[OCS] CB Strike : les enquêtes impeccables de Robin et Cormoran

On ne croyait pas forcément J.K. Rowling capable de créer une série – en livres puis en téléfilms – aussi impeccable que CB Strike, mélange improbable de whodunit très british, de film noir et de comédie romantique : on tire notre chapeau !

CB Strike Cuckoos Calling
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Hercule Poirot, Mrs Marple, Holmes & Watson…

Ce n’est pas vraiment de notoriété commune en France, mais l’une des créations « Post-Harry Potter » de la célèbre – mais plus très populaire depuis plusieurs déclarations discutables – J.K. Rowling est une série de romans policiers tout-à-fait dans la ligne de l’œuvre d’Agatha Christie : J.K. aurait annoncé dix enquêtes de son détective Cormoran Strike – accompagné de sa partenaire Robin Ellacott -, et quatre ont déjà été publiées, sous le pseudonyme de Robert Galbraith. Et ce sont ces livres que Strike, la série TV de la BBC (C.B. Strike pour les Français) adapte sous un format original car variable.

CB Strike Cuckoos Calling AfficheEn effet, il est difficile de parler ici de « saisons » comme nous y sommes tellement habitués, au point que la définition de saisons donne lieu à des interprétations très différentes selon que l’on se réfère à l’IMDb ou à des sites web nationaux. Disons que chaque livre est adapté en un film, réparti sur un certain nombre d’épisodes d’environ une heure, et que leur diffusion se fait plus ou moins au fur et à mesure de leur production. En 2017, on a ainsi pu voir The Cuckoo’s Calling (l’Appel du Coucou) en 3 parties, et The Silkworm (le Ver à Soie) en 2. En 2018, les deux parties de Career of Evil (la Carrière du Mal). En 2020, la BBC a diffusé Lethal White (Blanc Mortel) sur 4 épisodes… Et on attend la suite, non sans impatience…

Holliday & Tom…

car si cette série TV n’atteindra certainement pas les sommets de la réussite commerciale – pas ou très peu d’action, aucun suspense ou presque, simplement des enquêtes plus ou moins minutieuses, à la manière Hercule Poirot ou Mrs Marple -, elle s’est avérée, depuis son premier épisode, absolument enchanteresse. Pourquoi ? Eh bien tout simplement parce qu’elle est construite sur deux personnages forts, et leur relation subtile, toute en non-dit et en ambiguïté (bon, on peut évidemment penser à ce niveau-là à Holmes et Watson, c’est indiscutable !), et que – c’est le bonus de la série TV par rapport aux livres – ces personnages sont interprétés par un couple charismatique qui crève littéralement l’écran. Lui, le détective privé, c’est Cormoran Strike, fils de « people » (rock star, top model) qui a plongé dans une quasi-clochardisation suite au trauma de la guerre d’Afghanistan où il a perdu une jambe : pour l’incarner, le quasi-inconnu hors de Grande-Bretagne Tom Burke (vu cette année en Orson Welles dans Mank, quand même !), qui s’impose en quelques scènes comme un nouvel archétype du « private eye » du roman noir. C’est bien simple, depuis l’apparition de Bogart en Sam Spade dans le Faucon Maltais, on n’avait pas été confronté à une telle évidence. Elle, l’assistante intérimaire qui va tomber amoureuse folle de son job (et peut-être un peu de son boss), et qui va accéder peu à peu à un rôle de partenaire professionnelle, c’est Robin Ellacott, jeune femme « normale » qui va voir un univers d’aventure s’ouvrir devant elle et lui faire oublier un avenir tout tracé en cador des RH dans un grand groupe : Holliday Grainger ferait fondre n’importe qui, avec sa fraîcheur, ses mimiques, et la manière étonnante dont elle « attrape la lumière ». Une star est née !

Les adeptes des livres de Rowling auront renâclé, logiquement, sur les libertés que prennent les scénaristes de la série, et on peut de toute manière trouver étonnant que des romans similaires puissent engendrer des films variant autant en durée, entre 2 et 4 heures : il est évident que des personnages secondaires ont été parfois sacrifiés, et que des raccourcis auront été pris dans des enquêtes par trop filandreuses.

Le coucou, le ver à soie, l’huitre bleue et le saumon…

On peut par exemple grincer des dents sur la manière pour le moins abrupte dont se résout la première enquête (l’Appel du Coucou) – il est difficile de comprendre comment Strike a pu identifier le coupable, qui nous semble apparaître un peu comme un cheveu sur la soupe ! -, mais il est impossible de ne pas avoir savouré les multiples rencontres qu’ont faites pour en arriver là Strike et Robin, aussi bien dans la très haute société anglaise, dans les milieux de la mode, que dans les quartiers les plus déshérités de Londres. On se souvient alors que Rowling a toujours eu un regard juste sur la question des rapports de classe dans son pays, et que cette « conscience sociale » peut nourrir plus facilement des polars contemporains que des histoires de sorciers « hors du temps ». Si l’Appel du Coucou est l’enquête la moins passionnante de la série, elle reste totalement addictive grâce à l’alchimie parfaite entre Burke et Grainger

 

CB Strike
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Avec son histoire de jalousies et de haine dans le « petit milieu » des écrivains et des maisons d’édition, le Ver à Soie nous propose une sorte de méta-fiction très amusante, où l’on peut très bien imaginer J.K. Rowling réglant ses comptes avec certains de ses « collègues », tout en poussant presque jusqu’à l’absurde – ou en tout cas jusqu’à la violence la plus extrême – les conséquences d’un tel règlement de compte : très original, le sujet de cette deuxième enquête en fait tout le sel.

C’est avec le troisième volet, la Carrière du Mal, que CB Strike capte totalement notre attention, et remporte enfin notre adhésion quasi-totale. D’abord, avouons-le sans fausse honte, parce qu’utiliser deux chansons du merveilleux Blue Öyster Cult (Career of Evil, bien sûr, mais aussi Mistress of the Salmon Salt…) comme point de départ gagne forcément notre cœur. Ensuite, parce que le sujet – plus dur – de la violence domestique et de l’inceste ajoute un poids certain à une série que l’on peut parfois juger « trop légère ». Et enfin, parce que, en mettant pour la première fois en danger et Cormoran Strike, et la romance non-dite entre Robin et lui (comme dans une comédie romantique, Robin va devoir choisir entre ses deux hommes !), la série nous implique enfin vraiment émotionnellement.

Oui, répétons-le, on attend donc désormais avec impatience la diffusion du quatrième chapitre des enquêtes de Strike.

Eric Debarnot

CB Strike (Strike)
Série anglaise produite par et d’après l’œuvre de J.K. Rowling
Avec : Tom Burke, Holliday Grainger, Kerr Logan
Genre : Policier, comédie romantique
3 chapitres (7 épisodes de 1 h) disponibles sur OCS