Current 93 – Aleph at Hallucinatory Mountain

Current_93___Aleph_At_Hallucinatory_Mountain.jpgVous ne le savez pas encore, mais ce †˜Aleph At Hallucinatory Mountain’ va hanter vos nuits, perturber vos journées, glacer votre sang et réveiller les démons les plus enfouis au fond de vous. La faute à  David Tibet, leader génial et barré de Current 93, groupe fondé en 1982, et auteur d’albums géniaux, plutôt en marge, entre expérimental, noise et drone, à  l’inspiration rarement démentie.

J.’imagine certains d’entre vous voulant zapper ce papier et surtout l’écoute des deux titres présentés plus bas, rien qu’à  la lecture du mot expérimental. Un conseil : restez. Ce †˜Aleph At Hallucinatory Mountain’ en vaut la peine. Car expérimental est un bien trop facile raccourci pour définir la musique de Current 93. Surtout que ce n’est pas spécialement le cas ici.

En martelant les guitares, en maintenant les drones, en exacerbant le noise et sublimant les moments de calme, †˜Aleph At Hallucinatory Mountain’ n’est ni plus ni moins que la bande son de la fin du monde. Tout au long des huit titres de cet album, c’est en tout cas l’impression qui s’en détache.

Un disque qui, selon moi, est construit comme si l’apocalypse était pour aujourd’hui. Phases par phases, étapes par étapes, Current 93 mets en musique ces moments tragiques, où la mort contrôle tout, et où l’espoir n’est plus qu’une idée morte. Le tout en huit chapitres.

Invocation of Almost qui ouvre †˜Aleph At Hallucinatory Mountain’ présente en neuf minutes le début des hostilités avec un son rageur et noisy. Pour répondre à  cette première salve, c’est Poppyskins qui prend la suite: une chanson acid-folk qui pourrait habiller une vision d’horreur, pleine de désolation, avec des paysages éventrés et abattus. Un titre calme et incertain, comme pour mieux comprendre l’étendue des dégâts et ce qui nous attend par la suite.

Mais l’accalmie ne dure pas. Non, les guitares oppressantes reprennent le dessus sur Docetic Mountain, tandis que le côté inéluctable de l’horreur qui est en train de se dérouler est porté par quelques riffs éparses.

26 April 2007 représente la fin de la phase 2. Tout est encore plus désolé, tout est encore plus noir. Un nuage de cendres plane sur le monde. Une chanson en forme de résignation, qui trouve écho dans Aleph is The Butterfly Net, à  la tension constante qui retrouve son calme à  la fin, comme une dernière prière, un dernier espoir avant que Not Because The Fox porte le coup final, dans un grand délire sonore de plus de 9 mns, avec un David Tibet à  la voix de conteur de l’au-delà  plus que jamais habitée, des guitares crachant leurs accords et des cordes brillantes et lugubres.

UrShadow est une sorte de testament : la vie a disparu (« And suddenly, the living are dying »), tout n’est que désastre et sinistre et les quelques survivants peuvent se désoler d’être encore en vie ; qu’ils se rassurent, ils n’en ont plus pour très longtemps.

Car quand As Real As Rainbows débute, on sait déjà  qu’il est trop tard. La voix est très loin, le tout n’est plus qu’un lointain murmure, le souvenir d’un passé désormais révolu. Cette fois ça y est : la mort est partout. Et le néant a gagné.

David Tibet et sa pelletée d’invité – James Blackshaw, William Breeze et Ossian Brown de Coil, Andrew W.K, Rickie Lee Jones, la porn-star Sasha Grey ou Matt Sweeney, pour n’en citer que quelques uns – aussi. †˜Aleph At Hallucinatory Mountain’ est un album sublime, que l’on pourra commenter à  l’envie. Mon interprétation est certainement fausse et exagérée. Mais c’est comme ça que j’ai ressenti l’album, et ce dès les premières écoutes. Une vraie bande-son lugubre mais passionnante.

Il y a quelques mois, Cormac McCarthy publiait †˜La Route.’, un roman terrifiant racontant l’odyssée d’un père et de son fils dans une Amérique dévastée par l’apocalypse, où le soleil laissait place à  un ciel de cendres et de suie éternelle, où chacun ne vivait que pour soi, où la vie était condamnée à  mourir. Alors qu’une adaptation cinématographique de ce livre est en tournage en ce moment, nul doute qu’†˜Aleph At Hallucinatory Mountain’ en ferait une excellente bande-originale.

Olivier Combes

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Tracklist:
1. Invocation of almost
2. Poppyskins
3. On docetic mountains
4. 26 April 2007
5. Aleph is the butterfly net
6. Not because the fox barks
7. Ur shadow
8. As real as raimbows

Sortie : 18 mai 2009
Label : Durtro Jnana

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Retrouvez cette chronique ainsi que deux titres en écoute ici