Kid Loco – Born In The 60’s : un album de reprises, pour le plaisir !

Le temps ne semble pas avoir de prise sur le Kid (d’où l’intérêt de choisir un bon pseudo) ! Un quart de siècle ou presque après ses débuts – avec en particulier le très remarqué A Grand Love Story (1997) – et deux ans après l’excellent The Rare Birds (2019) –, revoici Kid Loco, avec un album de reprises. Un album composé pour le plaisir, le sien. Le nôtre.

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© Dov Adjedj

Pas forcément une surprise de le voir se frotter au aux chansons des autres, de leur donner une vie différente, de les envoyer s’épanouir dans une n-ième dimension pour quelqu’un qui confiait récemment à Benzine avoir « fait énormément de reprises » dans sa carrière — « aujourd’hui, j’en suis à plus de 300 » — et qui n’a jamais hésité à parsemer ses albums de morceaux de « Lennon, des Temptations, différents trucs comme ça, et dans mes albums, déjà trois reprises d’Iggy Pop ». Pas une surprise non plus donc que ce Born in the 1960s soit un très bon album. 11 morceaux qui datent, comme le titre l’indique assez clairement, de Comme l’indique le titre, ce sont des morceaux qui datent de la décennie qui a vu naître Jean-Yves Prieur (l’état civil du Kid). La musique qu’il a écoutée quand il était jeune… Une musique dont il reste proche — « les morceaux en eux-mêmes je les respecte, la structure, les tempos, je crois qu’ils sont quasiment identiques. » — mais qu’il fait passer à sa moulinette. De fait, il n’est pas rare de reconnaître les morceaux mais sans les reconnaître vraiment. Au final, Born in the 1960s est un très bon album de Kid Loco ! Un de plus.

Kid-LocoBorn-inThe-60sLes morceaux repris ici sont d’origines assez différentes — de Bobby Hepp aux Stooges, en passant par Pink Floyd, les Rolling Stones, Elvis Presley ou même un standard country traditionnel. Ils ont été composés sur la durée — « je crois qu’il y a des titres qui ont carrément 20 ans ! » —, un peu par ci, un peu par là, quand l’opportunité se présentait. Et pourtant, c’est un disque très homogène. Ou, disons, un album à deux faces, une plus sombre, l’autre plus gaie ; une plus lente ; l’autre plus rapide.

On commence d’ailleurs avec les morceaux les plus lents. Sur les deux premières pistes de l’album, l’ambiance est plutôt morose. Sur Arnold Layne (Pink Floyd), le rythme est faux. Rapide mais d’une gaîté plutôt triste. Idem sur Back Street Girl (Rolling Stones), au rythme lent et quand même assez pesant. Étrange. Un peu la même lenteur vaporeuse mais plus entêtante, plus subtile, plus riche sur Casey Jones. Le morceau du Grateful Dead pouvait évoquer un road trip sur les routes de l’Arkansas, Kid Loco nous en donne une version plus urbaine, genre film noir, avec son piano en boucle, ses cuivres grandioses (même si tamisés et lointains), un morceau qui chaloupe doucement. Une des vraies belles réussites de l’album. Help me (Sonny Boy Williamson II) un blues, un vrai, vrai, swinguant et syncopé, bourré d’harmonicas grinçants est ici porté par des boucles de guitares, batteries, pianos très surprenantes, et qui donne une uniformité au morceau qui le rend très addictif. Comme le If It’s Monday Morning (Lee Hazlewood), dont le Kid donne une version assez inquiétante, sombre, fait d’un fond très tropical et dominée par une voix lasse et désabusée (bien plus que, et de manière différente de, celle de Lee Hazlewood dans l’original).

De l’autre côté, pour détendre un peu l’atmosphère, on trouve des morceaux bien plus enjoués. Le cover des Turtles, Happy Together est plus « classique » guitare-basse-batterie, choeurs délicats, piano enchanteur. Très Turtles mais très réussi. Ou aussi, My Girl (The Temptations) un morceau léger, swinguant doucement, avec son harmonium et son chant détaché — on imagine le sourire aux lèvres du chanteur, le Kid Loco en personne— et ses solos (dont un solo d’harmonica) ! Ou encore, le Sunny qui démarre au pas de charge — quelques secondes on croît retrouver le générique de la séquence du spectateur (nostalgie quand tu nous tiens!) — qui est bien plus rapide et ébouriffant assez différent du morceau mélancolique, langoureux, souple de Bobby Hebb. Ou Suspicious Minds (Elvis Presley) qui perd (presque) ses chœurs et ses cuivres, et l’emphase du roi du rock and roll. La version de Kid Loco est plus intimiste—après tout, pour déclarer sa flamme, c’est peut-être mieux. Quant standard folk, When The Train Comes Along, porté par un banjo endiablé, il devient une sorte de reggae—avec son lot de sonneries et de blips ferroviaires. Une façon délirante et totalement réjouissante de clore cet album.

Alain Marciano

Kid Loco – Born in the 60’s
Label : Balagan Music / Wagram Music
Date de parution : 26 janvier 2022