[Interview] The Innocence Mission (seconde partie)

Poursuite de notre entretien au long cours avec les trop rares The Innocence Mission qui sortent en ce début d’année 2020 See You Tomorrow, leur onzième album studio. Où il sera question d’humilité, de travail, d’intimité et finalement d’un beau moment d’humanité. Retour donc à Karen et Don Peris.

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Benzine : Il y a dans votre travail d’écriture un évident rapport à quelque chose de simple, d’accessible avec quelques obsessions que l’on retrouve tout au long de vos disques. La présence de la nature en particulier, les oiseaux et les paysages. Un chanteur français, Dominique A, parle du courage des oiseaux. Quelles vertus ont les oiseaux pour vous ? Et La Nature ?

Karen Peris : J’aime beaucoup cette image du courage des oiseaux. Nous avions d’ailleurs un peu échangé avec Dominique sur les réseaux sociaux lors de la sortie de Sun On The Square  où il nous avait dit des mots très gentils sur notre disque. J’avais tenté de lui expliquer dans mon français très approximatif qu’une de mes chansons favorites est une chanson qu’il a composée pour Françoiz Breut, Si Tu Disais et combien j’aimais certains de ses disques. Pour moi, les oiseaux renvoient à la beauté extravagante de la nature. Sans tomber dans de l’écologisme un peu facile, il faut savoir rester réceptif à ce monde-là qui nous entoure. Je passe beaucoup de mon temps à travailler seule à l’intérieur sur mes chansons alors quand je sors chaque jour même pour un court instant, j’ai vraiment ce sentiment d’entrer dans un autre univers, une autre chaleur, quelque chose qui me fait me sentir si vivante. C’est aussi connecté à de vieux souvenirs, quand j’étais une petite fille, comme beaucoup d’autres petites filles, je me baladais dans la forêt avec mes parents et je me rappelle très bien de mon père qui m’apprenait le nom des arbres  et des oiseaux. Depuis la nature a pour moi une connexion immédiate avec le monde de l’enfance. Cela se retrouve aussi dans mes chansons, je me dis que s’il y a des arbres, les saisons qui passent, cela peut sembler plus réel.

Benzine : Ce qui semble au centre de votre travail, c’est également cette volonté de lien entre les humains, cette volonté à faire communauté. Prenons l’exemple de l’enregistrement de vos disques fait à domicile avec vos enfants… Vous reconnaissez-vous dans ce rapport à la communauté ?

Karen Peris ; C’est tout à fait vrai mais je crois que c’est le cas pour tous les artistes. Quand on écrit ou que l’on compose un titre, on doit déjà se mettre dans cet état de connectivité aux autres pour que le sentiment de communion naisse d’une chanson chez celui qui l’écoutera. Cela  a voir avec la sincérité et la vérité, cette pureté de l’intention que j’évoquais au début.

Don Peris : On a tous en nous des aspirations communes à toute l’humanité, l’envie d’aimer et d’être aimé  mais ce qui fait l’humain par-dessus tout c’est cette nécessité à se sentir connectés les uns les autres. C’est un besoin vital  et la musique peut provoquer cette communauté.

Benzine : Je vous imagine méticuleux dans le processus de composition tant au niveau de l’écriture des textes qu’au niveau de la composition musicale, y a-t-il une dimension doloriste dans la création chez The Innocence Mission ?

Karen Peris : Je ne crois pas, bien sûr, il y a toujours du doute car il est indispensable. Par contre, ce qui me tracasse souvent c’est cette responsabilité que j’endosse un peu inconsciemment face au futur auditeur, je ne veux pas qu’il y ait des malentendus possibles sur les textes de mes chansons, je ne souhaite pas replonger l’autre dans  quelque chose qui relèverait de la tristesse mais au contraire si c’est possible tenter d’être apaisante. On est tous consumés par la mélancolie, parfois. Je mentirai si je disais que mes chansons ne sont pas emplies de mélancolie mais si à travers cet état commun à tous, je peux permettre à une seule personne de se sentir peut-être un peu moins seule, c’est ma plus belle récompense. Je sais bien aussi que nous sommes suivis par peu de gens mais je considère comme une responsabilité ce temps que m’accorde ces personnes. Quand on se met à travailler sur un album, cette responsabilité nous met dans un état d’excitation, c’est toujours un moment joyeux que la période de composition. C’est un peu comme une chasse au trésor que de partir d’un air que tu as dans un coin de ta tête, que tu chantes quand tu es toute seule et de parvenir à le retranscrire lors de l’enregistrement comme tu l’imaginais. Après l’enregistrement fait que le morceau devient encore autre chose, c’est très exaltant.

Benzine : Karen vous écrivez les textes et les musiques. Arrivez-vous avec des chansons très construites et après Don apporte sa touche personnelle. Comment cela se passe-t-il ?

Don Peris : Cela varie d’un morceau à l’autre. Karen échafaude de grandes structures, elle arrive toujours avec des séries d’accords et des textes déjà travaillés pour ces musiques. Elle a une magnifique manière de composer à la guitare. Parfois, les structures sont plus flous et cela nous laisse de la part et peut-être plus de liberté pour Mike Bitts et moi-même. D’autres fois, cela coule de source de comment va évoluer le morceau dès le début. C’est vrai que la deuxième étape, celle où nous enregistrons est vraiment celle où nous entrons dans un processus de groupe avec de nouvelles possibilités et de nouvelles propositions d’idées que nous tentons et que nous retenons ou pas. L’excitation que l’on ressent quand on crée un morceau connaît plusieurs étapes, la découverte des accords et du squelette de la chanson puis l’échange entre nous durant l’enregistrement.

Karen Peris ; Le résultat final est toujours un accident. Une chanson c’est toujours quelque chose que l’on ne parvient pas vraiment à attraper et qui devient autre chose

Benzine : Pourquoi avoir arrêté la scène ?

Karen Peris : Tout d’abord, je ne souhaitais pas trop m’éloigner de mes enfants mais ce n’est pas la seule raison. Les concerts étaient très compliqués pour moi surtout au début de The Innocence Mission où je poussais beaucoup plus sur ma voix sur les trois premiers disques. Je me retrouvais souvent avec mon chant qui avait atteint ses limites au bout d’une quarantaine de minutes, ce qui est bien trop court, je le sais bien, pour un concert. Comme mon travail sur ma voix a changé au sein de The Innocence Mission, cela va beaucoup mieux même si je sais que j’ai une voix assez fragile. On fait quelques concerts par ici de temps en temps mais cela reste très rare. On a dû faire une date à Londres au début des années 90. Rien n’est encore fixé  mais on aimerait faire quelques dates pour See You Tomorrow et venir jouer en Europe et en France.

Benzine : Après Sun On The Square en 2018, vous revenez cette année avec votre onzième album studio, See You Tomorrow encore une fois  signé sur le label Bella Union, le label de Simon Raymonde, ex-Cocteau Twins. Simon Raymonde dit de Birds Of My Neighborhood qu’il est dans son top 3 de ses albums préférés. Karen, vous avez d’ailleurs participé à Lost Horizons, le dernier projet de Simon Raymonde. Comment s’est faite cette connexion avec Simon Raymonde et Bella Union et qu’avez-vous en commun musicalement avec Simon Raymonde et par extension avec les Cocteau Twins ?

Don Peris : On s’est rencontrés avec Simon via Internet par mail ou Myspace, je ne sais plus trop. A la sortie de Birds Of My Neighborhood (1999), il nous a envoyé un mail très gentil. A l’époque, il animait une émission de radio, il avait passé deux ou trois morceaux du disque dans son émission. Dans son mail, il nous disait combien il aimait ce qu’il avait entendu de nous et qu’il voulait découvrir le reste de notre discographie. On a saisi l’occasion pour lui dire combien Cocteau Twins avait compté dans notre manière de voir la musique. Simon est un sacré personnage tant en tant que musicien, que personne mais aussi en tant que défricheur de nouveaux talents. Il l’a plus que largement prouvé avec Bella Union. On est restés en contact depuis. Il souhaitait vraiment nous soutenir depuis très longtemps et quand il l’a pu le faire avec Sun On The Square, on était ravis. Tout s’est finalisé quand il travaillait avec son ami Richie sur le projet Lost Horizons. Il a demandé à Karen de participer à un morceau, Karen a écrit des parties vocales et un texte et c’est comme cela que la collaboration a commencé, c’est devenu une chanson tout d’abord puis ces deux disques que nous avons sorti chez Bella Union.

Benzine : Que vous a apporté Bella Union que ne vous aurait apporté un autre label ?

Don Peris :  C’est palpitant d’être sur un label comme Bella Union même si le dire peut paraître ridicule. Pour moi, Bella Union est devenu l’équivalent d’un label dont je chérissais les sorties dans les années 80, un label comme 4AD ou dans un autre registre , ECM. C’est aussi très appréciable de se dire que le disque est accessible à un public plus large de par la visibilité et la notoriété du label dans des pays qui ne connaissent pour l’instant absolument pas notre musique. Dans le passé, on est trop resté concentré sur le public américain, ce qui a été une erreur car je crois qu’il y a une sensibilité européenne dans notre musique.

Benzine : Travailler pour un label comme Bella Union a dû vous apporter plus de confort financier pour vos enregistrements. Cela a-t-il influencé votre manière d’aborder la composition en enrichissant votre instrumentarium par exemple ?

Don Peris : C’est peut-être un peu le cas pour Sun On The Square où nous avons intégré dans nos arrangements des instruments que nous avions peu employé jusqu’à présent, l’accordéon par exemple. Après pour le reste, rien n’a vraiment changé. On a la chance d’avoir un label très peu intrusif qui nous laisse toute latitude et une totale liberté dans nos compositions. On continue à travailler à notre propre rythme dans ce petit studio qu’on a construit chez nous avec les moyens du bord. Aucune pression de qui que ce soit, ce qui est rare et mérite d’être mentionné. A force d’enregistrer nos disques à domicile, on a acquis une bonne expérience et on est totalement autonomes dans le processus d’enregistrement finalement. Parfois la technologie a du bon quand elle permet à chacun de pouvoir créer dans de bonnes conditions chez soi.

Benzine : Que vouliez-vous raconter ou dire avec ce nouveau disque ?

Karen Peris ; Je ne sais pas s’il y a seulement un seul message mais si je devais tirer une thématique commune à toutes ces chansons sur See You Tomorrow, c’est ce rapport à la communication et surtout la difficulté à communiquer. Prenez The Brothers Williams Said qui ouvre le disque, cela parle de quelqu’un de cabossé par la vie qui cherche la paix alors que le titre See You Tomorrow pourrait renvoyer à l’enfance et ces petites discussions naïves dans les cours de récréation… Ce qui importe dans ces chansons c’est le lien entre les gens.

Don Peris : De disque en disque, Karen creuse dans les mêmes obsessions finalement.

Benzine : Au début de The Innocence Mission, on sentait une présence plus importante de la guitare électrique avec des sonorités presque dream Pop. Puis on pourrait presque parler d’une seconde période plus folk où avec Don, vous travaillez des compositions à partir de la guitare. J’ai presque envie d’évoquer une troisième période dans votre discographie avec la présence plus forte du piano, peut-être amorcé avec votre disque solo, Karen, le trés beau Violet. Pourtant qui écouterait un disque de The Innocence Mission d’une oreille distraite pourrait ne pas deviner cette lente évolution. Qu’en pensez-vous ?

Les deux : C’est vrai

Don Peris : C’est vrai mais je crois bien que c’est toujours un processus en marche. J’adore la guitare électrique et le son Dream Pop que l’on peut obtenir de cet instrument. J’adore l’utiliser de cette manière mais j’adore aussi jouer avec les pédales d’effet mais ce qui importe dans notre démarche comme dans celles d’autres musiciens, c’est d’essayer de comprendre ce qui est essentiel dans le son que nous produisons, ce qui est futile ou ce qui va nous émouvoir. C’est souvent un jeu délicat, un calcul du hasard, ce que l’on enlève, ce que l’on rajoute. En vieillissant, on se rend compte que peu vaut mieux que trop. Une leçon que nous avons sans doute retenue de Mark Hollis. Je crois bien qu’avec The Innocence Mission, nous ne cherchons jamais à révolutionner nos formules, dans notre musique, moins nous rajoutons d’ingrédients, plus le résultat final me semble pertinent. Cela n’empêche que parfois quand nous sommes en studio, on est tentés de rajouter de nouveaux instruments, d’étoffer les arrangements. On ajoute donc des choses, parfois on les conserve au résultat final mais la plupart du temps, on reste dans des structures assez proches du morceau de base. C’est vrai que le piano de Karen est de plus en plus présent dans nos disques et en particulier sur le dernier. Cela a apporté des couleurs nouvelles à notre musique, plus des nuances de couleurs je dirai.

Karen Peris : C’est vrai que le piano est beaucoup plus présent sur cet album et forcément cela impacte sur l’espace que cela accorde à Mike et Don. Je crois que les chansons sont plus amples, on a aussi ajouté de l’accordéon et de l’harmonica qui donnent  une intensité supplémentaire à l’ensemble. Avec Don et Mike, on les a joué dans ce grand gymnase où on s’est rencontrés avec Don, il y a bien longtemps et on s’est rendu compte de l’ampleur du son de ces chansons. Ce qui est assez nouveau pour nous, on avait déjà entamé un peu la chose sur Sun On The Square. Comme dit Don, on est dans un processus permanent qui pourrait se résumer à jouer sur l’espace pour trouver à la fois de l’ampleur dans nos arrangements mais aussi de la paix.

Benzine : Si je vous dis que ce disque sonne un peu comme la synthèse de deux périodes qu’il y aurait chez The Innocence Mission, l’une plus Pop et l’autre plus folk qu’en pensez-vous ?

Don Peris : C’est vrai. Après, je ne sais pas si tout cela était vraiment intentionnel. Souvent, on discute jusqu’où on veut amener une chanson et par quel moyen mais c’est toujours la chanson elle-même qui nous impose son propre chemin et peu importe si la chanson arrive structurée au moment de l’enregistrement ou si nous n’en avons que quelques esquisses. L’addition des textes avec la musique nous impose presqu’une voie à suivre. Rien n’est vraiment planifié. C’est une réaction face à la chanson elle-même.

Karen Peris : C’est juste, il y a beaucoup de mystère car on se laisse porter par quelque chose que j’appellerai l’instinct et sur lequel on a finalement peu de prise. J’ai toujours une idée très claire de ce que je souhaite pour une chanson avant de commencer à l’enregistrement mais elle passe ensuite au filtre de l’instinct du groupe. Cela peut paraître ridicule mais on est souvent porté par la force du hasard.

Benzine : Un artiste cherche toujours à créer un langage qui lui soit propre. Quand pensez-vous être parvenu à constituer une voix qui n’est que la vôtre Ou y a t-il une forme d’insatisfaction permanente dans votre rapport à la création ?

Karen Peris : Je crois qu’il y a une recherche constante pour obtenir un son qui nous touche déjà nous-mêmes et de s’approcher au plus prés de ces fantômes de chansons que nous avons dans la tête. Je suis peut-être  encore plus dans cet état d’insatisfaction permanente face à mon travail d’écriture des textes mais cela ne me paralyse pas, au contraire cet état-là me force  à revenir sans cesse sur chacun des mots et à élaguer pour ne garder que ce qui sert vraiment la chanson. Je suis admirative des romanciers car je ne pourrai jamais écrire comme eux de longs formats, je crois que mon écriture est pertinente quand elle reste dans le temps d’une chanson car cela me force à dire peu.

Benzine : Depuis toujours, dans la musique de The Innocence Mission, rien n’est vraiment expliqué comme ces personnages qui parcourent vos disques. See You Tomorrow ne déroge pas à cette règle avec  Mary Margaret, John ou William autant de personnages comme autant d’expressions d’émotions. D’où proviennent ces obsessions et quel sens en tirez-vous ?

Karen Peris : Dans mes chansons, j’essaie de construire des dialogues imaginaires avec des êtres humains qui s’inspirent de mes proches mais qui ne sont pas vraiment eux. Ils reviennent parfois d’un disque à l’autre et deviennent comme des points de repère possible pour moi comme pour l’auditeur. Certains personnages reviennent en fonction du rythme de la mélodie, une fois encore la chanson nous impose sa voie. Je parle souvent dans mes chansons d’un personnage qui s’appelle Tom car aussi étrange que cela puisse paraître, j’essaie de poursuivre un dialogue avec un personnage que je n’ai pas créé moi-même. Connaissez-vous The Only Living Boy in New York, cette chanson de Paul Simon et Art Garfunkel sur Bridge Over Troubled Water (1970) ? J’aime tellement cette chanson que cela m’a donné envie de redonner vie à ce personnage et de lui faire vivre d’autres situations. Je crois que je pourrai chanter sur Tom dans toutes mes chansons aussi car j’adore le son de ce mot. C’est pareil pour William. Derrière ce nom se cache souvent la figure de mon fils et mon fils ne s’appelle pas William. Parfois je délaisse aussi le sens des mots pour être dans le seul plaisir du son du mot. Le langage est aussi un plaisir du son. La musique vient toujours en premier ou presque toujours puis les mots en découlent tout d’abord pour leur musicalité propre enfin j’agence les choses pour que cela prenne du sens dans la structure mélodique. Quand j’écris une chanson, le son et le sens vont de pair. J’essaie de tendre vers une harmonie entre le sens et le son des mots pour que cela vienne se poser au mieux sur la mélodie.

Certains noms se marient mieux à la musique de The Innocence Mission, Tom, William et quelques autres. Cela crée aussi ce lien dont je parlais toute à l’heure, l’impression pour l’auditeur de rentrer dans un espace familier et une communauté qu’il connaît déjà de disque en disque.

Benzine : Si je vous dis Jan Van Eyck, Karen cela vous évoque quoi ?

Karen Peris : Je ne sais plus vraiment quand ni comment j’ai découvert les œuvres de Jan Van Eyck, sans doute durant mon adolescence. Sa manière de peindre avait une telle force, cette manière de s’attarder sur les arrières-scènes et de peindre la vie du quotidien dans le détail. Je me rappelle en particulier de ce diptyque de la crucifixion  et du Jugement dernier où par-delà la dimension mystique du tableau, il nous raconte à travers de tous petits détails le quotidien des gens sans rien enlever à la force du tableau. Il s’adresse à la personne qui s’attardera pour mieux découvrir la vie de ces gens. Je me suis beaucoup intéressé à son œuvre, son usage de la mise en abyme si poétique en particulier avec les époux Arnolfini. Il y a quelques années, lors d’une visite dans un musée avec mes enfants, j’ai découvert cet autre tableau de lui, Saint Francis recevant les stigmates, la chanson St Francis and the Future que vous retrouvez sur See You Tomorrow s’inspire directement de ce souvenir à la découverte de ce tableau car lors de notre visite, un guide nous a fait découvrir une foultitude de détails avec une grande loupe qu’il avait avec lui comme à l’arrière-plan, cette petite ville que l’on devine sans vraiment s’y intéresser, trop occupés que nous sommes par le premier plan. A regarder de plus près, on finit par y percevoir des oiseaux, des animaux mais aussi la vie d’une petite ville. Ce tableau ne raconte pas seulement cette image mystique mais évoque aussi tout un monde disparu.

Comme souvent une pensée en appelle une autre, ce jour dans le musée, je me suis mise à imaginer mes enfants après que nous soyons disparus, à les imaginer regarder des photos de notre famille et à s’attarder sur les détails des arrière-plans qui font finalement la réalité de nos vies.Ce moment dans ce musée était un instant étrange, moi en train de découvrir la vie imaginaire d’un village du passé en pensant au futur de mes enfants. Cette manière de Van Eyck  de se concentrer sur les détails me parle beaucoup car je crois que plus on parle des petits moments, plus ils deviennent signifiants pour les autres car ils peuvent s’y retrouver

Benzine : Que voudriez-vous que l’on retienne de votre travail avec The Innocence Mission ?

Karen Peris : J’aimerai que nos chansons soient perçues par l’auditeur comme de possibles amis, des compagnons de route vers qui on peut se retourner  dans chaque moment de la vie, les douloureux comme les heureux.

Propos recueillis par Greg Bod – janvier 2020

The Innocence Mission – See You Tomorrow – 17 janvier 2019