Ok c’est reparti pour Micah P. Hinson« Et une fois de plus je vais te présenter les choses dans le sens inverse des aiguilles de l’affreux temps qui passe et pousse si souvent à écrire les hommes de bonne compagnie dont fait partie ce jeune génie de la mélodie. Je reviens aujourd’hui, sur le premier album du garçon, réédité ces jours-ci chez Talitres : Micah P. Hinson And The Gospel Of Progress« Et L’Evangile Du Progrés »quelque chose comme ça.
Tout un programme donc quand on songe que son dernier album est intitulé : Micah P. Hinson And The Nothing« 2004, l’Evangile Du Progrès »2014, Le Rien »presque un oracle, comme si le mignon pouvait lire la vérité dans les volutes du mégot planté au bout de son long fume-cigarette à la manière d’une Madame Irma boostée à l’ultra-sensibilité. Je le présentais en Mai sous les traits d’un Icare des temps modernes, j’aurais également pu utiliser l’image plus classique mais tout aussi efficace de la mouette rimbald-hyène »non »je déconne »de l’albatros baudelai-rien »ah ah, je t.’ai eu !
Mais parlons musique : il est juste hallucinant de penser que le Texan avait tout juste vingt-trois ans quand est sorti ce petit chef d’oeuvre qu’est Micah P. Hinson And The Gospel Of Progress. La veine musicale est en gros la même que celle de son lointain successeur. Entre les deux, dix ans d’errances en tous genres, quelques albums et probablement la perte de pas mal d’espérances »Ne chantait-il au printemps dans God Is Good : » Jesus my lord don’t need me no more » ? Ce qui pour un américain est relativement raide, ou pire, nihiliste – Le Rien… je te rappelle. J.’assume pleinement le stéréotype : l’idée étant de te dire que The Gospel Of Progress est dans une certaine mesure moins sombre et plus léger que The Nothing. Tout est bien sûr relatif.
Plus varié aussi : moins tourné vers les profondeurs de l’Americana, un peu plus rock, un peu plus irlandais, bizarrement européen presque. Est-ce la fougue du jeune âge, les influences qui s’estompent avec l’expérience, ou je ne sais quoi »mais c’est là ! Plus vivant et lumineux aussi, moins faustien.
Ce qui est évident en tous cas, c’est qu’il y a dix ans déjà que Micah P. Hinson pisse contre le vent des tendances et du succès du haut de son aplomb, de son insolente intégrité et de ses merveilleux talents de compositeur-interprète. Que ce soit seul avec sa guitare et sa voix d’ogre, accompagné d’un piano, d’une fanfare ou d’une formation pub-rock crunchy-baveuse, le gars foudroie par la beauté de sa poésie et son lyrisme désabusé.
Alors oui, il est bon et essentiel de fleurir les autels dédiés à nos chers Johnny C., Joe S., Elliott S. ou plus récemment Mark L. – j’en passe et des moins bons, mais on oublie un peu vite que depuis qu’ils sont morts ils n’ont pas fichu grand-chose les cocos ! Micah, lui, travaille d’arrache-pied et c’est dans la fidèle et droite lignée de ces types-là qu’il oeuvre et plane »je l’espère pour très longtemps encore sans le moindre complexe d’infériorité !
Et hop »Un petit Micah P. Hinson And The Gospel Of Progress ou The Nothing ou les deux et tous les autres sous le sapin !
(Et malheureusement »en parlant de sapin et de gars qui n’ont pas la moitié de la reconnaissance qu’ils méritent : petite pensée neigeuse pour Nick Talbot-Gravenhurst.)
Stéphane Monnot
Micah P. Hinson And The Gospel Of Progress
label : Taitres
Sortie : novembre 2014