Jim Yamouridis – Into the Day

jim_yamouridis_into_the_day.jpgOn l’appelle déjà  » le Leonard Cohen australien du Massif Central ». Belle formule forcément réductrice. En tout cas, on a rarement le sentiment d’avoir découvert, d’ores et déjà  ce un monument.

Into the day, troisième album de son auteur, peut être appréhendé de différentes manières, comme une montagne dont le sommet est accessible par la face nord ou la face sud.

On peut d’abord évoquer le pédigrée de Jim Yamouridis. Australien d’origine grecque,, il a d’abord été leader de The Stream dont les deux albums ont été produits par Conway Savage, clavier des Bad Seeds. Le songwriter taciturne est désormais réfugié dans le Massif Central, un endroit beau et rude qui lui va sans doute bien au teint. Dans son CV déjà  bien fourni, on trouve des concerts donnés en bonne compagnie : Belle and Sebastian, Bashung, Murat ou Moriarty, des artistes tous différents mais connus pour avoir un univers bien trempé. Il y a aussi cette chanson de Yamouridis, The Rider, reprise par PJ Harvey herself. Au final, ces hauts faits d’arme ne sont guère importants car le disque parle de lui-même et n’a pas besoin pour exister d’exposer des trophées antérieurs. Si c’est un sésame nécessaire à  certains pour se plonger dans le disque, tant mieux !

On peut parler du style Yamouridis. Le songwriter transporte avec lui, dans sa carcasse de quadragénaire mature, des traces indélébiles des endroits où il a vécu mais encore plus les signes d’un imaginaire lié aux origines (la Grèce qui coule dans ses veines) et au mythe américain. Avec tout ça, le disque rappellera certaines Murder Ballads de Nick Cave, comme si le clavier des Bad Seeds influençait encore à  distance son ancien protégé. Mais plus globalement, le disque ressemble à  une virée nocturne en bagnole dans un Ouest,  légendaire, de rade perdu en route déserte avec le lune comme seule lumière. Jim Yamouradis emboîte le pas de Johnny Cash ou même de ce honky tonk d’ Hank Williams (Where I’ll be). Le talent propre de l’Australien le fait dépasser du seul cliché du folkeux aux grands coeurs derrière l’apparence de gros durs. D’autant que Yamouridis enrichit la légende de sa propre personnalité : il y a ainsi des éléments de folklore grec dans The Cross donnant à  la chanson un petit air des Enfants du Pirée. Il y a aussi un Pretty soon qui fait sortir la musique de la nuit pour la faire profiter enfin du soleil (comme un Lou Reed californien).

Autre porte d’entrée pour Into The day, la propre voix de Jim Yamouridis, organe magistral si l’en est qui vient littéralement habiter la musique : le timbre est grave et profond et lui vaut d’être rapprocher de Leonard Cohen. Cette voix chaude impose tout de suite une présence incroyable et un charisme rare. Quand l’Australien commence à  ouvrir la bouche et à  chanter, le silence se fait, c’est sûr et certain : il se passe déjà  quelque chose. Comme avec Cohen, Johnny Cash, Mark Lanegan ou dans un timbre diamétralement opposé mais un style musical proche, , Stuart Maples de Tindersticks.

Il nous faut encore parler plus à  fond de la musique et des arrangements dont tout le reste déjà  évoqué n’occultera pas la portée. Into the day est le deuxième album de Jim Yamouridis produit de ce côté-là  de la planète et comme le précédent, Travelling blind, il est réalisé de main de maître par Seb Martel (également guitariste du disque). Le son est dense et crée de vraies atmosphères nocturnes. Mais il est aussi incroyablement précis, à  l’écoute de chaque instrument. Cette production au plus près nous donne l’impression d’avoir le don d’hyperacousie : la moindre guitare ou percussion existe dans toutes ses nuances et ne se fait aucunement écrasé par l’énorme présence de son chanteur. Dans Into the day, on sent vibrer chaque corde de violon et mandoline (joués par Warren Ellis) ou de contrebasse et violoncelle (tenus par la pointure jazz Sarah Murcia) ; on a l’impression de sentir sur sa nuque le souffle d’une clarinette basse et d’être pris dans le vent crée par un vibrato de guitare. C’est une matière vivante qui joue plus que le rôle de support musical à  un seul interprète, fut il incroyable, et vient hanter l’espace sonore (magnifique The Dirge). L’album se clôt en beauté avec the Fountain dans un sentiment de sérénité et une guitare acoustique presque Vivaldienne. On en reste sans voix.

Peu importe le chemin adopté, on a beau prendre Into The Day dans tous les sens, ce disque a tout pour devenir un monument de la folk crépusculaire et, Jim Yamouridis un nouvel (anti) héros du genre. Chapeau bas !

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Denis Zorgniotti

Label : Starlight walker / Modulor / Idol
Date de Sortie : 28 janvier 2011

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