Les reportages en bande dessinée ont pris dans le paysage éditorial une place plus importante. Emmenée par des auteurs comme Joe Sacco, Emmanuel Guibert, Emmanuel Lepage ou encore le succès de la revue d’actualité †œXXI†, la BD-reportage touche à tous les univers : des conflits à la culture. Mathieu Sapin, auteur de †œSupermurgeman† (Les Requins Marteaux et Dargaud) et du †œJournal de la Jungle† (l’Association), n’est pas un inconnu du genre : après s’être concentré sur le †œGainsbourg† de Joann Sfar au travers de deux albums (†œFeuille de chou†) et la vie de la rédaction de Libération (†œJournal d’un journal†), il embarque dans le sillage du candidat socialiste pour ramener un récit journalistique amateur.
†œMais bon, une BD, c’est vrai qu’on en avait pas.† Ces propos (de Christian Gravel) illustrent en eux-même la place du reportage de Sapin dans l’univers de la campagne présidentielle de François Hollande : un gadget pour les politiciens et leurs collaborateurs. Pourtant Mathieu Sapin ne démérite pas de montrer l’arrière d’une campagne, ce qui freine l’album est bien la fausse complaisance des politiques rompus à la communication.
Ainsi un †œoff† est annoncé et †œrevus† dès les micros sortis, on tanne l’auteur de ne rien sortir mais on joue avec la presse. Ce qui ressort en fait de la tentative d’éclairage de Mathieu Sapin : c’est le jeu de dupe de la communication politique. l’orchestration de l’image des candidats, l’ennui des journalistes sur une campagne au résultat †œjoué† d’avance, des reporters qui cherchent tous à tromper la monotonie en traquant le buzz ou la petite phrase qui relancerait le débat. C.’est à travers les yeux de Sapin que l’on prend conscience de la médiocrité de cette élection présidentielle.
l’ouvrage est donc assez décevant pour deux raisons : il souffre d’une sortie tardive (une quinzaine après le résultat) et il montre comment les déclarations, les sorties sont préparées, sans mordant, sans verve. Il y a un manque flagrant de spontanéité de la part des personnages politiques et on est loin du ton du journalisme d’investigation toujours à l’affût. On s’ennuie et recherche en vain une image croustillante de François Hollande candidat.
Les soubresauts qui agitent l’album n’arrivent que pendant les †œstrips† mettant en scène journalistes ou électeurs. C.’est dans ces rares passages †œCafé du commerce† que le côté infiltré de †œCampagne présidentielle† prend toute sa saveur et attise l’intérêt du lecteur. Ces passages sont malheureusement peu nombreux.
Victime du †œoff† de l’équipe d’un candidat normal, †œCampagne présidentielle† est un livre sur la communication politique plus que sur la campagne présidentielle. La maîtrise du sujet est anecdotique, Mathieu Sapin reconnaissant lui-même ne rien y connaître. C.’est peut-être dans ce manque de pratique de l’univers politique que l’album trouve toutes ses faiblesses. Des faiblesses que l’ont considérera avec gentillesse tant l’idée de départ et la modestie de l’auteur restent agréables.
Stéphane Soulier
Campagne présidentielle – 200 jours dans les pas du candidat François Hollande
Scénario & dessin : Mathieu Sapin
Editeur : Dargaud
72 pages couleurs – 15€¬
Parution : mai 2012