5 + 5 = Les disques préférés de Barbara Carlotti

C’est un 5+5 assez roboratif que nous présente là Barbara Carlotti avec une sélection d’albums évoqués tous avec passion. On y croisera des chanteurs corses, bien sûr, mais aussi Andrea Laszlo de Simone, Christophe, Gorillaz, Daho, The Zombies, Bashung  Nina Simone…

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© Daguin Giamarchi

Chanteuse, musicienne qui travaille aussi pour le spectacle vivant que pour la radio ou le cinéma, collaboratrice pour divers auteur(e)s, Barbara Carlotti est ce que l’on peut appeler une artiste complète. Pour son cinquième album, elle a décidé de rendre hommage à son ile de beauté, la Corse, à travers un album de reprises de chansons du patrimoine local. Si, sur le papier, le projet peut faire un peu peur, une fois le disque démarré, on oublié très vite le côté « vieillot » pour redécouvrir la pop fraiche, sensible et délicate de l’auteure du magnifique Magnétique (2018) mise au service de chansons qui, à l’image de La Ballade Chez Tao de Jacques Higelin, (reprise ici avec sa fille Izia), prennent des couleurs et des tonalités nouvelles, bien loin des versions d’origine.

Barbara Carlotti
est aussi une passionnée de musiques en tout genre, avec des gouts très éclectiques. Laissons lui donc la parole car elle a beaucoup de choses à dire sur ses disques favoris hier et d’aujourd’hui…

Barbara Carlotti – Corse île d’amour

Barbara Carlotti : J’écoute plein d’albums, tout le temps, beaucoup et trop pour n’en choisir que 5 + 5, et je n’ai jamais vraiment réussi à faire des hiérarchies parce que je n’aime pas toujours des albums pour les mêmes raisons… et puis ce n’est pas simple de faire des choix… Je signale qu’on fait des choses formidables en France… et par les temps qui courent, il faut signaler tous ces albums magnifiques qui sont sortis ces derniers temps auxquels j’ai participé modestement en invité et qui sont de très grande qualité musical : Fred Pallem & le Sacre du Tympan racontent les Fables de La Fontaine (Train Fantôme/ L’Autre Distribution) / Arandel – InBach  (InFiné) Les Fleurs Du Mal by Francois Atlas / Philippe KaterineConfessions…

5 Disques du moment :

Pleins de disques corses de Régina et Bruno, Charles Rocchi et Tony Toga, Tino Rossi, Nicoli et son orchestre, Cantu di Cirnu et ma dernière trouvaille, Pascal et Dominique : 2 frères jumeaux qui chantent tout ensemble en harmonie deux voix, c’est très suave et doux, et ça me fait penser à Henri Salvador, j’adore cette variété corse des années 60 chantée soit en corse soit en français. La douceur de cette musique, la beauté de voix, les belles mélodies sucrées, la langueur de arrangements, me réchauffe le coeur, c’est du soleil en vinyle, ça me fait un peu oublier cette triste période que nous traversons.

Andrea Laszlo de Simone – Immensità et Uomo Donna

Mon coup de foudre pop de ces dernières années ! J’adore son premier album Uomo Donna qui est une réussite totale et que je l’écoute très souvent avec le titre « Sogno l’amore » et ses sons de procession… le fait qu’il réalise ses clips, qu’il jouent de tout… et puis sa dégaine de chanteur 70’s avec ses petites moustaches… tout me plait chez lui mais surtout sa musique qui est un concentré de variété italienne et de pop symphonique. Ii  a la folie du multi-instrumentistes aux ambitions cosmiques, il veut atteindre l’immensité du son, j’aime la tendresse de ses mélodies, la ferveur amoureuse de son chant, une légère tendance à la lamentation, c’est beau, c’est plein, c’est hyper bien produit. C’est tout ce que j’aime.

Christophe – Ultime

Parce que je ne me console pas de la mort de Christophe, et que je prépare un spectacle en hommage, alors j’écoute tous ses disques. Ce n’est pas la meilleure compile mais on l’entend comme il était en concert ces dernières années comme quand je l’avais vu au théâtre de la Porte Saint Martin en février dernier. Il y a une variété de chansons qui lui ressemblent… d’anciennes chansons, des chansons récentes comme la superbe version de « comme si la terre penchait ». C’est très varié dans les formules et les instrumentations mais je trouve toujours que son timbre de voix, ses mots et le sens de l’apesanteur chez lui nous emporte dans la profondeur et la clarté.

Gorillaz – Strange Timez

Je ne suis pas une fan des débuts de Gorillaz même si j’adore le son et l’efficacité de « Clint Eastwood », mais cet album avec en ouverture le morceau éponyme et la voix de Robert Smith me fait beaucoup d’effet, il y a un grâce décadente dans cet album. Et, je retrouve le côté bien British que j’aimais adolescente sur le signe festif morceau « Momentary Bliss », entre une intro à la Mac de Marco, et le flow anglais et le SKA festif qui augmente tout le long du morceau : on est entre les Béruriers noirs et Madness et ça donne envie de sauter partout en buvant de bière dans un PUB anglais et en même temps la morale de la chanson est géniale ! Oui, on pourrait faire tellement mieux de nous en ce moment.

Deep Throat (Anthology, Parts I & II)

C’est donc la musique de ce film porno culte et controversé avec Linda Lovelace avec d’excellents morceaux comme le psyché pop 60’s « Bubbles et le morceau « Deep Throat » très ballade soul folk digne de John Barry. C’est une bande-son sensuelle et bigarrée faite de morceaux de genre, dans la plus belle veine 60’s pop / rock / easy listening – c’est un peu suintant mais ça me plait beaucoup.

5 disques pour toujours :

Etienne Daho – Pop Satori

J’avais 10 ans quand Etienne Daho est devenu un phénomène avec Tombé pour la France, le single qui précédait son album Pop Satori et je suis tombée folle amoureuse d’Etienne avec cet album. J’avais des posters de lui dans ma chambre, c’était mon idéal masculin et de chanson pop, et il ne m’a jamais déçu. Je pense même qu’il est à l’origine de pas mal de mes goûts musicaux par les reprise qu’il a faites au fur et à mesure de sa carrière. Pop Satori, c’est à la fois ma madeleine et mes premiers émois musicaux, je ne suis pas sûre qu’à 10 ans, je comprenais toutes les paroles mais c’est un album de chevet pour moi, je l’écoute depuis l’enfance… la facture 80’s pop entre yéyé et new wave avec ses sons un peu anguleux, ses synthés, ses boites à rythme, ses cuivres plastiques, et qui laisse la place à la belle voix blanche d’Étienne… j’adore autant l’instrumental en ouverture que la reprise de la reprise de Syd Barret « Late night » et cet album est truffé de tubes ! À 10 ans ma préférée de l’album c’était 4000 années d’horreur, le texte est savoureux et très drôle, plein de jeux mots et il y a un rire comme dans Thriller, « Tomber pour la France » reste le grand chef d’oeuvre de cet album mais il y a une belle mélancolie lumineuse dans « Paris le Flore où tu me dis je t’adore… » et comme c’est le cas je crois qu’aujourd’hui ma préférée c’est celle là.

The Zombies – Odessey and Oracle
(avec la fautes d’orthographes dans le titre à cause du graphiste qui a dessiné la pochette ;-)

C’est mon album de naïve pop préféré des années 60 : la voix de Colin Blunstone est pour moi la plus belle voix du monde, les compositions, mélodies et arrangements sont impeccables, pour moi cet album est la perfection pop. De plus, c’est un album que j’ai découvert grâce à mon ami Jean-Pierre Petit avec qui j’ai débuté ma carrière et avec qui je continue d’écrire des chansons depuis 18 ans, c’est un immense cadeaux qu’il m’a fait quand on s’est rencontrés. J’y suis donc attaché affectivement. Au tout début de ma carrière, je voulais adapter toutes les chansons en Français. La variété des chansons sur ce disque avec chacune une identité et des arrangements sublimes, avec pour couronner le tout le magistral Time of the Season mais j’avoue qu’il presque détrôné dans mon coeur par Hung up on a Dream qui reste assez originale au sein de l’album.

Alain Bashung – Fantaisie Militaire 

Je me rappelle qu’avec mon cousin Guillaume, avec qui j’écoutait beaucoup de musique plus jeune, on l’avait écouté ensemble quand il est sorti et ça a été un vrai choc, et je n’en suis toujours pas revenue. Cet album n’a pas pris une ride, les textes alambiqués et qui sonnent autant qu’il font sens, leur poésie puissante, le côté « grands espaces » des arrangements, il y a une chaleur et une ferveur fantastique sur toutes les chansons, une matière sonore aussi puissante que la poésie des textes et la voix de Bashung mute sur chaque chanson, l’interprétation est ultra sensible… c’est un album parfait.

 Nina Simone – It Is Finished

J’ai toujours adoré Nina Simone, que mes parents écoutaient… la voix, sa transe, sa présence sur scène, sa manière de reprendre toute la pop de son époque, de chanter autant des traditionnels, des blues, de la pop, en faisant du Nina Simone, sa force extraordinaire pour faire sienne la musique, son engagement dans la lutte contre la ségrégation, la nonchalance de son chant et la vivacité de son jeu de piano… j’adore cet album qui est un album live avec en ouverture la magnifique reprise de The Puscher de Steppenwolf issue du film Easy Rider suivi par le gospel Come here good lord  jusqu’à mes deux chansons préférés de l’album Mr Bojangles où elle arrête la chanson – applaudissement – et la reprend comme si de rien n’était. Elle a quelque chose d’incroyablement enfantin dans la voix quand elle reprend. Puis suit I want a sugar in my bowls qui est une chanson de Bessie Smith – sa version est tellement vraie, l’interprétation est folle et puis elle s’amuse, elle parle au public et avec ses musiciens et la chanson prend une forme hyper libre.

The Knife – Deeps Cuts

Un album d’Electro Pop parfait, assez indépassable dans le genre pour moi, avant-gardiste et hyper accrocheur. Quand il est sorti en 2003, j’ai bloqué dessus, je crois que je l’ai écouté en boucle pendant des semaines, je ne m’en lasserais jamais je pense. Il contient de vrais joyaux pop comme Heartbeats, Pass This on ou Take my Breath away comme un hymne. L’économie dans la prod est vraiment géniale… peu d’éléments, inventif et super efficace. Aucune chanson ne se ressemble et le traitement est à chaque fois différent, j’aime beaucoup le côté étrange, weirdo, le léger malaise de certains titres comme The cop ou Hanging Out. Il y a des titres limites industriels,  d’autres plus dark avec des synthé très 80’s et hyper dansant comme the bridge et le très house Listen now dont j’adore le texte. On sent plein d’influences ça fourmille, j’adore – et leur esthétique de clips, de concerts est comme leur musique, un peu dérangeant, féministe et engagé, punk 2.0…

Barbara Carlotti – Corse île d’amour
Elektra France – 9 octobre 2020