Precious

precious.jpgParfois, certains metteurs en scène ne se posent pas la moindre question. Que le sujet soit délicat importe peu, le film sera comme ça, cru et stupidement cru, car il n’y a que de cette façon que l’on est sûr de bouleverser les gens.

Bien sûr, »Precious » est un film bouleversant. Ou plutôt le personnage. Car l’adaptation du roman ne fait que mettre en image plan par plan le malheur de cette ado qui a refusé d’abandonner l’idée du bonheur (exceptionnelle interprétation de la jeune Gabourey Sidibe). Bêtement, Lee Daniels s’évertue à  coller aux basques de Precious et de la filmer dans son quotidien cru, ponctué de quelques séquences oniriques pour se vendre comme un réalisateur créatif. Au programme, viol incestueux sur fond de légumes frits, insultes maternelles, vomi en plan rapproché, bébé qui tombe d’un escalier, enfant mongolien, Mariah Carey démaquillée, mal-bouffe, aide sociale par une lesbienne, humiliation routinière, sida. Gratiné, le récit l’est, et la réalisation encore plus, justement parce qu’elle se dédouane de tout point de vue : soit les séquences sont cruelles et déchaînées dans une violence inutile, montrant la simple existence de la souffrance et le dégoût qu’elle provoque, soit elles se transforment quelquefois en revue de mode et shoot de photos décalées – les décors se transforment, la condition du personnage avec – . L’alternance entre le réel et le rêve n’étant pas une véritable nouveauté dans le monde du cinéma, on peut encore se demander pourquoi le cinéaste ne tranche pas entre les deux, ce qui lui aurait au moins évité d’être artistiquement dans la neutralité. Dans tous les cas, ses démarches sont insupportables, provoquant incessamment de grotesques hauts-le-coeur dans le voyeurisme et l’impudeur de la caméra ou bien dans de dégoulinantes images kitsch »Precious » se voudrait tabou, humaniste, il n’est que grossièrement spectaculaire. A quoi bon ce déferlement de violence physique et morale à  l’image? C’est la vulgarité totale du mélodrame que de rendre le spectateur plus victime que ne l’est le protagoniste. Surtout lorsque le mélodrame en question est placé sous le signe social et humanitaire, se retrouve être produit par Oprah Winfrey (et donc le clin-d’oeil qui va avec lors d’un dialogue).

Hollywood n’a décidément pas fini de nous manipuler avec ses faux bons sentiments ; »Precious » semble en être le dramatique point de chute, celui d’un nouveau départ vers le graveleux. Tirons l’alarme à  ceux qui nous tirent les larmes !

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Jean-Baptiste Doulcet

Precious
Film américain Réalisé par Lee Daniels
Genre : Drame
Durée : 1h49 min
Avec Gabourey Sidibe, Mo’Nique, Paula Patton….
Date de sortie cinéma : 3 mars 2010