E*VAX : l’autre Ratatat… en mode électro contemplative

E.VAX, par Evan Mast, un album complexe et subtil, tout en retenue et en maîtrise qui créée des ambiances d’une richesse incroyable, dessine des paysages d’une beauté à couper le souffle. Un album suspendu dans le vide, qui nous envoie en orbite.

EVAX-photo

Une des deux moitiés du duo de Brooklyn Ratatat, Evan Mast sort E*VAX sous son pseudo E*VAX. En plus de Ratatat, Mast s’était surtout fait remarquer ces dernières années pour son travail avec Kid Cuti, Teyana Taylor ou Kayne West. Mais peu de compositions en solo. Quelques EPs, et 1 seul album, Parking Lot Music, datant déjà de… 2001. Donc de bonnes raisons d’être curieux de cette sortie. Surtout qu’E*VAX arrive quelques semaines après que son ex-compère de Ratatat, l’autre moitié du duo, Mike Stroud nous ait régalé avec Visuals le second album de Kunzite. Comparaison n’est pas raison, sauf peut-être une raison de plus d’écouter E*VAX. Et c’est une belle, très belle réussite. Un album qui s’écoute et se réécoute dans tous les sens, sans grand risque d’ennui ou de lassitude.

E.VAXLoin de l’emphase flamboyante de Kunzite, E*VAX nous propose un album méditatif et planant. Loin du rouge orangé de Visuals, E*VAX se décline dans tous les tons du bleus, sans pour autant être un album froid. Un album bleuté et chaud dons, d’une chaleur douce et diffuse, tranquille. La musique semble venir de la forêt qu’on devine derrière la brume qui flotte au-dessus de la rivière. Une musique qui nous arrive comme des bulles de nuages, délicatement, subtilement, qu’on veut saisir mais qu’on ne peut pas. Une musique assez peu organique mais très vivante, vibrante d’énergie. Un souffle énorme, sans l’urgence, l’excès, le délire de Visuals. E*VAX propose une musique toute en retenue, en silences subtils savamment dosés. Des morceaux suspendus dans le vide – intergalactique – par des fils tissés de solos de guitares aériens ou portés par des nappes de synthés. D’autres, propulsés par des rythmes downtempo, légèrement hachés. Aphex Twin au pays de Pan American et de Labradford.

L’album est encadré par deux morceaux très doux, très planants, très représentatifs de cette ambiance. Rabindra  et surtout le superbe et minimaliste Actual Air qui termine l’album – trois notes de synthé qui se répètent de manière hypnotique, des pas qui résonnent… quel calme, quel relâchement, quelle maîtrise de la lenteur. Une maîtrise que l’on retrouve sur Anything at All et ses arpèges délicats, un morceaux totalement à l’arrêt, semblant vouloir partir à tout instant mais qu’E*VAX arrive à retenir et avec lequel il nous tient en haleine. Comme sur le fantastique New World – une ritournelle subtile enrichie de couches de sons et d’une voix mystérieuse, d’arpèges japonisants. Un morceau qui se marie sans difficulté avec les très orientaux Little Lung, qui le suit sur l’album, ou Pretty Good qui le précède. On s’approche de la fin de l’album.

La deuxième partie, complétée par Koko, avec ses voix vocodées slammées et son ambiance très Endtroducing. Dansant mais planant. Ou l’inverse. Planant, E*VAX sait le rester quand il accélère. C’est le cas sur la première partie de l’album. Des morceaux qui ne vont jamais très vite, mais qui sont rythmés par des percussions plus présentes. Comme sur le joyeux Always  ou Manila – rythmique sud-américaine, et ambiance de feuilleton télé des années 1960. Un morceau qui surprend… comme les autres. À chaque écoute, on découvre un son, une ambiance, une sensation qu’on avait manqué ou oublié de la précédente écoute.

Alain Marciano

E*VAX – E*VAX
Label : Because Music
Parution : 17 Septembre 2021