Gaspard va au mariage – Antony Cordier

Après les couples (re)composés dans Happy few, Antony Cordier observe une famille un peu zinzin dans ce coloré et sympathique Gaspard va au mariage.

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On se croirait dans un conte, un conte avec ce qu’il faut de personnages fabuleux vivant dans un zoo et une sorte de palais à vau-l’eau tout droit sortis d’un pays imaginaire (et que l’on rejoint par un vieux train comme on n’en fait plus). Il y a un papa qui aime se plonger dans un grand aquarium rempli de garra rufa, une maman qui aurait été dévorée par un tigre, une fille constamment revêtue d’une peau d’ours et qui sent mauvais, l’empêchant de trouver le prince charmant, un fils inventeur d’inventions géniales mais qui ne servent à rien (inspirées du chindōgu, art japonais consistant à inventer des gadgets « utiles mais inutilisables »), et un autre fils enfin qui, lui, serait le seul à avoir les pieds sur terre, à ne pas être dans la lune, et uni à une femme recouverte de tatouages…

gaspard-va-au-mariage-affiche-antony-cordierC’est une comédie pas pareille que les autres, débarrassée d’acteurs interchangeables et de blagues caricaturales, de gags pas drôles et d’un consensus mou qui ravit ces chaînes de télé avares en prises de risque. L’humour ici est décalé, plein de fantaisie, il est pointilliste, se révèle autant dans une chorégraphie improvisée que dans un va-et-vient amoureux avec une fausse petite amie, ou même dans la « menace » soudaine d’un bébé tigre. La mise en scène sait se montrer inspirée, jamais dans le terne ou, au contraire, dans quelque chose de voyant, simplement belle en fait (le slow sous les lumières rouges et les stroboscopes, quelques ralentis opportuns et superbes…).

Et la sexualité est directe, décomplexée, Antony Cordier, depuis Douches froides (et surtout dans Happy few), filmant sans retenue, et avec grâce, ses acteurs dans leur plus simple appareil. Non par voyeurisme d’ailleurs, mais par goût de la beauté, de ce qui paraît aller de soi (et rappelant la frontalité gourmande de Peter Greenaway dont l’affiche de ZOO, comme un fait exprès, se remarque au détour d’un décor). Plutôt lent à la détente, le film distille son charme au fur et à mesure de sa douce excentricité, de son attachement aux personnages. Cordier observe avec tendresse cette famille un peu zinzin comme une bulle qui libère ou comme un poids qui entrave (il observait, de la même façon, les couples faits et refaits dans Happy few).

Comme un espace qui invite, qui maintient, comme un tumulte sentimental dont le quotidien s’est cristallisé autour des joies de l’enfance, de la réalité des adultes et d’une certaine idée de paradis terrestre (on y est souvent nu, il y a des animaux partout et les envies y sont libres). Ce tumulte dont Gaspard et son clan (sa meute) doivent s’extirper. Ce tumulte qui les encombre tant (une mère disparue dont le deuil semble encore prégnant, un désir d’inceste, une ménagerie qui périclite…) et qui les retient là. C’était pourtant un paradis, une certaine idée de paradis qui semblait tentant, hirsute et coloré, mais les paradis sont souvent perdus, c’est bien connu, ou se perdent à la longue. Gaspard, qui avait fuit celui de sa jeunesse, puis y revenant aujourd’hui, le quittera finalement pour toujours, en train et par amour.

Michaël Pigé

Gaspard va au mariage
Film français réalisé par Antony Cordier
Avec Félix Moati, Christa Théret, Guillaume Gouix…
Genre : Comédie
Durée : 1h43min
Date de sortie : 31 janvier 2018