peu à peu un statut de disque culte : les compositions sont bonnes, les voix de Peter et Robert, qui se succèdent, sont convaincantes, même si l’on n’est pas non plus au niveau des plus grands compositeurs du genre, soyons objectifs.

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À un moment, Robert nous explique que, si l’idée était que Howl soit le cœur de cette tournée, ils n’ont jamais réussi à le jouer encore en intégralité… mais que ce soir, ils ont décidé de le faire (d’ailleurs, si la setlist papier ne contient que 12 titres du disque, les 14 seront bel et bien joués !). Nous avons même droit à un peu de trombone, et à un passage quasiment gospel, très étonnant évidemment pour ceux qui étaient venus pour prendre leur dose de bruit et de violence. Le moment le plus beau de tous sera peut-être l’interprétation de Complicated Situation, une folk song des plus traditionnelles, sur laquelle certains fans du groupe dans la salle chantent les paroles (enfin, le refrain !) : il est clair que, vingt ans après la parution critiquée de ce disque, Robert et Peter tiennent leur revanche, et qu’ils la savourent. Nous ne nierons pas que le temps nous a paru parfois un peu long, pendant ces presque soixante-quinze minutes qu’a duré cette première partie du concert, mais il est impossible de ne pas admirer l’audace de ce choix de setlist, prenant potentiellement une partie du public à rebrousse-poil…

2025 12 09 BRMC Olympia RG (2)Et là, tout bascule : Red Eyes and Tears, le classique des débuts du groupe, marque le point de rupture. C’est le BRMC que tout le monde attend qui est là, et… c’est l’hystérie générale : plus d’une heure d’attente – frustrée pour certains – qui explose d’un coup sur les guitares saturées, les rythmes obsédants et les vocaux narquois. Oui, c’est une déflagration d’une puissance inouïe qui parcourt le public et la salle, tout le monde hurle, saute dans tous les sens, les slammers commencent leur danse infernale, au premier rang, on se prend des coups dans le dos… mais peu importe, on est heureux ! White Palms accélère le rythme, Beat The Devil’s Tattoo devient une bacchanale païenne, Berlin sonne comme du The Jesus & Mary Chain joué par des serial killers sur une sono apocalyptique, Conscience Killer accélère encore, c’est un véritable mur du son qui s’effondre sur nous, même si quelque chose de blues / gospel surnage, et Whatever Happened to My Rock’n’Roll est exactement ce que son sous-titre suggère : « a Punk Song ». À ce moment-là, on est prêts à parier qu’il n’y a plus grand monde dans l’Olympia en feu qui a encore les idées claires ! Sur le passablement glam rock Spread Your Love, il y a même un chanteur qui apparaît et vient titiller les plus forcenés dans les premiers rangs. Les hypothèses se succéderont ensuite quant à l’identité du mystérieux frontman. Mais peu importe, en fait !…

2025 12 09 BRMC Olympia RG (5)… et après cette déferlante sublime de bruit extrême, le concert se referme sur le dernier titre de Howl, Open Invitation : dans une atmosphère qui rappelle celle du Velvet Underground du troisième album, celui qui succéda aux outrances électriques extrêmes, Robert et Peter psalmodient les paroles de cette chanson qui est un adieu autant qu’une consolation : « Don’t you feel alone / I’ll be standing with your sorrow / All you left me’s gone away tomorrow / And we may never be here again » (Ne te sens-tu pas seul(e) ? / Je serai là pour partager ta peine. / Tout ce que tu m’as laissé a disparu demain. / Et nous ne nous reverrons peut-être jamais.). Très fort. « Époustouflant » renchérira un ami.

Il est 23h25, et nous ne nous souvenons pas avoir quitté l’Olympia aussi tard. Sans même parler d’avoir vécu des moments aussi surprenants : BRMC nous a offert de la musique, la Musique qu’ils avaient envie de jouer, pas forcément celle que nous étions venus pour écouter. Et, savez-vous, eh bien, ça fait un bien fou de sortir ainsi des sentiers battus.

Oui, cette soirée, qui n’a pas été une soirée « parfaite » au sens normal du terme, est pourtant bien de celles qui font les légendes.

Night Beats :
Black Rebel Motorcycle Club :

Eric Debarnot
Photos : Robert Gil

BRMC et Night Beats à l’Olympia (Paris)
Production : AEG
Date : le mardi 9 décembre 2025

Leurs albums :

2025 12 09 Night Beats Olympia AlbumNight BeatsRajan
Label : Fuzz Club
Date de parution : 14 juillet 2023

 

 

 

 

 

2025 12 09 BRMC Olympia AlbumBRMCHowl
Label : Play it Again Sam
Date de parution : 22 août 2005

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