Ouvrage collectif de l’équipe Playlist Society, Mad Max, au-delà de la radicalité, rend un formidable hommage à l’œuvre colossale de George Miller, et se révèle un essai particulièrement excitant et passionnant… Mais beaucoup trop court !
Mad Max ! Ah, Mad Max ! Malgré ce qui est vu par de nombreux spectateurs comme le petit passage à vide du troisième film (Beyond Thunderdome), moins radical, moins raide aussi, voilà l’une des grandes « franchises » du cinéma de la fin du XXème siècle qui n’a jamais déçu ! … Et qui, au contraire, même, avec le flamboyant quatrième opus (Fury Road) semble plus vivante, plus pertinente que jamais. Bien sûr, le risque existe de George Miller, seul maître à bord de l’Interceptor V8, nous gâche encore tout ça : George approche les 80 ans, ce qui n’est plus un âge idéal pour passer des semaines dans le désert à filmer des cascades de folie et des accidents de voitures, de motos et de camions : qui plus est, le concept de Furiosa, le prochain épisode, est a priori de revenir dans le passé du nouveau personnage phare de la saga, donc de prendre un risque indiscutable de sortie (de route) par rapport aux principes de base de la saga.
En attendant, l’équipe de Playlist Society s’est attelée de manière collaborative à l’analyse de celle saga, qui a finalement généré encore peu d’écrits « cinéphiliques » marquants, tout au moins en regard de sa qualité mais aussi de son impact sur tout un pan de l’imaginaire « pop » (mais pas seulement…) global. On pouvait bien entendu être dubitatif a priori sur les risques posés par une collaboration entre journalistes, cinéphiles, écrivains, aux styles différents, et qui plus est, détenteurs chacun d’une vision différente sur Max Rockatansky et sa longue dérive, autant physique que mentale, dans un désert postapocalyptique. Heureusement, ce risque a été efficacement contourné par une coordination effective des réflexions, nous explique-t-on chez Playlist Society : « D’habitude je suis partagé sur les livres collectifs, qui peuvent être redondants, contradictoires et peiner à développer un propos aussi cohérent que lorsqu’il n’y a qu’un seul auteur ou autrice. Mais là c’est qu’on n’a que des gens de la team Playlist Society, et qu’on a vraiment pu travailler la structure en détail tous ensemble, pour avoir à la fois une cohérence globale et une singularité d’angle (la géographie pour Manouk, les mutations pour Erwan…). Bref, c’était une super expérience d’un point de vue éditorial ! » (Benjamin Fogel).
Et de fait, Mad Max, au-delà de la Radicalité est sans doute l’un des volumes de la collection Playlist Society les plus excitants – les auteurs ont réussi à largement faire passer leur enthousiasme devant les films de la saga, et devant la mythologie créée et déployée par Miller – tout en fournissant d’excellents axes de réflexion, non seulement d’un point vue purement cinéphilique (sur le travail de Miller) mais également politique (sur les échos que l’on trouve dans Mad Max des transformations et des défis qu’affronte notre société).
Bien entendu, comme on aime bien trouver des choses à reprocher au travail régulièrement passionnant de Playlist Society, déplorons que ce Mad Max, au-delà de la Radicalité, soit beaucoup trop court ! Il nous laisse indéniablement sur notre faim, avec une bonne demi-douzaine de sujets formidables qui sont identifiés et qui mériteraient plus d’attention : du côté purement technique, il serait intéressant de détailler plus encore les spécificités de la mise en scène dans Mad Max, qui produit cet effet de sidération – et d’excitation – bien supérieur à celui de 99% des blockbusters contemporains ; au niveau thématique, il reste aussi à creuser plus encore cette passionnante évolution et des scénarios et de l’imagerie déployée au fil des années, à partir d’un point de départ très australiano-centrique (civilisation de la voiture-reine, héros macho, caricature de l’homosexualité masculine) à une arrivée (temporaire, donc…) adressant la situation écologique globale, et féminisant magnifiquement les pistes de sortie d’une situation cataclysmique (ce qui permet d’ailleurs de replacer, comme le font ici les auteurs, au centre de cette évolution « l’étape Beyond Thunderdome », avec son « We Don’t Need Another Hero » et ses premières femmes puissantes, aussi caricaturales soient-elles).
Suggérons donc avec force que la sortie de Furiosa, le prochain Mad Max, prévu pour cette année, s’accompagne très vite d’une nouvelle version de cet excellent livre, de 250 pages cette fois au lieu de 125 !
Eric Debarnot