Crazy Heart

crazy.jpg« Crazy Heart » narre une rencontre amoureuse ratée qui permet néanmoins à  deux écorchés vifs d’obtenir une rédemption improbable »
Prenez une jeune maman divorcée, Jean Craddock (Maggie Gyllenhaal), journaliste dilettante, qui couche avec la vieille gloire du passé censée lui délivrer l’interview qui fera avancer sa carrière »
Bad Blake (Jeff Bridges) n’est plus que l’ombre de lui-même »Chanteur has been dont seules se souviennent des femmes entre deux âges aussi décrépies que lui. Quatre mariages (ou trois, il ne sait plus) à  son compteur, un fils qu’il n’a pas connu, il est contraint de faire la tournée des bars miteux du Sud-ouest américain pour assurer sa survie financière. Après avoir connu l’ivresse du sommet, sa vie ne se résume plus qu’à  une série de beuveries et rencontres d’un soir. Pourtant, ce qui ne semblait qu’une aventure de plus lui donnera l’énergie nécessaire de faire un retour triomphant »
Entre le chanteur alcoolique qui doit quitter la scène pour vomir et le cow-boy triomphant qui retrouve pour une dernière interview son ancienne maîtresse, quelques moments insignifiants qui vont pourtant tout changer.

Contrairement à  ce que pourrait laisser supposer son titre, »Crazy Heart » n’a rien d’une rencontre amoureuse passionnelle. Certes, l’intensité des sentiments est manifeste dans les étreintes échangées »Mais l’action et la vérité sont ailleurs »Dans la tête du personnage principal. Jeff Bridges, avec une économie de gestes et de mimiques, laisse transparaître le moindre de ses sentiments. l’exaspération et l’amertume lorsque, pour des raisons financières, il est obligé d’assurer la deuxième partie de la jeune star (Colin Farrell) -son fils spirituel- qui l’a supplanté dans le coeur du public. Le désespoir et la peur d’avoir trahis la confiance de Jean lorsqu’il perd son fils dans un gigantesque mall (centre commercial) après le verre de trop.
« Crazy Heart » met en scène une série de petits bonheurs et tracas qui ont le pouvoir de révéler les personnages à  eux-mêmes. La route de l’errance choisie par Bad Blake -chanteur qui a fait de l’autodestruction son fonds de commerce- est pourtant un chemin exempt d’embuches, balisé tout le long de l’autoroute »Les appels incessants de son impresario survolté montrent l’estime et les espoirs que le vieux chanteur continue à  susciter. Le désir et l’inquiétude de Jean prouve qu’une femme peut encore l’aimer au-delà  des apparences du personnage qu’il s’est forgé.

On pourrait craindre d’avoir vu ce film des milliers de fois. Le chanteur de country fatigué d’avoir brûlé sa vie de milles feux est un vieux poncif. La peinture d’une Amérique prolétarienne qui se retrouve au saloon et fait l’amour dans le pick up truck également. Crazy Heart n’est pas un manifeste contre la dépendance même si du sevrage, rien ne nous est épargné, du moment clef de la prise de conscience aux réunions entre alcooliques anonymes. Ce n’est pas non plus un film sur le sentiment filial. Les atermoiements de Bad Blake nous sont familiers. Le fils qu’il n’a jamais connu lui raccroche au nez »La scène suivante, lors d’une partie de pêche, le vieux chanteur fait part de sa culpabilité résignée à  son meilleur ami, un tenancier de bar campé par Robert Duvall qui l’encourage à  ne pas rompre le lien ténu qui le rattache à  sa paternité »Cette scène est un classique du genre. Tout comme la rivalité entre le jeune coq et son vieux maître encombrant »Mais, c’est la complicité palpable entre les différents acteurs (Colin Farrell est étonnant dans un rôle à  contre-emploi) qui fait de ce film somme toute assez banal une petite réussite. La rédemption d’un vieux séducteur qui transforme chacune de ses liaisons en amour vache n’aurait aucun intérêt sans le charisme de Jeff Bridges qui semble littéralement se fondre dans le personnage interprété »Crazy Heart » est avant tout un hymne à  la créativité artistique. Le grand amour de Bad Blake n’est pas les femmes mais la musique. Si Bad Blake puise son inspiration dans son quotidien et ses différentes liaisons, c’est l’amour du travail bien fait, de la scène avec un bon son (voir la scène avec l’ingénieur en chef), de la rencontre avec le public et de l’improvisation avec des musiciens avertis mais inconnus (l’oncle de Jean, excellent pianiste) qui le pousse à  reprendre la route. Et, c’est lorsqu’il accepte de tomber le masque, de remiser son personnage de vieux séducteur au placard afin d’écrire de nouvelles chansons pour son jeune rival qu’il renoue avec le succès. Bad Blake meurt à  lui-même pour redevenir ce qu’il était : il décide d’abandonner son nom de scène pour se produire sous sa véritable identité. De la même manière, Jean met fin à  une liaison torride pour renouer avec une vie de famille simple et un mariage qu’on imagine très calme mais qui lui permettent de s’épanouir comme journaliste »

« Crazy Heart » mérite donc toute notre attention : pour le superbe jeu de Jeff Bridges (oscar du meilleur acteur), pour la complicité entre les acteurs et surtout pour la bande-son parfaite. Jeff Bridges interprète plusieurs titres dont la ballade  » Hold on you  » et les plus rythmés  » Falling and Flying  » et  » I don’t know « . Colin Farrell et Robert Duvall poussent également la chansonnette. Enfin, on retrouve les nouveaux noms de la country : Townes Van Zandt avec une chanson folk toute en douceur ( » If I needed you « ) et Ryan Bingham, jeune texan, que l’on a comparé à  Steve Earle.

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Nausica Zaballos

Crazy Heart
Film américain de Scott Cooper
Genre : biopic musical
Durée : 1h51
Avec : Jeff Bridges, Maggie Gyllenhaal, Colin Farrell et Robert Duvall.
Date de sortie cinéma : 3 mars 2010