Shame

Artiste plasticien britannique, Steve McQueen s’est réellement fait un nom comme réalisateur en 2008 avec Hunger, film choc, qui reçut globalement un accueil chaleureux, sur les mouvements de grève (hygiène puis faim) des membres séparatistes de l’IRA en 1981, incarnés dans la personne de Bobby Sands, qui y laisse sa vie au bout de 66 jours de refus de s’alimenter. Å’uvre dérangeante articulée autour d’un personnage extrémiste dans ses agissements – ce qu’on en pense est une autre question. En ce sens, Shame, le nouveau long-métrage du fraichement promu à  l’Ordre de l’Empire Britannique ne semble pas déroger à  la règle. à‚ New York, Brandon, sorte de yuppie type, est un accro du sexe, pratique qui régit sa vie toute entière, chez lui où il reçoit des filles qu’il paie ou même à  son bureau où il s’enferme dans les toilettes pour s’y masturber avec frénésie. Consommateur d’Internet, pour la location des filles mais aussi le visionnage des clips porno et les plans en caméra, Brandon ne supporte pas qu’une relation puisse s’installer. l’irruption de sa soeur Sissy, chanteuse à  la recherche de cachets, va déranger l’existence solitaire et organisée du sex-addict.

Cependant, il n’est pas certain que le sujet central de Shame soit l’addiction sexuelle, auquel cas il ne serait pas traité ou uniquement dans ses manifestations. C.’est davantage autour de la relation trouble et mystérieuse qui unit le frère et la soeur que le film se développe réellement et où d’ailleurs il puise son principal intérêt. Moins dangereux pour les autres que pour lui-même – le garçon est visiblement en perdition – Brandon peut être envisagé comme un lointain cousin de Patrick Bateman, le héros de American Psycho, golden boy doublé d’un psychopathe. Pas sûr néanmoins que McQueen possède le style de Bret Easton Ellis.

Filmé dans un New York glacial et hivernal, tout de gris et de tons métalliques, Shame , se présente comme une succession de séquences – plus ou moins étirées, et plus ou moins ennuyeuses – dont Brandon est le pivot. Interprété par le surestimé Michael Fassbender, scruté par le regard amoureux du cinéaste, Brandon comme tout bon dépendant qui se respecte se transforme en aliéné solitaire, inapte à  la relation humaine envisagée dans un contexte normal. C.’est donc à  une descente aux enfers que nous assistons, mais sur ce plan Steve McQueen n’invente absolument rien dans le catalogue des méfaits de son héros, état presque exhaustif de toutes les possibilités offertes à  un homme. Une démarche qui pourrait s’apparenter à  de la provocation si elle ne se clôturait par un tournant moralisateur pour le moins consternant. Au propre comme au figuré, Brandon approchant de la rédemption est lavé de ses pêchés. Outre la vision puritaine du sexe que semble défendre le film, on reste affligés par la désignation de ce dernier comme mal suprême. Brandon agit bien en adulte sans violer ni forcer personne.

Si le fond parait contestable, la forme ressort plus engageante et convaincante même si le tristesse supposée, sinon proclamée, de la chair n’interdit pas le filmage souvent complaisant et appuyé de celle-ci. Héros contemporain par excellence, trentenaire citadin aisé et muré dans sa solitude – ou devrait-on dire sa carapace comme celle du crabe proposé au restaurant – Brandon aurait probablement mérité plus d’approfondissement dans sa complexité et ses névroses. Autrement dit, Steve McQueen ne semble pas disposer du talent nécessaire à  transcender son sujet et à  en proposer une vision qui se démarque de l’artifice et du clinquant, dont hélas Shame n’est pas toujours dépourvu.

On aimerait que Shame soit un film reflet de la société actuelle, comme un dommage collatéral du néolibéralisme et du capitalisme financier, monde dont Brandon fait assurément partie. On souhaiterait pénétrer davantage son âme malade et plus encore voir à  l’écran les mécanismes qui produisent l’addiction sexuelle. à‚ la place des scènes de bureau, de bar, de restaurant sans grand intérêt jusqu’à  une demi-heure finale plus incarnée et donc plus passionnante.

Patrick Braganti

Shame
Drame britannique de Steve McQueen
Sortie : 7 décembre 2011
Durée : 01h39
Avec Michael Fassbender, Carey Mulligan, James Badge Dale,…

 

2 thoughts on “Shame

  1. Bonjour,

    Je travaille pour le magazine Le Film français. Nous allons organiser en début d’année prochaine un événement autour du cinéma. Pour vous envoyer invitation à l’équipe du site et vous joindre en cas de besoin, nous aurions besoin de vos coordonnées.
    Vous pouvez me joindre à l’adresse indiquée dans les renseignements. N’ayant pas trouvé de formulaire de contact, je laisse un commentaire.

    Bien cordialement, Florent.

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