Chroniques Express 127

Un programme long comme le bras ce mois-ci avec : Keda, Selen Peacock, Malherbe, Sofiane Saidi, Francesca Lago, Holy Esque, Magoarou, Nicolas Haas, Vonneumann, KillASon, Naylor et Parnell.

francesca lago photo chroniques express 127

Keda – Hwal

keda Hwal cover albumFormé par le français Mathias Delplanque, fondateur du label Bruit Clair, et par E’Joung-Ju, de maitre de l’instrument traditionnel geomungo, Keda est la confrontation de deux mondes : celui organique, du passé traversant les âges et du modernisme électronique omniprésent, où les machines enrobent de leurs nappes les résonances d’un instrument aux origines ancestrales. Hwal est une oeuvre multiple et symbiotique, aux balancements sereins, portant en elle des plages d’ambient aux frontières définitivement perdues dans un espace temps moelleux, gorgé d’effets subtils et de couches vaporeuses, de notes en apesanteur et d’effacement sensitif sur des sphères recouvertes de sable blanc. Hwal affronte conjointement les affres du temps, combat à l’unisson les différences pour les transformer en mutation gémellaire à l’identité unique et singulière. Magique. (4.0) Roland Torres
Parenthèses Records – Bandcamp – Février 2016

Selen Peacock – Elastic Memories

Selen Peacock – Elastic Memories cover albumTout de suite, comme ça, à la première écoute, les morceaux Selen Peacock nous rappelle immédiatement à des groupes comme (feu)Angil and the Hiddentracks ou Mermonte, avec cette même façon, si singulière, de concevoir la musique pop, de faire sonner le cuivres et les guitares dans des titres biscornus, de concevoir la musique avec, au fond, l’idée de sortir des sentiers battus et de rechercher une forme d’originalité. Influencés par Robert Wyatt, Jim O’ Rourke ou Deerhoof, Selen Peacock ne s’inscrit dans un genre précis, navigant au gré des titres dans des courants divers, en mélangeant allégrement pop, rock, jazz. Résultat, Elastic Memories donne un album bigarré, très chaleureux jamais prévisible. Une jolie découverte à mettre au crédit du label précieux label Another Records. (3.5) Benoit Richard
Another Records – bandcamp – Janvier 2016

Malherbe – Chevalier du Delta

MALHERBE Chevalier du Delta cover album Chevalier du Delta a été composé rentre 2012 et 2014 et enregistré par Malherbe durant l’été 2015 en compagne de quelques amis musiciens :  Cyrille Poumerie et Geoffroy Séré que l’on connaît mieux sous le nom de Tycho Brahé. Inspiré de poèmes d’Emily Dickinson, cet album présente des chansons pop rock très belles, très fines, construites autour d’instruments traditionnels et de samples. Le tout est assez tranquille, très chaleureux joliment arrangé (mélodica, glockenspiel, kalimba….) et pas vraiment rattaché à un style un particulier même s’il l’on pourrait parler de folktronica à l’écoute de certains titres. Une œuvre pleine d’intimité et très attachante. (3.5) Benoit Richard
bandcamp – Janvier 2016

Sofiane Saidi – El Mordjane

Sofiane Saidi – El MordjaneOriginaire de Sidi Bel Abbés, berceau du Raï, Sofiane Saidi est aujourd’hui installé à Paris. Influencé par Oum Keltoum, Cheika Rimiti ou encore Otis Redding, il a, au cours des derniers années, travaillé avec des artistes venus de divers horizons comme le jazzman Bojan Z, la chanteuse Natacha Atlas, le groupe breton Startijenn, ou encore le duo hip-hop sénégalais Tukuleur. Tout comme la diva égyptienne à ses débuts, Sofiane Saidi a réussi sur ce premier album (en collaboration avec le producteur Tim Whelan), le parfait et subtil mélange entre une production électro-pop jazzy modernes et des chansons orientales. Résultat, l’écoute de El Mordjane s’avère tout à fait agréable et jamais lassante. Mais la raison de ce succès tient aussi beaucoup à la qualité des chansons, aux mélodies foisonnantes et variées que l’on peut y trouver tout au long du disque mais aussi, comme on l’a dit, dans l’aspect résolument moderne de cette très belle production. (3.5) Benoit Richard
Quart de Lune/Rue Stendhal – Soundcloud – novembre 2016

Francesca Lago – Mirrors against the sun

Francesca Lago - mirrors against the sun2016 marquera le retour de Lush et de Francesca Lago.  La seconde nouvelle secouera le landernau indie rock que la première, la Suissesse étant moins connue que les Anglaises. Pourtant, on peut les rapprocher tant la musique des deux se ressemblent – y compris dans les voix. C’était déjà le cas sur Siberian Dream Map il y a 4 ans, ça l’est encore avec ce nouvel album. Ce qui implique – pour le meilleur – le charme de mélodies dream pop, un coté alerte et mutin émergeant d’une mélancolie réconfortante, quelques accents rock plus appuyés (The desert). Francesca Lago bénéficie de l’apport de son violoncelliste et d’un claviériste qui emballe le tout dans des sonorités d’aujourd’hui (where do we go). On peut se laisser séduire. (3.0) Denis Zorgniotti
Urtovox / T3 record – Janvier 2016
Bandcamp

Holy Esque – At Hope’s Ravine

Holy Esque - at the ravineChez Holy Esque, ce sont les années 90 qui sont à l’honneur : des effets de guitare à la voix écorchée de Pat Hynes, aux envolées de corbeaux mettant une touche gothique/cold wave à des mélodies brit pop. De Puressence à Strangelove (parmi les plus intéressants) en passant par JJ72 (nettement plus détestable), on a déjà entendu ça et nostalgie mise à part, les Ecossais de Holy Esque font plutôt bien le job dans un album honnête quoique souvent convenu. Sauf quand le groupe se laisse aller à quelques emphases dégoulinantes de pathos et donc de lourdeur (Doll house). Ni gigantesque, ni grotesque…Holy Esque. (2.5) Denis Zorgniotti
Beyond The Frequency – Février 2016 Tumblr

Magoarou – Poésie rock

Magoarou-poesie rockIl y a bien une spécificité française, celle de faire sortir la langue française d’une variété (infecte) sans pour cela tomber dans une chanson française de chansonnier (privilégiant souvent le texte à la musique). On peut appeler ça « chanson rock » ou comme nous le propose Magoarou « poésie rock », si tant est que les textes suivent la musique en termes de qualité. C’est ici le cas pour cet ex-Folie Ordinaire qui a trouvé en Gil Lassere (A girl in light, Jacobson) son Frédéric Lo à lui.  Daniel Darc, Miossec, Superflu, Xavier Plumas, Benjamin Biolay, Magoarou nous les évoquera tous, sans en singer aucun. Preuve de la qualité musicale et d’arrangements fouillés sachant vers varier les plaisirs ; d’une  folk bucolique (longue route) à des rythmes joliment chaloupés (Déborah, jolie déclaration d’amour en forme de douce valse, l’amour debout ou Cap ou pas cap, dans une énergie funk un peu daté) en passant par des ambiances plus urbaines (Transit au ton gainsburien d’aujourd’hui)Magoarou se paie même luxe de reprendre Vingt ans de Léo Ferré dans une version fiévreuse hautement recommandable. Une belle découverte. (3.5) Denis Zorgniotti
Autoproduction – Janvier 2016

Nicolas Haas – Amour

Nicolas Haas - amourDans Amour, on retrouve  des traces du passé musical de Nicolas Haas comme Laconic et Primaa – ses deux projets du début des années 2000. En l’occurrence, il y a bel et bien de l’électronique dans ce nouvel EP que le musicien sort enfin sous son propre nom. De son travail comme compositeur de pub, il garde un intérêt particulier pour la production et la mise en son. Amour est pourtant bel et bien un album de chanson – « moderne » en l’occurrence – avec une voix et un phrasé rappelant souvent la douceur d’Ignatus.  Et délaissant son habitude de travailler seul, il a la bonne idée de s’entourer d’un vrai groupe (avec guitare, basse, batterie) mais aussi d’une 2e voix féminine  lui permettant d’enrichir les harmonies et d’un quatuor à cordes donnant un supplément d’ ampleur et de l’élégance à sa musique. Avec tout ça, dans un disque faussement léger, on se dit que Nicolas Haas pourrait devenir l’égal de Jérôme Minière (tu m’as). (4.0) Denis Zorgniotti
Autoproduction – Janvier 2016 Bandcamp

Vonneumann – Sitcom Koan

Vonneumann - sitcomPrenant son nom chez un mathématicien allemand, les Italiens de Vonneumann pratiquent de la musique improvisée depuis 15 ans. Avec Sitcom Koan, ils proposent deux sessions d’enregistrement en public captés en 2010 dans leur ville de Rome. La prise de son, bonne, donne une idée de ce que drôle de quatuor propose, une musique pas facile d’accès mais pour le moins intéressante. On se laissera donc aller à divaguer sur des plages impressionnistes pouvant touchées au bruitisme d’un Lee Ranaldo avec même une touche tribale qui fait tout le sel d’une improvisation live. Chez Vonneumann, tout est affaire de guitares et d’électricité. mais pas seulement, les percussions emmènent la musique dans le tribalisme et une trompette dans le free jazz. Dans cette démarche brute et sans artifice, les Italiens laissent tout en l’état, y compris dans les pauses intra-musicales où les instruments se raccordent et les instrumentistes discutent (brièvement) sur le point de départ de leur escapade sonore. Comme s’il tenait à cœur au groupe de nous révéler sa musique mais aussi le processus musical qui a conduit à cette création spontanée. (3.5) Denis Zorgniotti
Ammiratore Omonimo records – Février 2016 Bandcamp

KillASon – The Rize

EP The Rize – KillasonDe son passé de danseur hip hop, Marcus Dossavi-Gourdot aka KillASon a gardé le goût du tempo qui envoie sévère et qui pulse sur chaque mouvement de kick. Avec son premier album The Rize, le français a choisi de rapper en anglais, excusez du peu, se démarquant foncièrement de la production hexagonale, avec ses tracks nerveux et enlevés, à rapprocher de ceux de Young Thug, 2 Chainz, Future, voir même des premiers Outkast, faits de rythmiques pour dancefloor et de vocaux élastiques aux flows en suspension, entre phrasé virtuose et chant habité, black music dévergondée et liberté hallucinée, à l’image du fantastique Read Or Not. Plein à craquer d’accroches en forme de punch lines savoureuses, d’intensité rieuse et de fun sautillant, The Rize conjugue merveilleusement les opposés pour les resserrer avec intelligence, les étalant sur du papier glacé au service de sa voix entrainante, aux inflexions trépidantes. Une des révélations hip hop de l’année. Très fortement recommandé. (3.5) Roland Torres

Naylor – Aube

naylor_aubeC’est vrai qu’elle ne manque pas de talent Naylor. A la fois chanteuse et violoniste, la jeune femme pratique ce que l’on pourrait appeler du trip hop version acoustique – les cordes et les percussions remplaçant les claviers et les programmations. Pour le reste, dans un tempo lent, une mélancolie diffuse et des inclinations pour le jazz, Naylor pourra évoquer les riches heures de Bristol. La Française en a la maitrise – qu’elle soit vocale (la jeune femme se balade littéralement dans un style pop jazz peut-être un peu trop maniéré) et plus largement instrumentale : Aube ne manque certainement pas d’élégance. Elle propose aussi des associations intéressantes comme sur A month ago qui exhale un parfum de blues avec sa guitare électrique et son derbouka. On apprécie encore plus Naylor dès lors qu’elle sort du confort ouaté d’une musique consensuelle pour se placer un peu plus dans l’impressionnisme d’arrangements plus abstraits ou des lignes de chant aventureuses (I feel the sun). Y aurait-il quelques aspérités sur le velours ? La Française évoquera dès lors Anja Garbarek et Kate Bush, gagnant paradoxalement plus plus de personnalité. (3.0) Denis Zorgniotti
Autoproduction – février 2016 Soundcloud

Parnell – Ce qu’il en reste

Parnell – Ce qu’il en resteIl y a du Mark Kozelek chez ce garçon. Même fragilité dans la voix, même mélancolie dans les textes, même beauté dans les accords de guitare et dans les arrangements. Rares sont les français à s’aventurer du coté du folk dépouillé comme le chantent si bien les songwriters américains tels que Mark Kozelek. Parnell lui assume totalement cet héritage, volontaire ou non, et signe un disque d’une élégance rare. Antoine Faucompré, de son vrai nom, a découvert la folk music à travers la scène irlandaise et a emprunté son nom de scène à un célèbre homme politique irlandais du 19e siècle. Si l’influence celte ne se fait pas trop ressentir dans ses chansons, l’écriture superbe et fine de Parnell, à l’image de celle de Pain Noir ou de Baptiste W Hamon, donne toute sa particularité à cet album qui vient parfaitement s’inscrire dans cette chanson française folk actuelle qui n’en finit pas de nous épater. (3.5) Benoit Richard
Auroproduit –
deezer