Dans mon village, on mangeait des chats : Une affaire qui sent le pâté !

Ce thriller captivant servi par un texte très noir relate le parcours extraordinaire de Jacques, un gamin rebelle nourri par la violence et le mensonge. Un peu caricatural mais plutôt bien mené dans l’ensemble.

Dans mon village, on mangeait des chats - Pelaez & Porcel
© Bamboo/Grand Angle

On ne nait pas tous avec les mêmes cartes en mains. Jacques n’avait pas les bonnes, mais refusait que la partie soit jouée d’avance. Jacques n’aimait pas les tricheurs ni les menteurs, qui ne l’aimaient pas non plus, car Jacques voyait dans leur jeu. Jacques n’aimait pas son père qui le cognait, une vraie ordure. Jacques n’aimait pas le boucher de son village qui vendait du pâté de chat, un pur salaud. Mais un jour c’est sûr, Jacques prendrait sa revanche et tirerait le joker… un joker au sourire sanglant puant la mort…

Dans mon village, on mangeait des chats - Pelaez & PorcelLa première chose qui attire dans cette bande dessinée, c’est le titre très intrigant. Et une couverture qui ne l’est pas moins, avec ce côté Massacre à la tronçonneuse, où l’on voit l’ombre d’un boucher dans une posture menaçante, un hachoir dans les mains, sans que l’on sache exactement s’il vise le jeune garçon qui nous fait face, l’air désapprobateur…

Ce titre si bien trouvé, constitue également la première phrase de ce récit en flashback, qui a pour mérite de captiver immédiatement le lecteur. Tout commence à la façon d’un drame social s’appuyant sur un personnage peu amène : le boucher d’un village très français, également maire de sa commune, un type ventru, véreux et fort en gueule, qui tue des chats en secret pour en faire des pâtés maison vendus dans de jolies boîtes au prix du foie gras… A l’opposé il y a Jacques, un jeune garçon un peu maussade, victime des mauvais traitements infligés par son père et délaissé par sa mère, qui profite des absences de son routier de mari pour recevoir des hommes, « parfois même des gens très importants », et visiblement ce n’est pas pour leur proposer de prendre le thé… Plus glauque tu meurs.

Le narrateur, qui n’est autre que le jeune Jacques, prend le lecteur à témoin. Il a la parole froide et cynique. Le texte de Pelaez est ciselé et nous percute à la manière d’un coup de poing dans le ventre. Les personnages, eux, sont très bien campés. Dès le début, on est prévenu, Jacques a « zigouillé » le boucher. Et même si l’on n’a pas envie de s’apitoyer sur le sort de ce personnage détestable, aucun des protagonistes ne suscite véritablement l’empathie. Quand bien même on comprend que Jacques s’est construit sur un contexte familial rude, son absence d’état d’âme empêche toute identification et dès lors toute affection de la part du lecteur.

Le dessin de Porcel, très bien exécuté, ne se distingue pas de la production courante. Le dessinateur a accentué l’âpreté du propos avec un trait plus gras et plus acéré que ce qu’il fait habituellement. Quelques scènes nocturnes témoignent d’une certaine maîtrise de la couleur.

Si ce one-shot honorable reste fluide et bien construit, on peut regretter le fait que dès la deuxième partie, après le meurtre du boucher par Jacques, le récit retombe dans quelque chose de beaucoup plus conventionnel que ce que le début pouvait laisser présager. De plus, l’évolution spectaculaire et quelque peu elliptique du personnage principal, imposée sans doute par le format court, paraît assez peu crédible — impossible d’en dire plus au risque de raconter l’histoire —, un bémol compensé par la qualité de l’écriture.

Laurent Proudhon

Dans mon village, on mangeait des chats
Scénario : Philippe Pelaez
Dessin : Francis Porcel
Editeur : Bamboo
Collection : Grand Angle
56 pages – 16,90 €
Parution : 10 juin 2020

Dans mon village, on mangeait des chats — Extrait :

Dans mon village, on mangeait des chats - Pelaez & Porcel
© Bamboo/Grand Angle