Un désert au Chocolat pour Roméo Elvis

Roméo Elvis balance – enfin ! – son premier album solo tant attendu : Chocolat. Résultat plus que mitigé pour le frangin d’Angèle qui confond vitesse et précipitation, qualité et quantité, miel d’Acacia et sirop de glucose. Quelques fèves de bon cacao – tout de même – perdues dans ce grand pot de Nutella surchargé de mauvaises graisses. Un dessert au chocolat trop lourd pour cet artiste prometteur que l’on attendait sûrement un petit peu trop. Tant pis, La prochaine fois !

romeo elvis - chocolat

C’est vrai qu’il est sympathique ce Roméo Elvis.

Fils du chanteur Belge Marka et de la comédienne Laurence Bibot (qui avaient fondé un temps ensemble le duo Pop-Rock Monsieur et Madame). Frère de la révélation Pop qui explose les ventes et tous les Zénith de France : La pétillante Angèle.
Roméo Johnny Elvis Kiki Van Laeken, fils de la balle, trempe profondément ses racines dans le terreau artistique depuis toujours. Un terreau artistique et musical familial, mais aussi national.
Car oui, Roméo Elvis est profondément Belge. Fer de lance du nouveau Rap made in Belgique, Roméo débute avec le crew Bruxellois L’Or du Commun tout en continuant de faire le caissier chez Carrefour pour arrondir ses fins de mois. C’est ensuite sa rencontre avec le beatmaker Le Motel qui va accélérer l’ascension de Roméo Elvis dans un Rap « Belgophone » en pleine explosion. Le EP Morale et l’album en commun Morale 2 (et sa riche réédition Morale2Luxe) vont venir assoir le Belge, avec une prod’ mêlant habilement Rap Old School et nappes Electro bien chill, au sommet d’un Rap d’Outre-Quiévrain triomphant.

Ce Rap Belge renaissant (Bigup à Benny B !) qui déferle sur les ondes Françaises cassant un peu les codes du genre. Damso, JeanJass et Caballero ou Hamza prennent le Bruxelles-Paris et en moins d’une heure trente et viennent foutre le souk dans Paname avec un Peuh-ra fleurant bon la Tripel Karmeliet et la carbonade Flamande.
C’est également – et surtout – par ses feats que Roméo Elvis va connaître une notoriété rapide dans le paysage musical Francophone. Les feats du rappeur Belge – et ses choix de collaboration – s’avèrent payants et viennent affoler les charts Français. Le feat avec Lomepal sur 1000°, la collaboration avec Therapy Taxi sur le génial Hit Sale ou le duo avec sa frangine sur Tout oublier qui va casser la baraque (à frites ? Non j’vais pas la faire finalement !), trois chansons, trois énormes succès qui vont accélérer la mise en orbite de Roméo Elvis et rajouter des tonnes de pression sur ses bras tatoués pour la sortie de son nouveau skeud.

Alors qu’en est-il de ce premier album solo d’ un des grands espoirs de ce Rap Belge tant prisé en ce moment ?

On rentre en territoire connu avec Intro. La voix, le beat, la prod’, on est bien chez Roméo Elvis. Intro vient faire le lien, vient passer le relais d’un album à l’autre, de Morale2 à Chocolat. C’est l’hommage au passé qui vient ouvrir Chocolat. Une prod’ léchée aux douces effluves jazzy rend l’hommage aux potes du début: ODC ou Le Motel. Un coup d’oeil dans le rétro et un « au revoir » de la main pour un Roméo bien décider à continuer la route en solo. Comme ce jeune adulte quittant le foyer familial avec l’envie de bouffer le monde, et cette légère appréhension qui lui serre la gorge.
Cette émancipation ne se fait pourtant pas en solitaire puisque Roméo n’hésite pas à s’entourer des prods, musiciens et beatmakers en vue: Le DJ belge Todiefor, Eazy Dew, VM The Don, Le Motel évidemment ou même le très demandé Vladimir Cauchemar viennent donner la couleur musicale au skeud.
Les invités également accompagnent Roméo pour ce premier album en solo: -M– pour le joli titre Parano, Damon Albarn (Blur et Gorillaz) pour le dernier titre de l’album Perdu où les choeurs Gospel, le piano tristouille et la voix douce d’Albarn offre un duo finalement assez perturbant, mais également Zwangere Guy pour Kuneditdoen ou encore Témé Tan pour En silence qui rend hommage à Simon, ami de Roméo, parti bien trop tôt.

Tout le monde semble être là pour accompagner le rappeur Belge sur le chemin d’une réussite bien méritée: Amis, producteurs et guests. Et pourtant !

Pourtant, malgré tout ça, malgré ce chemin qui semblait tout tracé, cette route entièrement pavée d’or, Roméo semble se perdre.
Il semble se perdre sur la longueur. Une route bien trop longue (19 titres), trop sinueuse. En effet, le skeud manque cruellement de liant, d’un fil conducteur solide. Les prods – de bonne qualités pour la plupart – s’enchaînent sans réel agencement, se marchant dessus entre elles (Pop, Électro, sonorités latines ou Peuh-Ra Old School), piétinant par la même occasion les grands panards de Roméo et bouscule un équilibre précaire.
La première partie de l’album fait tout de même le job et offre quelques morceaux qui tape dans l’oreille, cette oreille pas encore lasse de ces trop grands écarts musicaux et stylistiques. Intro, Chocolat, Coeur des Hommes ou 194 et son saxophone final qui vient teinter un texte assez sombre, d’effluves Jazzy bienvenues, caressent ton tympan et t’invitent à continuer l’écoute.
Mais ce n’est pas le Jazz – hélas ! – qui domine l’album. Roméo va plutôt opter pour un Variété Rap très en vogue aujourd’hui. Des refrains accrocheurs faits pour être ânonnés lors des lives de l’animal Roméo Elvis (car l’homme prend toute son ampleur artistique et physique en concert), des gimmicks Pop et un Rap chanté omniprésent font loucher l’album Rap initial vers une nouvelle variété Française. Mais là où le Jeannine de Lomepal trouvait dans le mélange Rap et Variété, une unité délicate, un fil conducteur ténu, Chocolat s’embourbe dans une longueur stérile, un éparpillement stylistique sans véritable structure d’écoute, un skeud dans le désordre en quelque sorte.

On savait également que l’ami Roméo n’était pas le best punchlineur du Rap Game contemporain mais la mutation de l’ado embrumé dans les effluves de ganja à un jeune adulte plus conscient, plus engagé ( Le très mauvais La Belgique Afrique, charge simpliste et bâclée de la Belgique coloniale), plus meurtri aussi ( Sur En Silence par exemple où Roméo raconte la mort de deux de ses amis mais dont le manque de relief du texte ne permet pas à l’émotion de prendre toute son ampleur) n’est pas encore totalement aboutie.

Au final, le disque laisse un goût d’inachevé, d’inabouti. Le sentiment que l’artiste en voulant trop nous prouver – se prouver ! – la qualité des nombreuses facettes de sa personnalité artistique, se perd dans son propre égo trip et ce, malgré des qualités de productions indéniables. Cet égo trip qui enferme, qui met des œillères sur le monde autour de soi et qui souvent empêche le recul nécessaire pour juger son propre travail.
Un grand bol de mousse au chocolat qui fait saliver quand il arrive sur la table mais dont l’excès de sucre, de jaunes d’oeuf ou de cacao, réalisé par un cuisinier qui confond équilibre des saveurs et empilage de produits, de goûts, laisse la langue un peu pâteuse.

Gaffe au diabète !

Renaud ZBN

Roméo Elvis – Chocolat
Label :  Universal Music Division Barclay
Date de sortie: 12avril 2019

2 thoughts on “Un désert au Chocolat pour Roméo Elvis

  1. Qui êtes-vous exactement pour écrire des trucs aussi infondés ? Changez de métier.

  2. Laura : au contraire je trouve l’article fondé. Je suis fan de rap et j’aime plutôt bien Roméo Elvis mais l’album est mal exécuté. Comme dit dans l’article, la première partie est plutôt bonne (Intro, Chocolat, Coeur des hommes, Parano, Normal…etc), mais la 2ème partie est vraiment mauvaise. Il se perd, aucun fil conducteur, les prods sont parfois assez mauvaises, sa voix et son flow sont lambdas, et les textes assez pauvres.
    C’est encore plus flagrant avec le vinyle, les faces C et D sont vraiment très en-dessous des 2 premières faces.
    Bref, album trop long, il s’est perdu et c’est dommage.

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