« La Vie clandestine » : Monica Sabolo remonte le fil de deux histoires parallèles

Dans La vie clandestine, Monica Sabolo remonte aux origines du mal pour tenter de comprendre sa propre histoire et en parallèle celle du groupe terroriste Action Directe. Un roman sur la question de la transgression, à la fois captivant et bouleversant.

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© Francesca Mantovani

Quand elle a débuté l’écriture de son livre, Monica Sabolo ne se doutait pas que son histoire intime allait rejoindre celle du groupe terroriste Action Directe. Au départ, l’auteur avait le souhait d’écrire un roman à propos d’un fait divers, avec un récit bien loin de son histoire personnelle. Mais après l’écoute d’un épisode d’Affaires sensibles sur France Inter, elle se retrouve embarquée dans l’histoire du groupe terroriste d’extrême gauche des années 70 et 80, marquée notamment par l’assassinat de Georges Besse en 1986 et l’arrestation de quatre de ses membres dans une ferme de Vitry-aux-Loges l’année suivante. Comme beaucoup d’adultes et d’adolescents à cette époque, Monica Sabolo a été marquée par cette folle aventure criminelle, mais ce qu’elle ne savait pas, c’est que l’histoire de Jean-Marc Rouillan, Georges Cipriani, Joëlle Aubron, Nathalie Ménigon et la sienne étaient reliées par des liens invisibles.

« Les années d’Action directe étaient faites de ce qui me constitue : le secret, le silence et l’écho de la violence »

la-vie-clandestine-couvMonica Sabolo se met alors à fouiller dans le passé d’Action Directe – comme l’avait fait d’une manière différente Vanessa Schneider dans La fille de Deauville – , à consulter des tas d’archives pour tenter de comprendre, comment notamment Nathalie Menigon et Joël Aubron on pu passer « de l’autre côté », en sont arrivées à assassiner de sang froid le PDG de la régie Renault. Pour cela, l’autrice est remontée aux origines, aux années de jeunesse des six membres, tentant de retracer leur parcours individuel, leur personnalité. En parallèle, elle fait également un retour sur son histoire personnelle, notamment son rapport avec son père adoptif, Yves S., personnage étrange et mystérieux et très « Modianesque », qui, un jour a commis l’irréparable.

La vie clandestine se lit comme un véritable livre enquête, une double enquête si l’on peut dire, Monica Sabolo faisant un travail de mémoire colossal, presque une mise à nu pour tenter d’exorciser un passé douloureux, les souvenirs d’une mère et d’un père avec lequel la relation s’est compliquée au fil du temps.

Et puis, il y a cette quête de vérité concernant les protagonistes d’Action directe qu’elle va vouloir, coûte que coûte, rencontrer, se replacer dans le contexte de l’époque, et tenter de saisir les motivations de ces personnes qu’elle veut voir avant tout des êtres humains. Elle va notamment faire la connaissance d’une vieille femme nommée Hellyette Bess, sympathisante d’Action Directe. D’abord, méfiante et réticente, cet ancienne libraire va accepter de parler avec Monica Sabolo, lui raconter ce qui est racontable. Grâce à elle, est elle finira par faire la connaissance d’autres membres du groupe. Des personnages, bien différents de l’image qu’elle en avait.

« Cette histoire est bien trop complexe, je n’arrive à me faire d’opinion ni sur les êtres ni sur leurs actes. »

Au fil des chapitres, on suit les pérégrinations Monica Sabolo, ses voyages, ses rencontres, avec autant de curiosité que de fascination pour ces personnages d’une autre époque, des fantômes d’un passé lointain que l’on croyait  connaitre mais toujours enveloppés d’un voile de mystère.
Un livre qui soulève bien des interrogations sur ces assassins qui ont purgé leur peine et pour lesquelles l’autrice éprouve beaucoup de compassion mais tout en restant très lucide.

En tout cas, c’est un récit fort et captivant que cette Vie clandestine. Monica Sabolo y met un soin et une précision constante pour évoquer ces années 80, pour faire se chevaucher ces deux univers, deux histoires de vie à la fois semblables et si différentes.

Benoit RICHARD

La Vie clandestine
Récit de Monica Sabolo
Editions Gallimard
321 pages – 21€
Date de parution : 25 août 2022