[Live Report] The Cure et The Twilight Sad à l’Accor Arena (Paris) : décevant mais légendaire…

Aller voir The Cure lorsqu’ils passent près de chez nous est devenu un rituel, auquel nous ne saurions déroger, tant cette musique fait partie de nos vies. Le fait que le concert se soit avéré un peu décevant, hier soir, ne changera rien à l’amour que nous porterons toujours à Robert Smith et ses musiciens.

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The Cure à l’Accor Arena – Photographie : Robert Gil

19 octobre 1981 : nous sortons de l’Olympia, absolument retournés par le concert auquel nous venons d’assister. The Cure, jeune groupe anglais, que nous aimons beaucoup depuis leur second album, Seventeen seconds, vient de bouleverser toutes nos certitudes, passant d’une musique atmosphérique à la sombre beauté désespérée (Robert Smith et sa bande sont en train de promouvoir leur nouvel album, Faith) à une pop / punky qui a fait grimper la totalité du public sur les dossiers des sièges (eh oui, à cette époque, il était fréquent que les sièges soient laissés dans les salles pour les concerts de Rock !). Nous jurions que nous venions de voir un futur GRAND groupe, et, pour une fois, nous ne nous trompions pas…

28 novembre 2022 : en faisant la queue depuis le milieu de l’après-midi, avec des centaines de fans transis comme nous, nous nous remémorions combien The Cure avaient compté, au fil des décennies : même si les splendeurs des premiers albums s’étaient peu à peu diluées, impossible d’ignorer que cette musique avait été la bande sonore de nos amours, de nos chagrins, de nos déceptions, de nos trahisons, de nos enfants qui avaient grandi, de nos amis qui nous avaient oubliés, de nos parents qui nous avaient quittés. De la vie qui avait passé. Et The Cure étaient restés un GRAND groupe, non parce qu’ils remplissent l’Accor Arena à chacun de leurs passages à Paris, mais bien parce qu’ils restaient un groupe qui compte pour des milliers et des milliers de personnes, qui y ont trouvé l’expression d’une douleur et d’une angoisse universelle, parfois quotidienne. Et qui ont pu vivre, malgré tout, grâce à cette musique.

Ce soir, Robert Smith nous a promis, pour faire honneur à Paris, une ville qui l’a couronné bien avant le reste du monde, une setlist spéciale. Et quand sort l’annonce que les concerts commenceront une demi-heure plus tôt qu’initialement prévu, nous nous réjouissons : Robert va pouvoir nous gâter, passer de ses rituelles deux heures trois quarts de set à près de trois heures !

2022 11 28 The Twilight Sad Accor Arena RGA 19h30, les Ecossais de The Twilight Sad pénètrent sur scène. Nous n’en attendons rien, et nous ne serons pas déçus. 40 minutes de vide et de monotonie, comme une version aseptisée de la musique de Placebo (la voix du chanteur évoque celle de Brian Molko, en plus !) : de l’emphase qui ne soulève rien, à part le cœur, des rythmes qui ne font pas danser, un romantisme bidon qui n’évoque aucun sentiment réel, voilà de la bien triste musique. Et le chanteur croit intelligent de rajouter par là-dessus une couche de grimaces et de gestes de psychopathe, complètement en décalage par rapport à la fadeur de sa musique. Passons très vite sur cette purge, mais interrogeons-nous sur ce qui fait que Robert Smith, qui n’a pourtant plus rien à prouver, n’invite pas des bons groupes – il y en a tant ! – à ouvrir pour lui.

Il est 20h40, et la pluie qui a rythmé l’entracte sur la sono – pas dans la salle ! – se met à enfler, se transforme en un gros orage qui accueille l’arrivée de The Cure… alors que c’est un beau ciel nocturne étoilé qui est projeté à l’arrière de la scène. Tous les regards sont braqués d’abord sur Simon Gallup (perfecto de cuir et jeans déchirés, il reste fidèle à son image rock’n’roll en dépit des années qui ont fini par le rattraper, lui l’éternel adolescent rebelle), puis sur Robert Smith, égal à lui-même, avec peut-être quelques kilos en moins, avec les cheveux désormais gris qui se dégarnissent sur le dessus du crâne.

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Comme pour chaque concert de la tournée, on attaque par Alone, un nouveau titre, qui sert de tour de chauffe avant Pictures of You, A Night Like This et le merveilleux Love Song, trois chansons qui nous mettent forcément les larmes aux yeux : légendaire, cette musique ne peut qu’être qualifiée de légendaire. Le son est excellent, même si la batterie est un peu trop en avant, ce qui va d’ailleurs s’avérer gênant sur la dernière partie du concert, celle consacrée aux chansons légères, pop, du groupe, qui vont en souffrir.

2022 11 28 The Cure Accor Arena RGMais on n’en est pas encore là, et on sait bien que, comme pour chaque concert de The Cure depuis des années, il va falloir d’abord se coltiner une première partie un peu ennuyeuse, ou en tout cas, pas au niveau de ce qu’on attend du groupe. Cette soir, ce sont les nouvelles chansons, assez peu convaincantes, qui tirent le set vers le bas, mais globalement la setlist, bien pensée, fait l’impasse sur les morceaux récents, les plus dispensables, du groupe. Ce qui est plus inquiétant, c’est que certaines versions de classiques (At Night, Play for Today, et même le rare Charlotte Sometimes) souffrent d’une interprétation plus rentre-dedans, plus rock, plus puissante, ce qui d’habitude ne nous déplaît pas, mais ce qui les prive de leur subtilité. A l’inverse, cette approche sert parfaitement les titres les plus durs, comme The Figurehead (« Pornography a 40 ans », s’émerveille Robert Smith, qui nous parle la plupart du temps en français…), comme le toujours percutant From the Edge of the Deep Green Sea, ou surtout comme le formidable Shake Dog Shake, qui constituera probablement le moment le plus fort de la soirée. Il faut aussi noter à ce propos la complicité qui unit le trio central du groupe, Robert, Simon et Reeves Gabrels, ces deux derniers ayant l’air de s’amuser comme des petits fous sur scène…

2022 11 28 The Cure Accor Arena RGAu bout de 1h45, c’est la pause, et on attaque après un court break le premier rappel : curieusement, il débute par une nouvelle chanson, I Can Never Say Goodbye, que Robert dédie à son frère, disparu en 2019, et qui sera et de loin le meilleur nouveau titre entendu ce soir (on apprécie d’ailleurs le visuel de la grande roue projeté derrière le groupe, lorsque Robert chante la fameuse phrase shakespearienne « Something Wicked This Way Comes », référence au livre de Ray Bradbury, la Foire des Ténèbres). On enchaine ensuite par un Faith qui semble pour une fois dépouillé de toute émotion, puis par une version pas très convaincante de A Forest, qui fait pourtant toujours son petit effet (pardon, son gros effet…) sur le public, pour conclure.

Le second rappel, ou plutôt la dernière partie du set après une nouvelle sortie des musiciens, est consacrée rituellement au versant « commercial » du groupe : Lullaby, The Walk, Friday I’m in Love, Close to Me, In Between Days, Just Like Heaven, avant l’inévitable Boys Don’t Cry. Pas de surprise, malheureusement, Robert n’a pas réellement tenu sa promesse d’un set spécial pour Paris… même si on ne lui en veut pas vraiment ! 2h45, c’est plus qu’honorable pour un musicien de son âge, non ? Il nous quitte avec beaucoup d’émotion, on voit qu’il est sincère, qu’il adore jouer à Paris, qu’il n’a pas envie de partir alors que tous les musiciens sont déjà dans les loges, eux. Et cette émotion fait écho à la nôtre, à notre fidélité à cette musique.

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Bon, il a manqué quelque chose à ce concert, moins convaincant que celui donné à Rock en Seine il y a 3 ans (même si, paradoxalement, la setlist était bien meilleure ce soir…) : pas mal de morceaux ont déçu dans des versions plus éloignées qu’à l’habitude des originales (ce qui est bien), mais surtout un peu laminées par une énergie « Rock » trop mécanique (ce qui est moins bien…).

C’est dommage, mais ce n’est pas grave : je ne crois pas qu’il y ait eu une seule personne qui ait regretté d’avoir été là, de toute façon…

Texte : Eric Debarnot
Photos : Robert Gil

7 thoughts on “[Live Report] The Cure et The Twilight Sad à l’Accor Arena (Paris) : décevant mais légendaire…

  1. Bonjour,
    Contrairement à ce que vous affirmez The Cure n’a jamais joué de la musique planante en 1981 ! Tout au plus certains morceaux étaient atmosphériques/climatiques comme sur « Faith ». Cette qualification ne s’applique principalement qu’à ce que produisaient Klaus Schulze et Tangerine Dream et qui n’est donc pas la même musique que le groupe anglais.

    1. Bonjour Jean-Pierre
      Vous avez parfaitement raison, et je suis 100% d’accord avec vous? Comme quoi, quand on écrit, même en relisant plusieurs fois, on laisse des mots qui ne sont pas justes. Je vais corriger de ce pas.
      Merci pour votre correction.
      Eric

  2. Bonsoir
    Quel âge avez vous pour avoir pu assister au concert de l’Olympia ?
    Pour ma part ce que vous décrivez du concert, je l’avais déjà ressenti en 92 à la salle omnisport à Rennes. Donc aucun regret pour la suite.
    Dom

    1. Bonsoir Dom

      Je n’ose même pas répondre sur mon âge, mais vous pouvez aisément faire le calcul ! En tous cas, c’est super de partager la même passion pour ce groupe exceptionnel. On m’a reproché sinon d’avoir été trop dur avec ce concert à l’Accor Arena, mais qui aime bien châtie bien !

      Bien cordialement
      Eric

  3. Je ne suis pas du tout d’accord avec votre critique des nouveaux morceaux qui sont, à mon humble avis, magnifiques.
    Il est certes plus facile d’apprécier des morceaux que nous connaissons depuis 10, 20, 30 ou même 40 ans. Mais il faut faire l’effort de sortir de son petit confort pour se mettre au niveau de l’artiste qui cherche à créer.
    J’avais écouter plusieurs fois les nouveaux morceaux avant le concert (de Strasbourg) sans avoir réussi à avoir une opinion tranchée.
    Après le concert, c’est fait, elles sont magnifiques ! Et sur les réseaux sociaux, j’ai l’impression à ne pas être le seul à les trouver grandioses et à attendre le nouvel album avec impatience.
    En attendant, je passe mes soirées à n’écouter que celles-là car elles m’attirent inexorablement en étant mélancoliques, tristes mais tellement belles et tellement « Cure ».

    1. J’espère de tout mon cœur être passé à côté de ces nouvelles chansons au cours de ce concert parisien et que le nouvel album sera la merveille que Robert nous promet depuis des années… On en reparlera donc…

      Eric

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