« 1984 » : la dystopie orwellienne est partout

En reprenant le classique de la science-fiction 1984 de Georges Orwell, Rémi Torregrossa et Jean-Christophe Derrien nous invitent à une plongée oppressante dans la vie du malheureux Winston Smith.

1984 — Jean-Christophe Derrien & Rémi Torregrossa
© Soleil

Georges Orwell n’a jamais été aussi présent. 1984 est partout. Il est la référence obligée de toute dissertation sur la dictature. Il est au programme des lycées, sur les étals de librairie ou dans la bouche des contestataires. Big Brother se porte à merveille.

1984 — Jean-Christophe Derrien & Rémi TorregrossaEn 1948, l’Europe est en ruines et les tickets de rationnement perdurent. Orwell, un socialiste courageux qui a physiquement combattu la dictature, se projette dans un futur proche. Il conçoit un régime qui reprendrait le « meilleur » des totalitarismes des années 1930 : un parti unique, un culte du chef, une population domestiquée, une économie de guerre et une police de la pensée. L’horreur. Son univers s’ordonne autour de trois dictatures, toutes similaires, qui feignent de se combattre, mais n’aspirent qu’à contrôler leur propre territoire. Il décrit une société à trois classes et un seul maître. La nomenklatura forme le parti intérieur, le parti extérieur regroupe la classe moyenne et un prolétariat abêti rassemble le peuple. Big Brother contrôle tout, imposant sa vérité en réécrivant l’Histoire au gré de sa fantaisie. Il appauvrit sciemment la langue pour interdire la pensée. Le Parti, qui soumet le pays à une terreur implacable et imprévisible, est lui-même, comme sous Staline, impitoyablement décimé. Winston Smith est un petit fonctionnaire lucide qui se sait en danger, car il prétend penser par lui-même. Il découvre l’amour, mais son bonheur sera de courte durée. La fin du roman est noire, très noire.

Rémi Torregrossa livre un travail soigné. Sans surprise, son monde est sale et gris. Il nous offre de belles perspectives et d’angoissants mouvements de foules domestiquées. Son trait réaliste pourrait être plaisant, si le sujet était plus léger. Les rares moments de bonheur sont traités en couleurs. Il parvient à mettre des images sur l’angoisse de son héros, qu’il fait nôtre. Smith se sait condamné. Si l’amour lui donne la force de se rebeller, sa révolte est désespérée. La mise en page pourrait être trop classique, si elle ne laissait place à des débordements bienvenus qui expriment la plénitude de sa joie ou de sa terreur.

Le scénario de Jean-Christophe Derrien est fidèle au texte original. La lecture de la bande dessinée demeure éprouvante. 1984 est très largement commenté, mais probablement rarement lu jusqu’au bout.

Stéphane de Boysson

1984
Adaptation de Georges Orwell par Jean-Christophe Derrien
Dessin : Rémi Torregrossa
Éditeur : Soleil
120 pages – 117,95 €
Parution : 6 janvier 2021

1984 – bande-annonce :