Réédité en vinyle pour la première fois en 1991, l’album de Ziad Rahbani, Houdou Nisbi, nous permet de replonger dans la création musicale du Liban alors à peine sorti de la guerre civile. Un album riche d’influences orientales, de jazz et de bossa nova.
Le label français WeWantSounds se spécialise depuis quelques années dans la réédition en vinyle d’albums dont la sortie était restée confidentielle ou dont les éditions originales sont désormais introuvables. Une de leurs dernières productions est l’album de Ziad Rahbani édité en cassettes et CD en 1991 intitulé Houdou Nisbi.
Fils de deux monuments de la culture et de l’intelligentsia libanaise : Assi Rahbani et Fairouz, Zaid Rahbani a su se hisser à la hauteur de ses illustres parents en composant une œuvre musicale capable de marquer l’histoire de la musique.
C’est en 1985 lors d’un concert enregistré à l’université américaine de Beyrouth que Ziad Rahbani intitule l’ensemble de ses compositions Houdou Nisbi. Mais il faudra encore six ans pour qu’il les reprenne et les retravaille pour produire l’album que nous tenons entre les mains aujourd’hui.
De 1975 à 1990 le Liban subit la guerre civile, les cessez-le-feu représentent les rares moments Houdou Nisbi, relativement calmes. Outre le contexte historique dans lequel l’album sort à l’époque, c’est bien le style musical que Ziad Rahbani invente qui fait l’intérêt de cette réédition soignée : pour la première fois, une fusion entre les harmonies, les rythmes, les gammes orientales et les instruments occidentaux aboutit à ceux que certains appelleront le « jazz oriental ». Aujourd’hui encore de nombreux musiciens poursuivent ce chemin : Bachar Mar Khalifé, Dhafer Youssef, Ibrahim Maalouf, Anouar Brahem sont autant d’artistes que l’écoute de l’album donnera envie de réécouter avec plaisir.
Le morceau-titre de l’album Relative Calm entièrement instrumental illustre ce mélange de styles où le grand tambour persan caractéristique de la musique tarab et de son rythme Webda Kabira est remplacé par le piano.
Si Ziad Rahbani compose la musique et écrit les paroles de l’ensemble des 12 titres, on ne l’entend chanter que sur 3 morceaux : Yalla Kichou Barra, Rouh Khabbir et Bisaraha au final irrésistiblement dansant. Le plus souvent ce sont Sami Haouat et Monica qui assurent la partie chantée.
Avec cet album, WeWantSounds permet de plonger les auditeurs dans ce qui faisait l’essence des années 80 : une volonté d’explorer la richesse musicale que le monde offrait. Le talent et les convictions de Ziad Rahbani ont permis de le faire de manière subtile, en convoquant la tradition orientale, les instruments du jazz noir américain, mais aussi la légèreté de la bossa nova brésilienne sur Bil Nisbi La Boukra.
Par le passé le label a réédité les albums Abu Ali et Bennesbeh Labokra…Chou ? qui permettent également de découvrir d’autres compositions de ce musicien aux multiples talents. Bien sûr il est impossible de passer sous silence la réédition du somptueux Wahdon de Fairuz, entièrement composé et arrangé par son fils. De quoi passer quelques heures dans le réconfort d’une musique ouverte, sincère et élégante.
Nicolas Duquenne