Avec Enfant de salaud, Sorj Chalandon signe une nouveau un roman en partie autobiographique dans lequel il entremêle son histoire personnelle avec le procès de Klaus Barbie en 1987. Un récit fort et poignant sur un fils qui tente de convaincre son père d’avouer un passé peu glorieux.
Derrière ce titre, on ne peut plus explicite, qui correspond à une phrase prononcée par son grand-père lorsqu’il était enfant – « Ton père portait l’uniforme allemand Tu es un enfant de salaud ! » – l’écrivain Sorj Chalandon propose une enquête dans le passé sur les traces de son père pour savoir quel a été réellement son rôle durant la seconde guerre mondiale. Parallèlement, il nous faire vivre le procès de Klaus Barbie en 1987 comme si nous y étions. Il fait ainsi coïncider la découverte du passé obscur de ce père avec les accusations faites à celui qui se faisait appeler Klaus Altmann quand il se cachait en Bolivie.
Sorj Chalandon met en scène ce père – dont il a découvert le passé en 2020 alors que ce dernier était déjà décédé depuis quelques années – présent dans la salle d’audience du procès Barbie à Lyon, à quelques bancs de son fils qui couvre, lui, le procès pour le journal Libération. Comme son père, il entendra le témoignage bouleversant des témoins évoquant les méfaits du nazi, notamment la rafle des enfants d’Izieu. Face a un père, ricanant et se montrant d’un cynisme absolu, le narrateur tente malgré tout de faire parler cet homme mythomane, sans doute habité par un passé inavouable, pour lui faire reconnaitre les faits, et surtout sa participation à la cause nazi après avoir endossé l’uniforme allemand.
Pourtant, malgré ses efforts, malgré le fait que le fils détienne une copie du dossier pénal de son père récupéré aux archives départementales de Lille, ce père reste mutique, continue de serrer les dents, de rejeter son fils, le traitant de tous les noms ; ce fils qui veut simplement comprendre comme ce père a pu être engagé dans l’armée de Pétain, puis dans la Légion tricolore, et ensuite dans l’armée allemande et enfin dans la Résistance.
C’est un livre extrêmement fort, extrêmement bouleversant que nous offre là l’auteur de Profession du père (son précédent roman, où il évoquait son enfance aux côtés de ce père mythomane et violent). Un livre qui touche au cœur, un livre qui montre combien la relation toxique entre un père et un fils peut atteindre des sommets d’incompréhension et de rejet, où toute forme de réconciliation semble impossible…
Un livre une grande intelligence, d’une détermination sans faille pour montrer que certaines cicatrices ne se referment jamais et que, peut-être, grâce à la littérature, il est possible parfois d’imaginer que l’on peut arriver par la vérité, à trouver une forme de paix, pour pouvoir avancer, au moins tenter d’atténuer la douleur.
Benoit RICHARD