Jerichow

affiche.jpgA côté de grosses productions commerciales dont le succès dépasse largement ses frontières – citons pour mémoire La Vie des Autres, La Chute ou encore Good Bye Lenin ! – le cinéma allemand explore depuis quelques années de nouvelles voies à  l’exigence artistique et formelle plus marquée. Issus de la mouvance désignée comme  » Ecole de Berlin  » les jeunes cinéastes qui la composent, la plupart originaires de Berlin, ont pris l’habitude de travailler ensemble et de voir leurs oeuvres présentées dans des festivals à  travers le monde, recueillant du coup une plus grande reconnaissance et estime loin de leur patrie.

Parmi eux, on compte Christian Petzold, bientôt quinquagénaire, diplômé de l’Académie de cinéma et de télévision de Berlin. Après avoir fourbi ses armes dans le court-métrage et la réalisation de téléfilms et documentaires pour les chaînes ZDF et Arte, il passe en 2000 au long-métrage et réalise Contrôle d’identité, dont il signe également le scénario. Salué pour sa sobriété et sa particularité à  refuser le traitement frontal, préférant dès lors privilégier l’ellipse et la parabole, on peut aujourd’hui découvrir en France Jerichow, le cinquième film de Christian Petzold.

Thomas est un ancien militaire qui vient d’enterrer sa mère et devient le factotum d’Ali. Turc d’origine, celui-ci est à  présent à  la tête d’une chaine de fast-foods qu’il gère et contrôle scrupuleusement, en compagnie de sa femme Laura. Jerichow – du nom de la bourgade située au nord-est du pays – renouvelle les codes du thriller sous fond de trio diabolique, tout en offrant un point de vue inattendu sur le statut de l’émigré en Allemagne. Une fois encore, ainsi que nous l’avions déjà  souligné dans l’excellent Pingpong, c’est bien l’économie de moyens qui impressionne ici. Tout comme cette capacité à  nous éloigner du réel, même si l’activité d’Ali est on ne peut plus concrète, et à  flirter avec un certain fantastique, sans doute lié au choix des lieux : une maison au milieu des bois, comme ce fut le cas chez Matthias Luthardt, une plage et une falaise au bord de la Baltique pour des scènes très hitchcockiennes.

En dépit d’un dispositif réduit : trois personnages, quelques endroits et une camionnette, Jerichow n’a rien d’un film simpliste. Loin s’en faut, tant son imprévisibilité – ne pas nous amener sur des chemins attendus – et la richesse complexe de ses personnages retiennent l’attention. Chacun des trois doit se coltiner un passé où les faux pas produisent encore leurs effets. Autant d’errements souvent liés à  l’argent : qu’il s’agisse de dettes à  honorer, d’un salaire pour se sortir de la galère et entreprendre les travaux de rénovation d’une maison familiale ou de la possibilité d’exercer un pouvoir et d’envisager le retour au pays natal, l’argent est ici étroitement lié au destin des personnages et peut signifier à  la fois leur perte ou leur émancipation.

Signalons enfin que sort, simultanément à  Jerichow, Yella, autre film de Christian Petzold, lui aussi sur le déracinement et la misère affective, ancré de la même manière dans la réalité contemporaine.

Patrick Braganti

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Jerichow
Film allemand de Christian Petzold
Genre : Drame
Durée : 1h33
Sortie : 22 Avril 2009
Avec Nina Hoss, Benno Furmann, Hilmi Sozer

La bande-annonce :

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