Il est étonnant de voir à quel point le cinéma iranien offre aujourd’hui une multitude de points de vue et d’approches quand il s’agit de traiter un sujet de société. Après les surprenants films de Bahman Gobhadi, Asghar Farhadi ou autres Jafar Panahi, tous engagés contre le système jusqu’à en être exclus de manière tout à fait absurde et injuste, un jeune cinéaste sort de l’ombre et apporte une pierre pas si anodine que ça à l’édifice politique et social de la cinématographie iranienne.
Sous ses dehors de film familial (rites et coutumes dans l’intimité d’une villa, personnages variés au sein d’une même entité), par ailleurs plus esthétique que politique, Noces éphémères vaut surtout pour sa volonté de déterrer un sujet peu connu qui, sans être décrit avec mordant, tient quand même d’un surréalisme en accord avec les dénonciations politiques de ses confrères cinéastes, penchés jusqu’au bout des inégalités et autres incohérences de la vie sociale en Iran. Reza Serkanian opte ici pour un cinéma très lyrique et déployé malgré la pauvreté évidente de son budget ; d’abord huis-clos en famille dans une grande maison qui semble nous accueillir à force de naviguer d’une pièce à l’autre jusqu’au jardin en présence des ses nombreux protagonistes, et ensuite une partie urbaine où explose – avec une grande maladresse – la dramaturgie contenue du film. L’intérêt du long-métrage réside dans sa manière d’assumer au sein de la première partie sa référence absolue au langage scénique d’Antonioni sans la moindre mascarade ; Serkanian utilise l’espace comme une véritable mine d’action, explorant avec lenteur et parfois avec grâce le décor pour humaniser le quotidien de personnages dont on aimerait qu’ils constituent plus encore une part de fiction pour coller à la volonté esthétique du film.
Noces éphémères n’est pourtant pas ce que l’on pourrait appeler un film à ‘effet’, les grands et amples mouvements d’appareils appartenant à une véritable recherche de style indépendante de la substance morale du sujet dans la seconde partie. C’est d’ailleurs dans celle-ci que le film se perd, capitulant dans l’affront face à l’absurdité ambiante. Et finalement cette villa qui demeure pendant la longue première partie ne constitue en aucun cas une prison d’apparence, élément qui aurait certainement servi la suite des évènements et aurait donné une charge symbolique à la dialectique bien classique que propose ensuite le cinéaste. La puissante mise en place du quotidien et l’attrait pour la mise en scène semblent finalement injustifiés dès lors que le film quitte sa large exposition. Les faits qui tombent ensuite (et qui, tiennent pour le coup d’un aspect social et politique encore jamais vu dans le film) se désactivent d’eux-mêmes par des situations prévisibles et un manque de subtilité flagrant dans la réalisation en terrain ouvert. Doit-on mettre cela sur le compte d’une difficulté à faire du cinéma en ville que nous ont bien prouvés récemment les films de Panahi et Rasoulof (Ceci n’est pas un film, Au Revoir) ? Ou bien, tout simplement, l’auteur du film se morfond-il dans le cinéma jusqu’à oublier les vertus du réalisme? C’est un choix, pleinement assumé tout d’abord, puis qui se dissout enfin lorsque le scénario se retrouve confronté à sa matière première, : celle d’un film à propos, non forcément dénonciateur, mais en tout cas constitué d’un point de vue assez clair, comme en témoignent d’ailleurs les propos du cinéaste dans le dossier de presse.
Jean-Baptiste Doulcet
,
Noces éphémères
Drame français, iranien de Reza Serkanian
Sortie : 9 novembre 2011
Durée : 01h23
Avec Mahnaz Mohammadi, Hossein Farzi Zadeh, Javad Taheri,…