Mercredi soir, c’était le retour de The Spitfires, reformés avec une nouvelle section rythmique, au Point Ephémère. Le public était présent en nombre (concert complet), mais le groupe a un peu déçu, avec une approche musicale certes évocatrices des belles années du punk british, mais assez réductrice…
Ce soir, c’est une soirée « back to 77-79 » auquel le Point Ephémère nous convie. Pas une soirée nostalgie, même si passer sur la sono, pour nous faire patienter, Making Plans for Nigel de XTC ou Night Klub des Specials active efficacement les (bons) souvenirs d’une époque où le punk rock britannique avant enfanté toute une génération de gens surdoués au niveau des compositions. On fête plutôt la reformation de The Spitfires, un groupe qui existe depuis 2012 et a connu un succès conséquent au Royaume-Uni sans émouvoir plus que ça le public français. Originairement classifiés comme mods, ils viennent de sortir un nouvel album, MkII, et perpétuent la tradition musicale punk, voire ska-punk, de la fin des années 70.
20h30 : Roberta Lips, ce sont quatre jeunes parisiennes visiblement très heureuses d’être avec nous dans une salle bien pleine. Leur musique évoque un peu ce que pouvaient jouer les Stinky Toys en 1977, une sorte de (power) pop music très française, sucrée aussi, mais posée sur des rythmes punks, vaguement garage, rapides mais également pleins de surprises, de ruptures. Et, petit plus par rapport à la majorité des groupes français actuels, elles chantent en français, mais aussi, sur une bonne partie des chansons, en espagnol. L’orgue joue un rôle important, et il y a sur plusieurs titres avec deux voix qui se répondent et qui pétillent. Points négatifs, certains morceaux s’avèrent plus pénibles qu’agréables – pas facile de monter en intensité sans trop en faire, sans perdre la légèreté -, et surtout des faiblesses occasionnelles au niveau des vocaux… Soit quand même un problème récurrent dans le rock français, comme si tout le monde pensait en France que le chant est quelque chose de naturel et qui n’a pas besoin d’être travaillé. Bref, on reverra Roberta Lips, qui vient de publier un premier EP avec quatre titres, En plein cœur, avec plaisir quand elles auront un peu plus d’expérience. Après tout, le chant d’Elli et Jacno a mis du temps à mûrir après la fin des Stinky Toys !
21h30 : en entrant sur scène sur le London Calling du Clash, le quatuor londonien de The Spitfires met la barre haute, très haute. Après, il y a une vraie honnêteté à nous annoncer que leur musique fait directement écho au punk rock de 77 à 79. On pense en effet au Clash du fait du phrasé et des postures un peu « strummeriennes » de Billy Sullivan, et à la guitare un peu mickjonesienne. Et puis il y a les Rickenbakers et le look très « clean » qui rappelle forcément les débuts de The Jam.
Ça commence fort avec le belliqueux The Great Divide (« L’union fait la force » est le slogan en français qui ouvre le titre sur MkII), qui sonne comme si le regretté Terry Hall était le chanteur du Clash des débuts. La nouvelle section rythmique est efficace, mais on regrette évidemment l’absence des cuivres, qui, sur les albums, rendent les consonnances ska plus fortes : Keep Me Down, qui vient ensuite, souffre particulièrement d’une interprétation en live qui joue tout sur la puissance, l’agressivité et la dynamique, et sacrifie la mélodie et l’aspect entraînant de la musique de The Spitfires sur les disques.
On tient là le problème du set, qui va peu à peu s’enliser dans une tentative monocorde de provoquer des pogos dans la salle. Une tentative qui ne fonctionnera pas, car même si le Point Ephémère, complet, est rempli de spectateurs heureux d’être là, et supportant le groupe, et même si les musiciens ne se ménagent pas physiquement, il est difficile de se sentir excité par la musique jouée sur scène, qui s’apparente plus au passage uniforme d’un rouleau compresseur sonore qu’à une succession de chansons distinctes et singulières. Et, de nouveau, les titres les plus ska-punks du répertoire manquent systématiquement leur cible. On voit bien que cette relative absence de réaction du public parisien irrite de plus en plus Sullivan au fur et à mesure que le concert avance. On a quand même envie de lui rétorquer que la manière dont son groupe joue ce soir y est pour quelque chose, non ? Au bout d’une heure, le set se referme sur un 4am qui peine à retrouver le lyrisme impétueux de la version studio.
Le rappel débute très bien, avec So Long, un single qui a quand même été un hit outre-Manche en 2016, à une époque où le groupe était indiscutablement un espoir local. Et puis, peut-être est-ce la perspective de la fin qui s’annonce, mais The New Age s’avère gouleyant, et Over and Over Again et son final consensuel nous réconcilierait presque avec The Spitfires. On ne peut nier que la setlist est judicieusement construite avec des titres forts en ouverture et avec un excellent rappel, qui aide à oublier le gros ventre mou du concert.
Comme le commentaient nombre de spectateurs, ravis quand même, en sortant du Point Ephémère, cela faisait du bien d’entendre des sons qui ne sont plus à la mode aujourd’hui. Il est simplement dommage que les chansons du groupe soient, pour la plupart, bien en dessous du niveau de leurs modèles. Et que leur interprétation, ce soir, les ait privées encore un peu plus de leur singularité. Alors, quelle sera l’importance de The Spitfires dans l’histoire du Rock ? Disons que la reformation du groupe devra donner à Sullivan l’opportunité de repenser son approche, pour ne pas être confiné pour toujours en seconde division.
Roberta Lips : 
The Spitfires : 
Eric Debarnot
The Spitfires et Roberta Lips au Point Ephémère (Paris)
Production : Cartel Concerts
Date : mercredi 17 décembre 2025
Leurs derniers disques :
Roberta Lips – En plein cœur (EP)
Label : Le Cèpe Records
Date de sortie : 28 mars 2025
The Spitfires – Mk II
Label : Bellevue Music
Date de sortie : 3 octobre 2025