Memory of Love

affiche_10.jpgRomance aux saveurs de printemps triste, Memory of Love est une variation sur la mémoire, brodée autour d’une histoire funeste. Wang Chao en restitue toute la simple poésie, avec modestie, et sans jamais utiliser son principe comme une métaphore d’un pays en reconstruction.

Memory of Love n’est qu’un film d’amour, en apesanteur, quelque part avec le goût du thé brûlant et le mouchoir de tissu en guise de souvenir. La jalousie et l’obsession de la vérité sont au coeur du récit dont certaines scènes et idées ne sont pas sans rappeler Etreintes brisées, le dernier film d’Almodovar. Mais là , plutôt que d’exacerber les passions impossibles comme le cinéaste espagnol le fait si bien, le minimalisme chinois se ressent au travers de dialogues fantômes et directifs qui prennent leur importance, et dans l’impassible attitude du mari qui, pourtant, est rongé par l’amour qu’il a la chance de voir renaître, puis se détruire.

La beauté et la complexité du scénario tiennent au fait qu’il y a une remise en scène du passé sans même qu’il s’agisse de flash-back, que l’on comprenne ainsi toute la fatalité qui rentre en jeu : temps perdu, temps retrouvé, égaré… Le mari gagne la renaissance du désir en rejouant les scènes amoureuses entre lui et sa femme, mais il se consume de peur quand il s’agit de penser à  la fin du récit, que nous connaissons tous, à  savoir l’arrivée de l’amant. A rejouer le passé, à  rejouer la vie, il faut aussi en rejouer les erreurs et les fissures. Wang Chao saisit admirablement bien la terrible équation amoureuse qui s’en suit, et fait d’une simple histoire de coeur une relecture perdue dans les fils de la mémoire, construction, déconstruction, reconstruction. La forme part à  l’envers et crée un couloir temporel étrange qui casse toute notion de présent. Le choix de la musique vient justifier le hors-temps que le cinéaste capte par la seule force de son récit immatériel, : Oblivion d’Astor Piazzolla, musique latine à  l’expressivité unique, mais surtout, mélodie récurrente, La Pavane à  une infante défunte de Maurice Ravel, dont la simple et douce persistance rythmique berce le film dans une nostalgie bouleversante, d’une magique simplicité.

Sans être entièrement à  l’image de la musique qu’il utilise pour habiller les séquences, sans arriver à  ce point ‘dans’ l’émotion, Wang Chao propose une véritable interprétation du genre, peu commune et maîtrisée jusqu’au bout malgré la présence de réels flash-back révélateurs de l’accident, maladresse conduite toutefois avec agilité. On notera jusqu’au bout la prudence de la mise en scène, discrète, moderne mais jamais prétentieuse, l’interprétation saisissante de Yan Bingyan, et cette séquence d’une beauté rare où la femme, perdue devant l’écran qui projette son image, se souvient du simple moment qu’elle admire sur la toile. La beauté du personnage est dédoublée dans une pénombre sensuelle qui évoque une passion charnelle et ensommeillée, sous les notes toujours perlées de La Pavane de Ravel dont on sent qu’elles ont été écrites en pleine connaissance de la chair humaine, de la saveur unique que procure l’éveil des peaux amoureuses.

Jean-Baptiste Doulcet

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Memory of Love
Film chinois de Wang Chao
Genre : Drame
Durée : 1h32
Sortie : 29 Août 2009
Avec Yan Bingyan, Naiwen Li, Jiao Gang,…

La bande-annonce :

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