« Cinémiracles » : croyez-vous aux miracles… au cinéma ?

Que fait le Cinéma de la question du miracle ? En quoi notre foi en l’impossible, en le merveilleux nourrit-elle, non seulement des films religieux, mais des films beaucoup plus profanes ? Et pourquoi sommes-nous tant éblouis par le Cinéma ? Voilà quelques questions qu’adresse le remarquable Cinémiracles, chez Playlist Society.

Timothée Gérardin
Photo : Alexis Fogel

Quel point commun y a-t-il entre Signs de Shyamalan, La Passion de Jeanne d’Arc de Dreyer et Rashômon de Kurosawa ? Vous donnez votre langue au chat ? Eh bien ces films sont tous les 3 commentés dans l’ouvrage de Timothée Gérardin, Cinémiracles, l’émerveillement religieux à l’écran, qui a l’ambition de réfléchir, comme son sous-titre l’indique, sur la représentation des miracles à l’écran (principalement dans les films, mais aussi dans quelques séries TV), et sur ce que cette représentation signifie.

Cinémiracles… Un sujet qui s’avère vite passionnant, que l’on soit ou non croyant, dans la mesure où si Gérardin parle – logiquement – beaucoup des miracles religieux (qui ont toujours été du… « pain béni » pour les grands cinéastes hollywoodiens cherchant à rentabiliser les gros moyens de leurs super-productions en en mettant plein les yeux à leur public), il étend sa réflexion rapidement à des domaines plus profanes : car, après tout, qui oserait sérieusement dire que l’observation du « rayon vert » par l’héroïne du film éponyme de Rohmer n’est pas aussi bouleversante que l’ouverture de la Mer Rouge devant Moïse-Charlton Heston ?

Plus que les fervents croyants en manque de pèlerinage à Lourdes à cause de la pandémie actuelle, Cinémiracles ravira les disciples qui se massent encore en nombre – et masqués ! – dans les salles de cinéma (multiplexes, salles art & essai et cinémas de quartier) et qui se passionnent autant pour Jim Carey (car il y a évidemment des choses à dire sur son Bruce Tout-Puissant), John Carpenter (le Prince des Ténèbres, évidemment !) et Bergman (la Source…). Car, ne cherchant jamais à hiérarchiser en aucune manière les films illustrant ses propos, Gérardin fait véritablement œuvre de critique : confrontant la question spirituelle de la croyance (qui fonde la religion, mais, on le sait, est tout aussi essentielle au pacte d’adhésion du spectateur avec le réalisateur du film qu’il regarde !) à celle de la forme et du langage cinématographique, il nous offre une relecture différente de films – ou de simples passages de films – que nous avons aimé.

Cette relecture est parfois logique, évidente presque, en particulier quand il s’agit de films au thème religieux « au premier degré » (du Roi des Rois de Cecil B. DeMille au génial Thérèse de Cavalier, en passant par la Voie Lactée de Buñuel, même si le terme de « premier degré » le qualifie difficilement !), mais elle est souvent surprenante et donc stimulante : analyser des films de Lubitsch à partir de cette grille de lecture du miracle, ou bien les Autres, le film fantastique d’Amenabar est finalement bien plus amusant !

Mais c’est lorsque Gérardin nous rappelle que le cinéma – après la photographie – fut longtemps (est toujours ?) considéré comme une hérésie parles fanatiques religieux de tous bords, jaloux de la représentation du visage de Dieu, sans même parler de la concurrence directe à l’émerveillement spirituel que représente notre fascination inépuisable pour les images.

Bref, Cinémiracles est sans aucun doute l’un des meilleurs ouvrages de la très belle collection de chez Playlist Society, même si quelques-uns d’entre nous seront forcément déçus de n’y trouver nulle part la figure de Darth Vader qui aurait fait pourtant un excellent sujet. Dans un prochain livre de Timothée Gérardin, peut-être ?

Eric Debarnot

Cinémiracles, l’émerveillement religieux à l’écran
Essai français de Timothée Gérardin
Playlist Society
168 pages – 14 Euros
Parution : 25 août 2020