Faire la fête avec Johnny Mafia et tous leurs potes de Sens et de Paris, alors que les rues sont humides et froides, et que se rapproche la perspective des « fêtes de fin d’année », c’est ça la vie, la belle, la vraie !
Alors que se rapproche inexorablement l’affreuse période des fêtes de fin d’année, avec leur habituelle accumulation de moments cauchemardesques et de scènes d’horreur autour du sapin de Noël ou de la table familiale du jour de l’An, nous souffrons aussi, évidemment, de la raréfaction, puis de la disparition pendant environ quatre semaines, de nos concerts chéris : si ce n’est pas là une double peine, qu’est-ce que c’est ? Il reste heureusement quelques jours encore pour se gorger de musique live et s’épuiser dans des moshpits chaleureux ou frénétiques… Et c’est ainsi que ce samedi, alors que le choix de concerts est encore extrêmement élevé à Paris et en banlieue, nous nous retrouvons pour faire la fête avec Johnny Mafia au Nouveau Casino. Soit une soirée dont la réussite est pour ainsi dire garantie, connaissant le pedigree et l’historique des Sénonais indie-rock.
A 20h05, c’est aux redoutables Cheap Teen que revient la responsabilité d’ouvrir la soirée, devant une salle qui n’est malheureusement pas encore bien remplie. On utilise le terme « redoutable » en toute connaissance de cause, car si le groupe de Maisons-Alfort a toujours été singulier et sa musique intense et passionnante, chaque fois que nous les revoyons, ils semblent avoir monté en puissance et en radicalité. Et de fait, les trois titres d’ouverture, extraits de leur dernier EP, Seneca Village, qui remonte déjà à 2023, dévoile un groupe désormais bien extrémiste. Les échos du Nirvana des débuts sont toujours là, mais Enzo semble désormais avoir adopté une posture nihiliste frappante. La frénésie jouissive de Useless précipite la fosse dans la furie, et le fait que la salle ne soit pas encore complètement remplie autorise des pogos risqués… mais toujours dans la bienveillance, comme Enzo le rappelle : si l’on se souvient qu’Enzo avait tendance aux débuts du groupe à être bavard sur scène, ce n’est plus le cas à présent, et il laisse la musique exprimer pour lui sa colère et sa frustration. Bon, il organise quand même le moshpit comme il se doit, pour que chacun puisse bien s’éclater.
Le reste de la setlist nous ramènera vers des titres plus « connus », parce que nous les avons entendus sur scène plusieurs fois, tels que 4 Boys in a Lake ou Dida. On peut regretter que, du premier rang, la voix d’Enzo soit un peu sous-mixée, ce qui intensifie sans aucun doute le sentiment d’écouter une musique assez abstraite dans sa violence. Le set se termine par l’impressionnant Nothing Has Changed, un titre louchant plus vers le post-punk britannique dans sa version la plus froide et complexe, qui se termine par des hurlements de rage d’Enzo, et constitue une conclusion parfaite à un set aussi violent que sombre. Cheap Teen a joué 45 minutes et est désormais un groupe qui ne fait pas de quartiers.
C’est à 21h10, avec donc dix minutes de retard, que les quatre musiciens de Johnny Mafia montent sur scène, sous les acclamations de leurs très nombreux fans et amis. La dernière fois où nous les avons vus remonte à leur première partie de L7 au Trianon, et cela fait évidemment plaisir de les retrouver plus « dans leur élément », avec la chaleur amicale irradiée par le public familier. Voilà quand même presque un an et demi que leur dernier album, l’excellent 2024… Année du Dragon est sorti, et Théo s’excusera à un moment du fait que cela fasse deux ans que le groupe tourne avec la même setlist, ce qui devient… LOURD ! Ceci dit, cette soirée sera l’occasion de nous présenter deux nouvelles chansons, qui sont toutes deux très convaincantes, et mettront la salle dans tous ses états : bref, Johnny Mafia regarde à nouveau vers l’avenir, qui est prometteur.
En l’absence de setlist papier sur la scène (ce qui témoigne que le groupe est bien rôdé dans l’enchaînement de ses titres en live), nous ne pouvons que nous raccrocher à quelques moments forts qui surnagent dans nos souvenirs d’une heure et quinze minutes de fête (la vraie, pas celle imposée par la période de l’année !) et de bonne humeur générale : la mélodie fantastiquement entraînante de Green Eye, Vomit Candy, l’un des titres les plus « pixiesques » qui donne évidemment l’envie à tout le monde de chanter en chœur, les tonalités « metal » de l’hystérique Phone Number, parfait pour mettre le feu à la fosse, ou encore, en rappel, à la demande du public, un enchaînement imparable de Black Shoes (un beau classique des débuts, sur l’album Michel Michel Michel) et Gimme Some News.
Signalons quand même le bide rencontré par un copain du groupe qui a voulu faire chanter par la foule le légendaire slogan des Bérus, « la jeunesse emmerde le Front National » : les temps ont changé, et la conscience politique des Rockers semblent enfouie sous l’avalanche d’horreurs que les politiques de tout poil déversent sur nous. Même si Johnny Mafia nous promet un prochain album « engagé » (sérieusement ?), tout le monde dans la salle préfère danser, rire, célébrer l’amitié, profiter de la complicité qui règne entre le groupe et les spectateurs (pas mal de private jokes pas forcément intelligibles pour nous…), plutôt que de penser à Bardella ou à Trump. Avons-nous tort ? Oui, sans doute, mais c’est quand même compréhensible, non ?
On ne remerciera en tous cas jamais assez Johnny Mafia de nous rappeler que le Rock’n’roll, quand il sait être aussi mélodique qu’agité, est une formidable cure contre la déprime !
Cheap Teen : 
Johnny Mafia : 
Eric Debarnot
Johnny Mafia et Cheap Teen au Nouveau Casino (Paris)
Production : Take Me Out
Date : le vendredi 12 décembre 2025
Leurs derniers disques :
Cheap Teen – Seneca Village (EP)
Label : Cheap Teen
Date de parution : 3 mars 2023
Johnny Mafia – 2024… Année du Dragon
Label : Nouveau Monde
Date de parution : 9 février 2024