[Ciné Classique] Le Bon, la Brute et le Truand : Le monde se divise en 3 catégories

Aujourd’hui, on pénètre en territoire sacré. Un territoire brûlant et poussiéreux où pataugent trois salopards de la pire espèce. En 1966, Sergio Leone clôt sa trilogie des dollars avec ce qui deviendra instantanément un monument absolu du Western Spaghetti et du Western « tout court » quelques années plus tard. Un ballet ultra-chorégraphié où les danseuses portent barbes et flingues au côté, un drame Antique plein de bruit et de fureur où la destinée des archétypes reste immuable.  Un chef d’oeuvre indépassable, indémodable qui ne laisse aucunes chances aux critiques cinématographiques de se diviser en deux putain de catégories.

le bon la brute et le truand
Un trésor. De l’or !

3 gaillards poussiéreux comme le napperon sur la télé de ta grand-mère.
3 chasseurs de primes fauchés comme les blés qui comptent bien se refaire une santé avec le magot d’un certain Bill Carson.
3 salopards qui se coursent comme des mômes, jouant au loup, à chat perché et à la chasse au trésor, échangeant leurs pistolets à bouchons contre des Smith & Wesson crachant le feu des enfers.
3 motherfuckers lâchés dans une Amérique divisée en 2 catégories.
Yankees contre confédérés, Est contre Ouest, pauvres contre riches, désert contre civilisation. Les catégories ne se complètent jamais dans cette Amérique sauvage, elles s’opposent: Toujours !

Il y a les salauds, les vrais, du genre Sentenza.
Dur comme l’acier. Une brutalité animale. Un aigle ! Un oeil perçant, un bec crochu et menaçant, des griffes entre lesquelles il ne vaut mieux pas tomber.
Il n’y a aucune pitié dans ces petits yeux secs. Il n’y a qu’un but au fond de ce regard aquilin: Le pognon !
Rien ne fera reculer cette volonté de fer, cet appât du gain. Il n’y a rien derrière ce sourire en coin, ce rictus sardonique.
Le coeur de pierre d’une âme morte pour un homme de marbre.

Il y a aussi les salauds, les débrouillards, qui sont nés du mauvais côté de la chance. Du genre Tuco Benedicto Pacifico Juan Maria Ramirez.
Truand hyperactif aux mille et une inculpations. Un sale gosse qui pique dans le portefeuille du voisin, qui lève les jupes des filles et qui étrenne son flingue sur tout ce qui bouge.
Un garnement mal rasé et sale comme un peigne qui depuis sa plus tendre enfance ne poursuit finalement qu’un seul rêve. Le rêve bourgeois de l’émancipation par le fric de sa pauvre vie de taulard professionnel: Le pognon ! Le but ultime du pauvre Tuco. Ce but qui lui donne ce peu de jugeote lui autorisant encore de rester libre, et cet espoir de devenir riche lui permettant de passer entre les balles.

Puis il y a les salauds. Ces salauds sympas qui te la mettent avec le sourire, qui te piquent du blé mais réclament quand même la monnaie.
Une fuck attitude planquée sous un grand chapeau et une moitié de cigare plantée dans le bec. Du genre Blondin.
Loup solitaire traînant sa dégaine filiforme et son oeil blasé, à la recherche d’un imbécile à plumer. Une sorte de fantôme à santiags, prêtant ses talents d’as de la gâchette au plus offrant.
Traversant cette Amérique où la loi du plus fort qui est en place le satisfait pleinement.
Recherchant d’état en état un moyen de se poser, de virer le cul de sa selle et de poser son flingue qui lui brûle les mains.
Des moyens faciles pour pouvoir se retirer des voitures, il y en a pas mille : Le pognon !

3 personnages de légende. 3 êtres mythiques. 3 anars en pleine guerre.
Une Amérique en construction en pleine destruction.
Des millions d’habitants en guerre, en exil, et pourtant on ne voit qu’eux.

On suit la jolie parabole de ce livre religieux à la morale douteuse.
Où chaque personnage serait un exemple à ne pas suivre.
Où faire le bien serait juste frapper moins fort ou voler un petit peu moins d’oseille que ceux qui font le mal, faire saigner du nez plutôt que de péter des dents.
Un paradis oublié de Dieu, où 3 hommes passent comme des spectres, se pourchassant dans des espaces infinis et que personne ne semble pouvoir arrêter.
C’est le doigt du destin qui a touché les fronts sales et transpirants de ces 3 hommes, les marquant à jamais, les prédestinant à une course éternelle et stérile malgré l’or retrouvé.
Tel des Sisyphe crades, barbus et empestant le tabac froid poussant leur rocher en or qui leur file entre les doigts et leur écrase les panards.

Ce sont 3 hommes. 3 salauds. 3 histoires, 3 catégories…
et pourtant, au final, il n’y a qu’une seule et même personne, une seule histoire.
Une seule et unique catégorie :

LE WESTERN.

Renaud ZBN

Le Bon, la Brute et le Truand est sorti au cinéma en 1966.