5+5 = les disques préférés de Casper Clausen (Efterklang)

Et si l’on profitait de la sortie du cinquième disque studio d’Efterklang, Altid Sammen pour comprendre d’où vient la singularité du groupe danois depuis ses débuts en 2004. Quoi de mieux pour le découvrir que d’en parler avec Casper Clausen, chanteur d’Efterklang. Un 5+5 à la fois curieux, singulier et évident à l’image d’Efterklang finalement.

Efterklang revient après une longue pause avec le superbe Altid Sammen où le groupe poursuit l’exploration entamée en 2004 qui aura mené le trio des terres minimales de l’électro au confins du monde dans les ruines d’une cité minière soviétique. Cherchons à nous repérer dans la géographie multipolaire d’Efterklang avec leur chanteur Casper Clausen.

5 disques du moment :

Brian Harnetty Shawnee, Ohio

C’est un de mes amis qui m’a fait découvrir cet album merveilleux. Shwanee Ohio s’intéresse à la population et les histoires d’une petite ville de l’Ohio. Brian Harnetty en tire un mélange expérimental de folklore, d’arrangements classiques et de voix indistinctes et anonymes de ce que je crois être des citoyens de cette ville. J’adore cette manière qu’a Harnetty à se poser en conteur, il trouve une couleur, un ton qui parvient à reconstituer l’ambiance d’une ville. C’est un peu ce que l’on essaie de faire avec Liima, le projet que l’on a amorcé avec Tatu Rönkkö, un percussionniste finlandais quand on a décidé de mettre en pause Efterklang. J’adore ces musiques univers qui essaient de retransposer des mondes existants ou non.

Bill CallahanShepherd in a Sheepskin Vest

Aussi surprenant que cela puisse paraître, j’ai découvert Bill Callahan sur le tard ou plutôt, j’ai trouvé la clé pour entrer dans sa musique grâce à Apocalypse, son album de 2011. Shepherd in a Sheepskin Vest est pour moi une nouvelle étape dans mon amour pour l’univers de ce grand artiste. Il réussit l’exploit de faire un disque éminemment classique mais truffé de merveilleuses expérimentations. Et puis bien sûr, il y a ses paroles qui me frappent d’une nouvelle façon, là où ça fait mal. Sa voix me bouleverse ! Il y a des disques où tu as l’impression qu’ils ont été écrits pour toi, qu’ils ne s’adressent qu’à toi à un moment de ta vie. Shepherd in a Sheepskin Vest est un disque de cette catégorie pour moi, il me touche, m’interpelle et me parle comme Apocalypse le faisait en 2011.

Heather Woods BroderickInvitation

Heather et son frère Peter Broderick ont tourné avec Efterklang pendant de nombreuses années.On est toujours très proches avec elle comme avec son frère. En plus Heather compose une musique absolument fabuleuse. Invitation est son dernier album et je suis tombé tout de suite sous le charme de ce disque. Il y a quelque chose de tout à fait obsédant dans la voix de Heather et son univers musical qui joue en particulier avec l’espace. Les belles mélodies vocales dans lesquelles je me love comme une couverture de rêves merveilleusement bizarres avec de grands champs où des chevaux bleus qui courent en liberté. Toujours avec un cœur qui saigne. Merci Heather !

Big ThiefU.F.O.F.

C’est par Abysskiss (2018), l’album solo d’Adrianne Lenker que je suis arrivé à son projet principal, Big Thief. C’est un disque que je n’arrête pas d’écouter depuis. La voix d’Adrianne Lenker et le son de Big Thief sont si déroutants, imprévisibles et en même temps captivants sans faire d’effort et sans esbrouffe ni artifice. Il y a des musiques de contexte ou si vous préférez, des disques de moment ou de lieux, des instants ou des espaces qui sont plus propices pour l’écoute de tel ou tel disque. Par exemple, U.F.O.F est pour moi un disque citadin que je comprends que mieux quand je me ballade en ville. Il crée comme un mur de protection entre moi et le monde qui m’entoure, les gens et le bruit des voitures. Il devient la bande-son de la ville que je traverse.

DuenditaDirect line to my creator

C’est une fois de plus par hasard que j’ai découvert ce disque, quelle chance car je suis instantanément tombé amoureux du paysage sonore, de l’utilisation de l’espace et des field recordings mêlés à ces voix extraordinaires enregistrées et chantées de différentes manières comme des couches successives. Cela ressemble à un disque de R’N’B épique mais qui aurait été enregistré dans l’intimité d’une toute petite chambre. Quelque chose de brut et d’intime qui ne se laissent pas attraper si facilement, prenez ces notes éparses à moitié écrites qui laissent ici et là quelques indices, ce paysage sonore merveilleusement impalpable qui ose le jeu avec les silences et les bruits.

5 disques pour toujours :

Paul HornInside The Great Piramid

C’est sans doute un de mes disques préférés, de cette catégorie de ceux qui m’apaisent. Inside The Great Piramid, c’est le genre de disque que tu ne partages pas, tu te le gardes pour quand tu es seul chez toi et idéalement la nuit. Le concept de ce disque c’est que le flutiste américain de Jazz Paul Horn nous invite à errer de pièces en pièces à l’intérieur de la grande Pyramide de Khéops, chambre après chambre. On y entend aussi bien de simples improvisations à la flûte traversière et Horn joue avec la réverbération naturelle du monument. Parfois, il nous dit où nous sommes, parfois pas. Il frappe parfois aussi sur un Gong. On ne sait pas trop où on va, on divague dans un espace intermédiaire qui a cette capacité certaine à m’apaiser.

Alain PetersVanvanguèr

Autant le dire tout net, il y a bien des merveilles et des trésors à découvrir dans le Mayola, cette musique réunionnaise qui parvient à un équilibre entre psychédélisme et respect du patrimoine créole. Je ne cesse de revenir à Vanvanguèr à chaque fois que je souhaite me sentir plus léger, le remède parfait même si je sais que dans le Maloya, il y a une notion contestataire profonde. Mais ce n’est pas cela que je viens chercher dans la musique d’Alain Peters.

The Blue Nile – High

Un disque qui est devenu un classique et un indispensable tout récemment. Je viens de découvrir la musique des Blue Nile et Paul Buchanan. Depuis je ne cesse de l’écouter encore et encore, surtout au casque. Un disque parfait pour se plonger dans sa propre solitude tard le soir, le regard qui divague face aux lumières de la ville. En soi, le paysage sonore est une pure merveille délicieusement datée avec cette étrange balance entre grandeur, préciosité et intimité à la manière d’un Scott Walker. Et puis, il y a la voix sublime de Paul Buchanan du niveau de Peter Gabriel. Le genre de messager qui t’attire dans ses filets l’air de rien et qui te raconte des histoires qui te ressemblent.

Mark HollisMark Hollis

C’est sans aucun doute possible mon disque préféré de tous les temps, je ne fais sûrement pas dans l’originalité mais ce disque de Mark Hollis comme toute la discographie de Talk Talk sont des jalons dans l’histoire de la musique dont je suis sûr que l’on n’a pas encore tout à fait pris pleinement conscience de l’importance. Ce disque-là en particulier, je grandis et vieillis avec, j’y reviens année après année. J’ai perdu le compte du nombre de personnes à qui j’ai fait écouter ce disque et qui comme moi n’en sont toujours pas revenus. A chaque fois que je fais découvrir ce disque à quelqu’un, vous ne pouvez pas imaginer ô combien  je suis jaloux de la première fois où cette personne rencontre la musique de Mark Hollis car la vie de cette personne (et je n’exagère pas du tout) ne sera plus jamais la même. Pour moi, c’est encore une musique qui traite de l’espace et du rapport au silence, ce jeu avec l’instrumentation et les arrangements. Et puis la voix angélique de Mark Hollis. Mark Hollis est décédé plus tôt cette année mais quitte à paraître lyrique, je crois bien qu’il sera éternel et je lui suis reconnaissant pour toute l’inspiration et les pistes offertes que lui et Talk Talk laissent derrière eux.

Curtis MayfieldCurtis

La première chanson s’intitule (Don’t worry) if there’s hell below, we all gonna go et donne de sute le ton. Si on reste dans mon idée des catégories, ce disque de Curtis Mayfield, c’est un disque fédérateur qui parvient à rassembler les gens. Tentez l’expérience et vous verrez que j’ai raison. Mettez-le sur une platine n’importe où et instantanément, les gens commencent à bouger des pieds et à danser. C’est le groove le plus cool avec un  message tellement inclusif, terre à terre, amusant et plein de messages politiques et d’amour pour tous. Le disque parfait pour n’importe quel dancefloor potentiel, à tout moment vraiment. La musique sert aussi à cela, à créer du lien entre les individus, à faire de la personne un élément du groupe sans pour autant perdre sa singularité propre. Avec Efterklang, on essaie aussi de faire cela, d’être la traduction de tout un tas d’impressions et de mouvements, d’actions humaines en somme.

Septembre 2019

Altid Sammen est sorti le 20 septembre 2019 chez 4AD