[Disney+] « Only Murders in the Building – Saison 5 » : la série-doudou en montagnes russes

Cinquième tour de piste pour Only Murders in the Building, et nos doutes s’intensifient : combien de fois peut-on rejouer le même « cosy whodunnit » à l’Arconia avant de frôler le ridicule statistique ? Entre réalité socio-politique, mafia, influenceuse caricaturale et burlesque assumé, la série oscille plus que jamais entre confort addictif et essoufflement préoccupant.

Only Murders S5
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Après la déception – relative – de la quatrième saison, l’inquiétude a gagné les fans de la « série-doudou » Only Murders in the Building : car, après tout, une série basée sur le vieux concept du whodunnit, même remis au goût du jour – celui des « cosy mysteries » qui ont envahi la littérature policière – est-elle réplicable à l’infini ? Inévitablement, certains des gags inhérents au fonctionnement du trio central (Mabel / Charles / Oliver) finissent par être répétitifs, et font long feu. La dynamique de leurs rapports, qui constitue certainement l’élément le plus divertissant, et donc addictif, de la série, peut-elle évoluer, et être renouvelée plus de trois ou quatre fois ? Et puis, soyons justes, même si l’Arconia est un immeuble new-yorkais imposant, combien de meurtres peuvent y avoir lieu chaque année sans que l’invraisemblance devienne insupportable ?

Only Murders S5 afficheSentant la limite de l’exercice, mais évidemment décidés à préserver leur « poule aux œufs d’or », John Hoffman et Steve Martin ont nettement modifié la trajectoire de cette cinquième saison. Et ils l’ont fait d’une double manière, qui peut d’ailleurs s’avérer contradictoire. D’une part, pour la première fois, le scénario de la série prend en compte une certaine réalité socio-politique US : parmi les suspects, on trouve un trio de milliardaires à la morale pour le moins variable, voire questionnable, bien de notre époque ; l’un des nouveaux personnages amusants et horripilants est une illustrissime influenceuse dont la nullité évidente ne limite aucunement le succès ; moins anecdotique sans doute, le ressort principal de la saison est l’existence d’un casino clandestin géré par la mafia, et la corruption de la police et de la mairie de New York, que ce soit historiquement du fait des gangsters, ou aujourd’hui des oligarques. Du lourd donc pour une série qui ne s’était risquée jusqu’alors sur ce genre de terrain. Pourtant, le choix paradoxal des scénaristes a été aussi d’aller plus franchement cette fois vers le burlesque, vers l’humour farfelu – et pas toujours facile à digérer -, contrebalançant donc le réalisme accru du contexte. Ce déséquilibre profond affecte très certainement le plaisir du téléspectateur, qui aura l’impression d’une série en « montagnes russes », émotionnelles autant que qualitatives ; certains épisodes sont excellents (comme le second, After You, qui retrace l’existence de Lester), et d’autres presque consternants (le huitième, Cuckoo Chicks, particulièrement inconsistant).

L’arme fatale d’une série qui est devenue – en dépit de son côté très anecdotique – « prestigieuse », est la multiplication des guest-stars de haut niveau : à Meryl Streep, qui se régale visiblement, viennent s’ajouter cette fois des acteurs non négligeables comme Téa Leoni, Dianne Wiest, Bobby Cannavale, et surtout Renée Zellweger et Christoph Waltz ! Les détracteurs de Only Murders in the Building peuvent bien déplorer des paillettes hollywoodiennes servant de cache-misère, il faut plutôt reconnaître que l’énergie allègre de la série contamine positivement les performances de toute la troupe… Et puis, finalement, le prestige des acteurs de second rôle est accessoire en comparaison avec l’alchimie au sein du trio principal. Steve Martin (brillant !), Martin Short (hilarant !) et Selena Gomez (qui a retrouvé sa silhouette de jeune première) sont le vrai moteur de la série : leur complicité et leur vulnérabilité sont réellement remarquables.

L’introduction de la prochaine énigme, à la fin du dernier épisode, tient aussi bien de la private joke (jusqu’où peut-on aller pour dire qu’un meurtre a lieu « dans l’enceinte de l’immeuble » ?) que de la promesse d’ouverture : il est bien possible qu’une partie de la saison 6, qui devrait a priori être la dernière, se déroule au moins en partie en Grande-Bretagne. Soit une perspective aussi prometteuse (pour le renouvellement), qu’inquiétante (pour l’identité même de la série)…

Eric Debarnot

Only Murders in the Building – Saison 5
Série TV US de John Hoffman et Steve Martin
Avec : Steve Martin, Martin Short, Selena Gomez, Meryl Streep, Renée Zellweger, Diane Wiest, Bobby Cannavale, Christopher Waltz…
Genre : comédie policière
10 épisodes de 30 minutes mis en ligne (Disney+) de septembre à octobre 2025

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