[Interview] Maxïmo Park : “Rendre les gens heureux au travail…”

Nous avons eu la chance de rencontrer le trio de Maxïmo Park juste avant leur très beau concert à Petit Bain, et nous avons parlé à des gens passionnés par leur travail, et leur Art, mais aussi des citoyens engagés dans la défense des valeurs qui leur sont chères. Des gens biens, quoi !

2022 09 04 Maxïmo Park Petit Bain
Maxïmo Park à Petit Bain le 4 septembre – Photo : Eric Debarnot

Benzine : Votre dernier album, Nature Always Wins, a été très bien reçu, beaucoup de gens ont dit que c’était l’un des meilleurs albums de Maxïmo Park, peut-être le meilleur

Tom : C’est bon à savoir… Nous sommes d’accord ! (rires)

Benzine : Alors, qu’est-ce qui fait que vous continuez avec autant d’énergie après toutes ces années ?

Paul : Nous aimons la musique ! C’est vrai que les gens se lassent de cette vie au bout d’un moment, et il y a toutes sortes de raisons pour lesquelles les groupes perdent leur vigueur ou leur intérêt. Vous entendez parler de groupes qui se séparent parce que l’un des musiciens veut faire quelque chose de son côté, hors du groupe. Dans notre cas, nous faisons des choses hors du groupe et cela ne peut que nous revigorer…

Mais sur un plan personnel, je n’accepte pas la musique médiocre. En fait, je pense que c’est plus insultant qu’une musique horrible, j’ai envie de poser la question « mais pourquoi est-ce que vous faites ça ? »

2022 09 04 Maxïmo Park Petit BainNous nous efforçons d’élever la vie ordinaire et de transformer les mélodies simples en quelque chose d’excitant. Nous aimons l’idée d’une chanson pop, une capsule de 3 minutes d’un moment de votre vie, auquel les gens peuvent s’identifier, et avec lequel ils peuvent avoir de l’empathie. 3 minutes où vous pouvez changer la vie de quelqu’un, même si ce n’est que grâce à une mélodie accrocheuse. Sur le dernier disque, à propos de la chanson Baby Sleep, un mec disait sur les réseaux sociaux : « Oh, je l’ai sifflé toute la journée sur le chantier ! ». Et c’est vraiment une bonne chose d’entendre que notre chanson avait été sifflée sur un chantier. J’aime aussi penser que d’autres personnes aiment écouter toutes nos paroles : un adolescent par exemple peut nous écouter de manière intense… Mais rendre les gens heureux au travail, c’est tout aussi valable.

Pour chaque disque, nous essayons de trouver une voie différente, en travaillant avec toutes les choses qui nous intéressent en tant que musiciens. Mais trouver un terrain d’entente entre nous trois est aussi quelque chose qui nous tient en haleine. Il n’y a pas de leader dans le groupe, chacun d‘entre nous occupe le premier plan à différentes étapes du processus.

Tom : Nous n’avons pas de formule que nous suivons, chaque chanson est une nouvelle chose, nous la suivons là où émotionnellement elle nous emmène.

Benzine : La passion et l’émotion ont toujours été des caractéristiques du groupe, notamment en live…

Paul : C’est bien !

Benzine : Vous n’êtes désormais plus que 3 dans le groupe, ça a dû changer votre façon de composer, de travailler…

Paul : Je considère que la perte la plus récente d’un membre original, qui était Lukas – en 2018/2019, juste avant que nous commencions à travailler sur Nature Always Wins… eh bien, ça nous a enhardis, c’était un nouveau défi : nous étions bien excités de voir comment nous allions sonner sans ce personnage que nous avions toujours eu avec nous ! Duncan a joué un peu plus de claviers, pour écrire. Nous avons aussi travaillé avec un ordinateur… non, désolé, un producteur (rires)

Tom :  … nous avons aussi utilisé beaucoup d’ordinateurs pendant le confinement… (rires)

Paul : … oui, et ce producteur était un multi-instrumentiste, ce qui a bien aidé !

Tom : Nous avions besoin de cette rupture aussi, après 6 disques. Nous avions besoin de secouer les choses, et le départ de Lukas a secoué les choses ! Chaque disque a son propre élan musical et lyrique…

Paul : On ne peut pas se permettre non plus d’avoir beaucoup plus de musiciens qui partent, ce n’est pas une méthode durable pour bousculer les choses ! (rires)

Benzine : Écoutez-vous beaucoup de jeunes groupes britanniques en ce moment ?

Paul : C’est difficile à dire, j’écoute beaucoup de musique du monde entier en fait. L’un de mes musiciens préférés est ce type, William Tyler, qui est un guitariste instrumental, et était aussi un membre de Lambchop : il a fait un excellent disque l’année dernière avec Marisa Anderson, une autre guitariste américaine. Mais j’achète certainement beaucoup de nouveaux disques.

Duncan entre dans la pièce et s’assied pour participer à la conversation…

Paul : Un excellent exemple d’un nouveau groupe est Peaness qui joue avec nous ce soir, une belle sorte d’indie pop classique, vraiment mélodique. Nous avons aussi Peep Bloom qui joue avec nous sur la tournée britannique, c’est un groupe néerlandais. Lorsque nous devons choisir un groupe pour venir avec nous, c’est généralement un nouveau groupe, ce qui vous donne l’occasion d’écouter plein de nouvelles choses.

Sinon, j’ai vu Fontaines DC sur scène cet été, je ne suis pas surpris qu’ils soient très populaires, ils sont très lyriques, avec une attitude punk, ils jouent de la musique romantique, c’est le genre de musique que j’aime. Ils ont une bonne énergie, et quelle que soit « la chose », ils l’ont.

Benzine : Maximo Park a toujours eu un point de vue très clair sur la situation politique et sociale au Royaume-Uni… Que pensez-vous qu’il va se passer ?

Paul : Je pense que ça va empirer…

Duncan : C’est terrible, en tant que musiciens, nous haïssons l’idée du Brexit.

Paul : Nigel Farage a fait tourner le cadran de la politique britannique vers la droite. Il a eu suffisamment de soutien pour inquiéter le parti conservateur, qui a ensuite modifié sa rhétorique, s’éloignant d’un David Cameron presque centriste, progressiste – même si c’est discutable… Ce sont des personnages politiques qui sont de véritables méchants dickensiens, comme Jacob Rees-Mogg, des gens qui n’auraient jamais été autorisés à atteindre le sommet de la politique britannique sans ce virage à droite. Boris Johnson est une caricature britannique classique, je ne pense pas qu’il ait d’opinion, il irait partout où le vent souffle, et nous en avons une autre version avec Liz Truss.

Benzine : Il y a apparemment une baisse de 40% du nombre de groupes britanniques qui jouent en Europe…

Paul : La bureaucratie… Vous devez vous rendre à un certain endroit pour remettre votre « carnet », qui est ridiculement long, puis aller ensuite ailleurs pour la suite du processus… Après avoir payé un spécialiste pour remplir ce fameux carnet afin de ne pas commettre d’erreur et de ne pas avoir à payer une amende. Vous finissez par passer plus de temps que prévu à la frontière, vous risquez de manquer votre concert… Les gens vous disent : « eh bien, ça prend plus de temps, vous le savez, et vous devriez partir un jour plus tôt ! »… Mais cela signifie que vous devrez payer à tout le monde un salaire supplémentaire, une nuit d’hôtel supplémentaire… tous ces coûts s’additionnent, et beaucoup de groupes ne peuvent pas se le permettre.

Duncan : Les coûts ont augmenté de 10 à 20 %, mais cela montre en fait à quel point c’était déjà précaire avant… Les groupes voyageaient tous dans une camionnette, en conduisant eux-mêmes et en prenant des risques… Maintenant, ce n’est plus possible…

Tom : Les derniers sondages montrent que le peuple souhaiterait maintenant que cela ne se soit pas produit, le Brexit…

Paul : La politique, ça fait partie de nos chansons, parce que ce que nous écrivons est très personnel, et que la politique fait partie de cette vie personnelle… C’est votre position vis-à-vis du monde, sur le monde !

2022 09 04 Maxïmo Park Petit Bain

Benzine : Quels sont vos projets, aujourd’hui ?…

Paul : Nous n’avons pas beaucoup de nouvelles chansons qui soient prêtes, donc, si j’étais toi, je ne m’attendrais pas à un nouvel album pour tout de suite… C’est pourquoi nous avons sorti cette nouvelle chanson, Great Art, que nous avions enregistrée à peu près en même temps que l’album. Elle sera sur un EP, conçu pour être un bel objet. Nous allons d’ailleurs la jouer ce soir.

Tom : Oui, et la seconde chanson de l’EP sortira bientôt aussi…

Paul : Il y a Duncan qui a fait un CD avec son travail solo…

Duncan : Une collection de 31 chansons, qui vient de sortir… Il y aura un nouvel album de Maxïmo Park l’année prochaine…

Paul : Et j’ai un nouvel album qui sort, avec une chanteuse folk, Rachel Unthank, d’un groupe qui s’appelle The Unthanks. Ce sera très différent, et tous ceux qui aiment la nouvelle vague britannique actuelle de rock ne l’écouteront jamais ! (rires). J’espère qu’ils le feront, mais c’est plus de la musique folk. J’espère pouvoir venir à Paris pour le jouer aussi…

Propos recueillis par Eric Debarnot avant le concert de Maxïmo Park à Petit Bain le 4 septembre

A écouter :
Duncan Lloyd – Green Grows Devotion (Selected Works)
Label : Reveal Records
Date de parution : 27 mai 2022