[Live Report] Baxter Dury, Wet Leg & Geese à Echoes with Jehnny Beth #6

L’émission « Echoes with Jehnny Beth » accueillait ce mardi, en dépit des problèmes croissants posés par la situation sanitaire, une affiche passionnante, offrant un panorama varié du Rock contemporain, avec deux groupes débutants et prometteurs, Geese et Wet Leg, et une star confirmée, l’ineffable Baxter Dury. On vous raconte…

Baxter Dury Yoyo
Baxter Dury au Yoyo (Paris) – Photo : Eric Debarnot

Ce soir, au Palais de Tokyo, au Yoyo, sorte de boîte de nuit installée dans les sous-sols, c’est l’enregistrement du sixième épisode de l’émission Echoes – avec Jenny Beth – avec une affiche de rêve : Baxter Dury et Amyl and the Sniffers… Il faut absolument y être ce soir… mais au dernier moment, Amyl déclare forfait : cas de force majeure dûe à une contamination par le Covid ! Elle sera remplacée au pied levé par la sensation new-yorkaise du moment, Geese, qui peuvent ainsi prendre leur revanche puisqu’ils avaient été justement privés de concert la veille, du fait du Covid d’un musicien de IDLES, groupe dont ils devaient assurer la première partie !!!

Baxter Dury YoyoBref, Jenny Beth vient nous expliquer que ça n’a pas été évident de maintenir cette date avec la résurgence de la pandémie, et nous remercier d’être là. Et oui, nous on est là, on est prêts… pour Geese, qui ouvre la soirée à 20h05, et nous régale de son délire psyché qui doit autant aux Talking Heads (avec un riff sur une chanson qui évoque le fameux Psycho Killer) qu’à Zappa (sur le t-shirt du chanteur). On sent un groupe encore un peu jeune, une vision encore un peu floue de ce que leur musique pourrait être, mais il y a déjà une vraie prestance sur scène qui laisse bien présager du futur. Ce qu’on aime avec Geese, c’est que le groupe n’est pas rattachable immédiatement à un courant musical spécifique, puisqu’on pense par instants à un retour vers les 70’s, avant de passer au post punk eighties et d’aller tutoyer ce chaos sonic youthien indissociable de la musique d’avant-garde de la grosse pomme. Toutes ces références sont concassées et redigérées pour produire un son à la fois intemporel et très 2021. Avec leur look grunge – l’un des deux guitaristes porte d’ailleurs très bien la robe – et leur plaisir de jouer, Geese s’avère ma foi très sympathique… même si parfois trop brouillon pour qu’un plaisir immédiat puisse naître. Et puis, au premier rang, nous sommes malheureusement privés de la voix du chanteur, inaudible.

Wet Leg Yoyo

21h00 : Wet Leg, dont on parle beaucoup en ce moment, va nous offrir ensuite 40 minutes d’une musique qui semble d’abord très girlie, très pop, avec beaucoup de mélodies, d’écho sur les guitares, et surtout avec cette énergie positive qui fait que la pop music enchante immédiatement. Il y a aussi beaucoup de sourires – à la limite de la naïveté parfois de la part de la chanteuse, sans doute encore très jeune et toujours dans l’émerveillement d’être là et applaudie ! Le look des deux filles – Rhian Teasdale et Hester Chambers – est étonnant, du côté de la jap pop, tandis que les trois garçons qui les accompagnent sur scène semblent eux sortir tout droit des seventies. La voix de Rhian est charmante, et joue sur une séduction un tantinet enfantine qu’on peut trouver convenue, mais la musique de Wet Leg ne manque pas de force… Et se déploie même de manière plus impressionnante sur certains morceaux, dévoilant un groupe qui a un vrai potentiel rock derrière la suavité de ses chansons. Magnifique final avec le morceau Chaise Longue – le premier single du duo ! – qui emporte définitivement le morceau et fait chanter tout le monde en chœur, même ceux qui ne connaissaient pas la chanson avant ! On suivra Wet Leg sans hésiter dans leurs prochaines aventures…

Baxter Dury Yoyo22h05 : Baxter Dury, crinière blanche abondante et barbe blanche, monte seul sur scène et se lance dans un DOA qui lui permet de poser clairement les bases du set : décontraction et dilettantisme ironique – parfois à la limite de la moquerie -, storytelling distancié sur des beats accrocheurs, et… effets vestimentaires ! Pendant les 50 minutes de son set, Baxter passera son temps à se déshabiller et à se rhabiller, comme pour passer le temps entre les moments où il est forcé de chanter… ou de parler. Avec ou sans turban improvisé, avec ou sans veste, la chemise déboutonnée ou au contraire boutonnée jusqu’au cou, on aura droit à Baxter dans tous ses états (y compris, bien entendu la bière à la main…). Toujours vaguement à la limite de la ringardise, avec ce sens du second degré qui pointe pourtant des comportements réels, Baxter nous offre non seulement dans ses textes, mais par sa présence physique, une sorte de petit théâtre de l’humanité contemporaine.

Quand ses musiciens montent sur scène, avec en particulier la charismatique Madelaine Hart, qui va apporter sa voix superbe à la majorité des chansons, le concert prend son envol, et on peut même dire atteindre de temps en temps une véritable magie : Pleasure voit le public du Yoyo totalement engagé avec Baxter, le merveilleux – on pèse nos mots en disant ça – Miami est un grand moment de splendeur, d’émotion et d’humour à la fois, et permet au set de monter en puissance. Convainquant totalement les indécis ou ceux qui ne connaissaient pas bien Baxter. Si l’on peut regretter l’utilisation occasionnelle de musique préenregistrée pour appuyer le groupe, on doit bien admettre que, ce soir, Baxter est très en forme, avec ce délicat équilibre entre sincérité et second degré qui le rend tellement singulier. On se quitte sur un (Baxter) These Are My Friends jovial, et une sorte de déclaration d’amour – plus ou moins convaincante, d’ailleurs – aux Français…

Il est 23 heures et une bonne partie du public se disperse et quitte la salle, alors que Jehnny nous avait demandé de bien vouloir rester pour l’interview qui va suivre. Il faut dire que nous avons tous pris une très belle dose de musique ce soir, et qu’on peut logiquement préférer rester dans le cocon de plaisir que Geese, Wet Leg et Baxter Dury ont créé pour nous.

Si demain, les concerts sont à nouveau mis en mode « pause », comme c’est déjà le cas dans plusieurs pays européens, nous aurons au moins eu cette belle soirée pour entretenir l’espoir !

Texte et photos : Eric Debarnot