Un honnête Biopic partiel narrant sous la forme d’une tranche de vie de l’immense artiste, sculpteur et peintre Suisse Alberto Giacometti, l’élaboration artistique du dernier portrait effectué par amitié envers son ami écrivain américain James Lord dans son atelier parisien en 1964.
À l’occasion de son nouveau long métrage derrière la caméra, l’acteur Stanley Tucci choisit de s’attaquer à l’un des plus talentueux créateurs du XXe siècle, ayant marqué l’Histoire de l’art à travers ses sculptures longilignes épurées et ses toiles visionnaires régulièrement sombres, ces multiples œuvres enflamment encore les prix lors des différentes ventes aux enchères à travers le monde. Le réalisateur s’appuie avec application à retranscrire le livre A Giacometti portrait publié en 1965 par le critique d’art et écrivain James Lord, à la suite de ses éreintantes multiples séances de poses auprès d’Alberto Giacometti.
Avec humilité Stanley Tucci nous propose donc un singulier Biopic immersif en se concentrant sur une période précise afin de mieux mettre en perspective les tourments de cet inclassable artiste à travers une courte période représentative des fragilités et la vie quotidienne du peintre Suisse. Avec une certaine élégance dans la mise en scène le cinéaste met parfaitement en exergue cette notoire phrase de Giacometti : « Plus on travaille sur un tableau et plus il en devient impossible de le finir ». En effet ce long métrage quasiment en huis-clos va relater à travers une minutieuse reconstitution réussie à l’identique de l’atelier caverne rue Hippolyte Maindron à Paris (avec l’aide de la Fondation Giacometti) et les affres psychologiques de l’artiste en pleine création. L’auteur filme cette tanière à travers une palette de nuances de gris reflétant l’aspect ombrageux et bougon de l’artiste qui au lieu de faire le portrait de son ami en un après-midi comme promis va sans cesse remettre en cause son talent à travers une quête désespérée de la perfection engendrant dix-huit séances de poses témoignant du perfectionnisme exagéré d’Alberto Giacometti à la recherche d’une réalité qui semblait s’effacer de la toile au fur et à mesure d’un trait trop forcé où d’une hésitation manuelle entraînant la destruction de l’œuvre pour mieux recommencer.
Le cinéaste utilise sa caméra de manière classique avec des plans souvent illustratifs rendant hommage aux sensationnelles œuvres filiformes traduisant aussi la fragilité de l’être, et nous offre des plans en plongée afin de mieux nous immerger dans le côté introspectif réaliste. L’atelier sert d’une sorte de scène de théâtre où les acteurs vont et viennent et Stanley Tucci par petites touches dépeint les coulisses de cette relation amicale à travers des échanges ne manquant pas de jurons dans la bouche du théâtral mais convaincant Geoffrey Rush interprétant savoureusement et habilement le rôle titre, ni d’humour sarcastique auprès de son ami James Lord incarné par le gracieux Armie Hammer par le biais d’un récit empruntant une structure narrative en boucle donnant une impression répétitive aux situations. L’auteur tente également de croquer le quotidien non trépidant du créateur lors de balades dans le Paris pittoresque des années 60 de manière plus aléatoire et folklorique, en levant le voile sur les amours tarifés du peintre/sculpteur et son obsession pour une délicieuse promise (Clémence Poésy), en captant sa relation tumultueuse avec sa légitime délaissée (interprétée par la gouailleuse Sylvie Testud), ainsi que son rapport particulier avec l’argent qu’il dissimule dans les fissures de sa maison délabrée.
Venez découvrir avec curiosité l’aspect psychologique névrosé de l’un des artistes majeurs du siècle dernier pendant l’acte créatif, à travers cet atypique Biopic sans prétention : Alberto Giacometti, The Final Portrait. Académique. Intime. Inégal. Attachant.
Sébastien Boully